Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 9 mai 2018 et 17 janvier 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1800065/6-2 du 13 avril 2018 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 novembre 2017 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " ou mention " salarié " à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, ou à défaut, d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant cet examen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur de fait, car il a bien fourni une promesse d'embauche ;
- elle est entachée d'erreur de droit, le préfet de police ayant méconnu la portée de sa compétence ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale car elle se fonde sur un refus de titre de séjour lui-même illégal ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreur de droit et d'un défaut d'examen de sa situation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire est illégale car elle se fonde sur un refus de titre de séjour et une obligation de quitter le territoire français illégaux ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale car elle se fonde sur un refus de titre de séjour et une obligation de quitter le territoire français illégaux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête de M.B....
Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Legeai a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant égyptien né en avril 1978, est entré en France le 1er novembre 2007 et y réside depuis lors selon ses déclarations. Le 3 novembre 2017, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 27 novembre 2017, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit. M. B...fait appel du jugement du tribunal administratif de Paris qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 27 novembre 2017.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, le deuxième alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ".
3. Pour établir qu'il résidait en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué, M.B..., n'avait produit en première instance, au titre de la période allant du
1er janvier 2008 à août 2009, qu'une attestation, datée de 2015, d'enregistrement au Consulat général d'Egypte en mars 2008, une autorisation de sortie d'hôpital du 11 mars 2008 ne comportant pas le cachet de l'établissement, une attestation de l'association La Chorba établie en 2015 attestant de la présence de l'intéressé courant 2008, une demande d'abonnement SFR du 5 mars 2009, suivis d'une décision d'admission à l'aide médicale d'Etat et d'une attestation de domiciliation administrative datées de septembre 2009 et de diverses attestations de proches établies en décembre 2017 et très peu circonstanciées. Il produit en appel un relevé de rechargement de son titre de transport concernant plusieurs mois de ces deux années mais ne permettant pas d'identifier le payeur ni de démontrer qu'il en était l'utilisateur. Les justificatifs produits, qui ne sont pas assortis de précisions sur les conditions de vie de l'intéressé en France, sont ainsi insuffisamment nombreux et probants pour établir sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de la décision attaquée. Dès lors, M. B...n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police était tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de statuer sur sa demande. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure et de la méconnaissance des dispositions du deuxième alinéa de l'article
L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police, qui n'avait pas à faire état dans la décision attaquée de l'ensemble des éléments dont se prévalait le requérant, ni à l'inviter à compléter son dossier de demande, n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé, alors qu'il n'est pas établi que l'intéressé aurait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux, ni qu'il aurait été empêché de présenter des pièces complémentaires avant que ne soit prise la décision litigieuse. La circonstance que la décision attaquée a été édictée en 24 jours ne caractérise pas un défaut d'examen particulier du dossier de demande.
5. En troisième lieu, si M. B...soutient que le préfet de police a commis une erreur de fait en énonçant dans l'arrêté contesté qu'il ne produisait pas de promesse d'embauche, il ressort des pièces du dossier que la promesse d'embauche dont il se prévaut est datée du 22 décembre 2017 et est donc postérieure à la décision attaquée du 27 novembre 2017. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait ne peut qu'être écarté.
6. En quatrième lieu, le premier alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers dispose : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 ".
