Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 6 août 2014, et un mémoire en réplique, enregistré le 21 janvier 2016, M. A... représenté par Me G...demande à la Cour :
1°) de surseoir à statuer dans l'attente du résultat de la procédure amiable ouverte en application de l'article 26 de la convention franco-algérienne ;
2°) d'annuler le jugement n° 1310713/1-1 du 18 juin 2014 du Tribunal administratif de Paris ;
3°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il y a lieu pour la Cour de surseoir à statuer dans l'attente du résultat de la procédure amiable prévue par l'article 26 de la convention fiscale franco-algérienne du 17 octobre 1999 ;
- le domicile fiscal des époux A...au cours des années litigieuses était situé en Algérie et non en France tant au regard de la loi fiscale interne que de la convention fiscale franco-algérienne du 17 octobre 1999 que de la doctrine administrative BOI-IR-CHAMP-10 n° 80-90 ;
- dès lors qu'il était résident algérien en 2007, la plus value réalisée en 2007 n'était imposable qu'en Algérie ;
- s'agissant des revenus d'origine indéterminée au titre de 2008, d'une part un
non-résident n'est imposable en France que sur ses revenus de source française et l'administration n'apporte pas la preuve qu'il s'agit de revenus de source française, d'autre part, les remises de chèques sont justifiées par la vente de deux VTT, le remboursement d'une association et les remboursements de prêts de MM. D... etE....
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 février 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- il n'y a pas lieu pour la Cour de surseoir à statuer dans l'attente du résultat de la procédure amiable car l'article 26 de la convention franco-algérienne prévoit qu'elle est mise en oeuvre indépendamment des recours prévus par le droit interne de ces Etats ;
- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la convention fiscale franco-algérienne du 17 octobre 1999 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pagès,
- les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public,
- et les observations de MeB... - C..., pour M. A... ;
1. Considérant que M. et MmeA..., qui ont la double nationalité française et algérienne, ont fait l'objet d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle au titre des années 2007 à 2009 au terme duquel ont été mises à leur charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2007 et 2008 ; que M. A... relève régulièrement appel du jugement du 18 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge desdites impositions ;
Sur les conclusions tendant à ce que la Cour sursoit à statuer dans l'attente du résultat de la procédure amiable prévue par l'article 26 de la convention fiscale
franco-algérienne :
2. Considérant que l'article 26 de la convention fiscale franco-algérienne du 17 octobre 1999 prévoit expressément que la procédure amiable est mise en oeuvre indépendamment des recours prévus par le droit interne des deux Etats ; que, dès lors, il n'y a pas lieu, pour la Cour, de surseoir à statuer dans l'attente du résultat de cette procédure amiable ;
Sur les conclusions à fin de décharge des impositions litigieuses :
En ce qui concerne le domicile fiscal :
Quant au droit interne :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française " ; qu'aux termes de l'article 4 B du même code : " Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal (...) " ; que, pour l'application des dispositions du paragraphe a du 1 de l'article 4 B précité, le foyer s'entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles, et que le lieu du séjour principal du contribuable ne peut déterminer son domicile fiscal que dans l'hypothèse où celui-ci ne dispose pas de foyer ;
4. Considérant que si M. A... soutient qu'il a quitté la France depuis le 14 mai 2007 pour s'établir en Algérie, il est constant que Mme A..., son épouse, et leurs trois enfants mineurs, dont deux sont scolarisés en France et où le troisième est né le 24 octobre 2007, ont continué de vivre dans ce pays pendant la période litigieuse, où les époux ont successivement disposé de deux logements situés à Paris, pris en location aux termes de contrats établis à leur nom, sans qu'un caractère précaire ne résulte de la circonstance qu'il se soit agi de baux meublés, contrairement à ce que soutient le requérant, et alors que sont établis par l'instruction l'affiliation des époux à la Caisse d'allocation familiale (CAF) de Paris dont ils ont perçu des revenus, ainsi qu'à une mutuelle, et des abonnements de téléphonie et d'électricité respectivement souscrits en 2007 et en 2008, enfin la circonstance que les époux aient été titulaires de plusieurs comptes bancaires ouverts auprès d'établissements situés en France, tandis que M. A... ne conteste pas avoir affirmé, au cours du contrôle, n'avoir disposé d'aucun compte bancaire en Algérie ; que par ailleurs, M. A... possédait un véhicule immatriculé en France et louait dans ce pays un emplacement de parking ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que ce séjour de l'épouse et des enfants de M. A... aurait eu un caractère seulement temporaire, contrairement à ce qu'allègue ce dernier, dès lors notamment qu'il ne conteste pas avoir indiqué, au cours du contrôle, s'être rendu en France régulièrement pour leur y rendre visite, affirmation corroborée par la circonstance, non contestée, qu'il a effectué de nombreux paiements et retraits à partir d'un compte bancaire ouvert à son nom en 2007 et en 2008, tandis que s'il affirme que son épouse et ses enfants se seraient rendus en Algérie pendant les vacances scolaires, il n'en justifie pas ; que, dans ces conditions, M. A... doit être regardé comme ayant eu, au cours des années en cause, son foyer en France au sens des dispositions précitées du code général des impôts comme l'ont estimé, à juste titre, les premiers juges ; que M. A..., ayant ainsi son foyer fiscal en France, y était imposable, par application de la loi interne ;
Quant à la convention fiscale franco-algérienne :
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 2 de la convention fiscale franco-algérienne du 17 octobre 1999 : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " résident d'un état contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat contractant, est assujettie à l'impôt dans cet Etat, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. Toutefois, cette expression ne comprend pas les personnes qui ne sont assujetties à l'impôt dans cet Etat contractant que pour les revenus de sources situées dans cet Etat contractant ou pour la fortune qui y est située. 2. Lorsque, selon les dispositions du paragraphe 1, une personne physique est un résident des deux Etats contractants, sa situation est réglée de la manière suivante : a. Cette personne est considérée comme un résident de l'Etat contractant où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent ; si elle dispose d'un foyer d'habitation permanent dans les deux Etats contractants, elle est considérée comme un résident de l'Etat contractant avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux) ; b. Si l'Etat contractant où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut pas être déterminé, ou si elle ne dispose d'un foyer d'habitation permanent dans aucun des Etats contractants, elle est considérée comme un résident de l'Etat contractant où elle séjourne de façon habituelle ; (...) " ; qu'il résulte de ces stipulations que, lorsqu'une personne qui entre dans leur champ d'application a un foyer d'habitation permanent à la fois en France et en Algérie, elle est imposable dans celui de ces deux Etats où elle a, en outre, le centre de ses intérêts vitaux, ou bien, si ce centre n'est situé dans aucun d'eux, dans celui où elle séjourne habituellement ; qu'il résulte aussi de ces stipulations que toute résidence dont une personne dispose de manière durable est pour elle, au sens de la convention, un foyer d'habitation permanent ;
6. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, qu'ainsi qu'il vient d'être dit, M. A... était locataire de logements en France où son épouse et ses trois enfants résidaient de manière permanente au cours des années 2007 et 2008 ; qu'ainsi, il disposait en France d'un foyer d'habitation permanent ;
7. Considérant, en second lieu, qu'en sus des faits mentionnés ci-dessus, aux points 4 et 6, le requérant ne conteste pas avoir exprimé, au cours du contrôle, la volonté de scolariser ses enfants en France comme motif du séjour de ces derniers ainsi que de son épouse dans ce pays ; que s'il fait valoir qu'il a acquis, le 6 janvier 2007, les parts d'une société algérienne Label Vert dans laquelle il aurait exercé une activité, et qu'au cours de la période en litige, il était gérant et associé d'une autre société algérienne Joaillerie Agostini, les déclarations de revenus qu'il a déposées en Algérie ne mentionnent aucun revenu de source algérienne tandis qu'il est titulaire en France d'un contrat d'assurance-vie correspondant à un placement de conséquence, générateur de revenus, ainsi que de comptes ouverts auprès d'établissements bancaires situés dans ce pays, alors qu'il ne conteste pas avoir déclaré au cours du contrôle ne disposer d'aucun compte bancaire en Algérie, ainsi qu'il a été dit ; qu'il en résulte que nonobstant la circonstance non contestée que M. A... a également disposé, en Algérie, d'un foyer d'habitation permanent au cours de la période en litige, il avait le centre de ses intérêts vitaux en France au sens du a du 2 de l'article 2 de la convention fiscale franco-algérienne et, par suite, la qualité de résident de France pour l'application de cette convention, comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges ;
8. Considérant que si M. A... invoque la doctrine administrative 14 B 03, celle-ci ne fait, en tout état de cause, pas de la loi ni de la convention internationale une interprétation différente de celle que fait le présent jugement ;
