Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 août 2015, et un mémoire en réplique, enregistré le 23 novembre 2015, la société Marché des Champs Elysées, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1418769/2-3 du 29 juin 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier pour défaut de motivation ;
- les rehaussements issus de la reconstitution du chiffre d'affaires sont manifestement exagérés ; elle est d'ailleurs fondée à se prévaloir de la doctrine administrative
BOI-BIC-DECLA-30-10-20-50-20140317 ;
- la réintégration de la somme de 56 996 euros au résultat 2009, au titre de produits divers correspondant à des transactions frauduleuses sur cartes bancaires étrangères aboutit à une double imposition ;
- elle est fondée à demander la décharge des pénalités pour manquement délibéré car l'administration ne prouve pas le manquement délibéré.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 novembre 2015 et 14 janvier 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Marché des Champs Elysées ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pagès,
- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public.
1. Considérant que la SARL Marché des Champs Elysées, qui exploite un commerce d'alimentation générale, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos en 2008 et 2009 ; qu'après avoir écarté comme irrégulière et non probante la comptabilité de la société, l'administration a reconstitué les recettes des deux exercices ; que la société Marché des Champs Elysées a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été mis à sa charge, ainsi que des intérêts de retard et majoration de 40 % pour manquement délibéré qui leur ont été appliqués ; que, par un jugement du 29 juin 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que la société Marché des Champs Elysées relève régulièrement appel dudit jugement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments de la requérante, ont répondu de façon circonstanciée à l'ensemble de ses moyens ; que le moyen tiré du défaut de motivation du jugement attaqué ne peut donc qu'être écarté ; qu'il suit de là que le jugement attaqué ne peut être regardé comme entaché d'irrégularité ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'au cours des exercices clos en 2008 et 2009, la société n'a pas présenté de bandes de caisses enregistreuses, ni de livre recettes, celles-ci étant portées sur un cahier et des feuilles volantes, ne permettant pas l'identification des produits vendus, notamment les ventes selon le taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 19,6 % ou de 5,5 % applicable ; que les stocks comptabilisés au bilan ne correspondaient pas aux stocks réels ; que les ventes faisaient l'objet d'une globalisation mensuelle avec répartition forfaitaire du chiffre d'affaires (70 % des ventes à 5,5 %, 30 % des ventes à 19,6 %), et le compte caisse était régulièrement créditeur ; qu'enfin si la requérante se prévaut, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 40 de la doctrine administrative BOI-BIC-DECLA-30-10-20-50-20140317 qui admet, pour tenir compte des conditions d'exercice du commerce de détail, " lorsque la multiplicité et le rythme élevé des ventes de faible montant font pratiquement obstacle à la tenue d'une main courante, que l'enregistrement global des recettes en fin de journée ne suffise à lui seul à faire écarter la comptabilité présentée à condition toutefois que celle-ci soit, par ailleurs, bien tenue et que les résultats-et notamment le bénéfice brut qu'elle accuse - soient en rapport avec l'importance et la production apparente de l'entreprise ", il résulte de ce qui vient d'être dit que la comptabilité de la société Marché des Champs Elysées n'était pas, par ailleurs, bien tenue ; que c'est donc à juste titre que le vérificateur a estimé que cette comptabilité était irrégulière et non probante et a procédé à la reconstitution extracomptable des recettes de la société vérifiée ;
4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " (...) la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission (...) " ; que d'une part que, ainsi qu'il a été dit au point 3, la comptabilité présentait de graves irrégularités ; que d'autre part, les impositions restant en litige ont été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; qu'il appartient par suite à la société requérante de démontrer le caractère exagéré des suppléments d'imposition en litige ;