7. M.B..., qui indique avoir un frère de nationalité néerlandaise, fait valoir qu'il justifie d'une résidence habituelle en France depuis plus de dix ans, maîtrise la langue française, ne constitue pas une menace pour l'ordre public, a fixé le centre de ses intérêts privés en France, où il travaille en qualité de peintre, et a obtenu une promesse d'embauche en cette qualité. Toutefois, d'une part, comme dit précédemment, l'intéressé n'établit pas la continuité de son séjour en France depuis plus de dix ans. En tout état de cause, une résidence de plus de dix ans ne constitue pas, en elle-même, des considérations humanitaires ou un motif exceptionnel d'admission au séjour. D'autre part, M. B... ne justifie pas d'une réelle insertion professionnelle en ne produisant qu'une promesse d'embauche postérieure à l'arrêté attaqué. Enfin, l'intéressé ne démontre pas une intégration particulière en France, alors qu'il y est célibataire et sans charge de famille, mais n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où résident ses parents et où il a vécu jusqu'à l'âge de 29 ans. Dès lors, le préfet de police a pu sans erreur manifeste d'appréciation estimer que les éléments dont se prévaut l'intéressé ne constituent pas des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
8. En cinquième lieu, si le préfet de police dispose d'un pouvoir de régularisation lui permettant, s'il l'estime opportun, de délivrer un titre de séjour à un demandeur qui ne remplit pas toutes les conditions exigées, il n'est pas tenu d'exercer ce pouvoir discrétionnaire et n'a ni méconnu sa compétence ni commis d'erreur de droit en examinant la demande d'admission exceptionnelle au séjour de M. B...au regard des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. En dernier lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
10. M. B...fait valoir qu'il est entré en France le 1er novembre 2007 et y a établi le centre de ses intérêts personnels et privés. Toutefois, ainsi qu'il a précédemment été développé au point 7, le requérant est en France célibataire et sans charge de famille, n'y établit ni la durée de son séjour, ni son insertion personnelle et professionnelle, alors qu'il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où résident ses parents et où il a vécu jusqu'à l'âge de 29 ans. Dès lors, la décision portant refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de M. B...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, il résulte des motifs adoptés précédemment que le préfet de police pouvait légalement refuser de délivrer un titre de séjour à M.B.... Par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour doit être écarté.
12. En deuxième lieu, l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " I. -L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée / Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...) ". En l'espèce, l'arrêté attaqué vise les textes dont il fait application, et notamment l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, il expose précisément les raisons pour lesquelles l'intéressé ne peut se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement notamment de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour la délivrance d'une carte de séjour sur ce fondement. Ainsi, l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui fondent la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, qui est suffisamment motivée. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français, qui n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte, est insuffisamment motivée, doit être écarté.
13. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient que le requérant, il ressort de la motivation de l'arrêté attaqué que le préfet de police a prononcé une obligation de quitter le territoire français à l'encontre de M. B...après avoir procédé à un examen particulier de sa situation, notamment au regard de son ancienneté sur le territoire, sans s'être senti en situation de compétence liée. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
14. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux développés aux points 7 et 10, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'obligation de quitter le territoire français a été prise, ni davantage qu'il aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle.
Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :
15. En premier lieu, il résulte des motifs exposés ci-dessus que la décision de refus de titre de séjour et la décision portant obligation de quitter le territoire français ne sont pas entachées d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité de la décision fixant le délai de départ volontaire par voie d'exception ne peut qu'être écarté.
16. En deuxième lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours (...) ". En application de ces dispositions, lorsque l'autorité administrative prévoit qu'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement dispose du délai de départ volontaire de trente jours, qui est le délai normalement applicable, ou d'un délai supérieur, elle n'est pas tenue de motiver sa décision sur ce point si l'étranger, comme en l'espèce, n'a présenté aucune demande en ce sens. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du délai de départ volontaire fixé par la décision portant obligation de quitter le territoire doit être écarté.
17. En troisième lieu, M. B...soutient qu'un délai supplémentaire aurait dû lui être accordé en raison de l'ancienneté de sa présence sur le territoire et de son intégration à la société française. Toutefois, il résulte des motifs développés au point 7 et 10 qu'il ne justifie pas, à la date de la décision contestée, de circonstances particulières relatives à sa situation personnelle susceptibles de justifier l'octroi à titre exceptionnel d'un délai supérieur à trente jours. Ainsi les moyens tirés de ce que la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire, d'une part, porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaitrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et, d'autre part, serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressé doivent être écartés.
Sur la décision fixant le pays de destination :
18. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
19. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête d'appel ne peut qu'être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 24 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, présidente de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. Legeai, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 février 2019.
Le rapporteur,
A. LEGEAI La présidente,
S. PELLISSIER Le greffier,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01588