En ce qui concerne l'imposition d'une plus-value sur valeurs mobilières réalisée en 2007 :
9. Considérant qu'aux termes de l'article 150-O A du code général des impôts : " I. 1. (...) les gains nets retirés des cessions à titre onéreux (...) de valeurs mobilières, de droits sociaux (...) sont soumis à l'impôt sur le revenu (...) " ; qu'aux termes de l'article 13 de la convention franco-algérienne : " 1. a) Les gains provenant de l'aliénation de biens immobiliers visés à l'article 6 sont imposables dans l'Etat contractant où ces biens immobiliers sont situés. b) Les gains provenant de l'aliénation d'actions, parts ou autres droits dans une société ou personne morale dont l'actif est principalement constitué, directement ou par l'interposition d'une ou plusieurs autres sociétés ou personnes morales, de biens immobiliers situés dans un Etat contractant ou de droits portant sur de tels biens sont imposables dans cet Etat. Pour l'application de cette disposition, ne sont pas pris en considération les biens immobiliers affectés par cette société ou personne morale à sa propre exploitation industrielle, commerciale ou agricole ou à l'exercice par elle d'une profession indépendante (...) 4. Les gains provenant de l'aliénation de tous biens autres que ceux visés aux paragraphe 1, 2 et 3 ne sont imposables que dans l'Etat contractant dont le cédant est un résident " ;
10. Considérant, en premier lieu, que si M. A... soutient qu'en application de l'article 13-4 de la convention franco-algérienne et de l'instruction administrative du 22 mai 2003 codifiée à la documentation e base sous la référence 14 B 3 03, N° 108, la plus-value qu'il a réalisée à l'occasion de la cession, le 4 septembre 2007, de parts sociales qu'il détenait dans la SAS de l'Europe Saint-Séverin à la SARL Financière Saint-Séverin n'est pas imposable en France, faute pour lui d'y avoir sa résidence ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que, pour les motifs mentionnés aux points 3 à 8, le requérant doit être regardé comme ayant été résident de France pendant la période litigieuse au sens des stipulations précitées de la convention
franco-algérienne ; que, par suite, contrairement à ce que prétend l'intéressé, ni les stipulations précitées de cette convention, ni la doctrine administrative invoquée, ne font obstacle à l'imposition de la plus-value de cession en cause sur le fondement des dispositions précitées de l'article 150-O A du code général des impôts ;
11. Considérant, en second lieu, que la circonstance, à la supposer même établie, que M. A... n'aurait commencé à percevoir le prix dû pour cette vente qu'en 2009, est sans incidence sur le bien-fondé de l'imposition en cause au titre de l'année 2007, au cours de laquelle le transfert de propriété des titres est intervenu et la plus-value de cession a été réalisée ;
En ce qui concerne l'imposition de revenus d'origine indéterminée au titre de 2008 :
12. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition " ; qu'aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré " ; que dès lors que M. A... a régulièrement fait l'objet d'une taxation d'office au titre de l'année 2008, il supporte la charge de la preuve en vertu des dispositions précitées ;
13. Considérant que M. A... soutient que les revenus taxés comme revenus d'origine indéterminée au titre de 2008 ne sont pas imposables en France car ils seraient de source algérienne ou n'auraient pas la nature de revenus imposables dès lors qu'il s'agirait de remboursements de prêts ou du produit de la vente de 2 VTT ; que, toutefois, comme il a été dit M. A... était résident fiscal en France en 2008 ; que, par ailleurs, hormis les copies de remises de chèques, M. A... s'est borné à produire, en première instance, une déclaration sur l'honneur d'un tiers, M. D..., sans date certaine, qui ne saurait établir un des prêts allégués et son remboursement ; que, par suite, M. A... ne prouve pas l'origine et la nature des revenus d'origine indéterminée litigieux ;
En ce qui concerne les contributions sociales :
14. Considérant que si M. A... soutient que les contributions sociales ne peuvent lui être appliquées, dès lors qu'il n'est pas résident de France, il résulte toutefois de l'instruction que, pour les motifs mentionnés aux points 3 à 8, le requérant doit être regardé comme ayant été résident de France pendant la période litigieuse au sens des dispositions législatives comme des stipulations de la convention franco-algérienne ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A...et au ministre des finances et des comptes publics. Copie en sera adressée à la direction nationale des vérifications de situations fiscales.
Délibéré après l'audience du 2 février 2016 à laquelle siégeaient :
M. Krulic, président de chambre,
M. Auvray, président-assesseur,
M. Pagès, premier conseiller,
Lu en audience publique le 23 février 2016.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
J. KRULIC
Le greffier,
C. RENE-MINE
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA03540