5. Considérant que, pour reconstituer le chiffre d'affaires de l'activité de la SARL Le Marché des Champs Elysées, le vérificateur a, dans une première étape, déterminé la part des achats revendus de boissons dans le total des achats revendus ; qu'il a à cet effet, déterminé les achats revendus hors taxe de tous les produits à partir des données figurant sur les déclarations de résultats déposées au titre des exercices 2008 et 2009, et déterminé les achats de boissons revendus à partir de la comptabilité matière et des états de stocks fournis après dépouillement de l'ensemble de factures d'achats de liquides présentées lors du contrôle ; qu'il a, dans une deuxième étape, déterminé le chiffre d'affaires " liquides " à partir du nombre de bouteilles achetées et de l'évolution du stock entre le 1er janvier et le 31 décembre de chaque exercice, en retenant les prix de vente communiqués par le gérant ; que dans une troisième étape, il a appliqué le pourcentage déterminé à l'issue de la première étape au chiffre d'affaires reconstitué des liquides pour obtenir le chiffre d'affaires total ; que pour définir le chiffre d'affaires hors taxe, en l'absence de justification des recettes, et la TVA collectée, le service a considéré que le chiffre d'affaires reconstitué était constitué à 70 % par les ventes taxables au taux de 5,5 % et à 30 % par celles taxables au taux de 19,6 %, conformément aux indications du gérant et du comptable de la société ;
6. Considérant que la société requérante fait valoir que le vérificateur a reconstitué les recettes en extrapolant les résultats à partir de la comptabilité matière des boissons, alors qu'il lui aurait suffi d'exploiter la comptabilité des achats, qui était tenue de façon détaillée ; que l'écart très faible apparaissant entre le chiffre d'affaires reconstitué correspondant aux achats de liquides et celui résultant de la comptabilisation des achats facturés au taux de 19,6 % témoignerait, selon la société requérante, du caractère sincère des recettes déclarées qui auraient dû en conséquence être retenues en l'état par l'administration fiscale ; que, toutefois, alors que le caractère non probant de la comptabilité vérifiée rendait nécessaire la reconstitution extracomptable du chiffre d'affaires, la société requérante ne saurait, pour s'opposer aux redressements notifiés, se borner à faire état du caractère sincère des éléments déclarés ; que, par ailleurs, pas plus dans la présente requête d'appel que dans sa demande de première instance, elle n'apporte d'éléments pour remettre en cause la part des ventes de boissons dans les ventes totales, ni les pourcentages des ventes relevant du taux de 5,5 % et de celles du taux de 19,6 % que le vérificateur a établi en reprenant les chiffres indiqués par le gérant et le comptable de la société ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la méthode de reconstitution utilisée par le vérificateur à partir des éléments dont il disposait concernant l'exploitation du commerce d'alimentation générale pendant les deux années vérifiées serait radicalement viciée dans son principe ou excessivement sommaire ou aboutirait à des chiffres d'affaires exagérés ;
7. Considérant, enfin, que le service a réintégré dans les résultats imposables de l'exercice 2009 un montant de 56 995 euros correspondant à des sommes soustraites en 2009 à des tiers à partir de cartes bancaires étrangères copiées ; qu'il résulte de l'instruction qu'en application de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, l'autorité judiciaire avait communiqué le 3 mars 2010 au service des impôts des documents démontrant que ces sommes, perçues par la société Marché des Champs Elysées, correspondaient à des transactions frauduleuses et non à des ventes de produits ; que la société requérante soutient que cette somme est déjà incluse dans le chiffre d'affaires reconstitué par le service et fait l'objet d'une double imposition ; que, toutefois, la société requérante, qui annonce dans son mémoire en réplique la production prochaine de pièces établissant que les sommes soustraites en 2009 à des tiers à partir de cartes bancaires étrangères copiées ont servi à financer pour partie ses achats sans les produire ultérieurement, n'apporte aucun élément probant de nature à établir la double imposition alléguée ; que ce moyen doit donc également être écarté ;
En ce qui concerne les pénalités :
8. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ;
9. Considérant que l'omission de manière répétée de sommes importantes, et notamment la somme susvisée de 56 995 euros correspondant à des sommes soustraites en 2009 à des tiers à partir de cartes bancaires étrangères copiées, la non production de bandes de caisses enregistreuses, les anomalies comptables caractérisent le caractère intentionnel de la société requérante de minorer son chiffre d'affaires déclaré et de se soustraire au paiement des impôts en litige ; que dès lors l'administration apporte la preuve, qui lui incombe en vertu des dispositions de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, du manquement délibéré de la société Marché des Champs Elysées ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Marché des Champs Elysées n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Marché des Champs Elysées est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Marché des Champs Elysées et au ministre de l'économie et des finances. Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal parisien 1).
Délibéré après l'audience du 14 mars 2017 à laquelle siégeaient :
M. Krulic, président de chambre,
M. Auvray, président-assesseur,
M. Pagès, premier conseiller,
Lu en audience publique le 28 mars 2017.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
J. KRULIC
Le greffier,
C. RENE-MINE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA03326