2°) de rejeter les conclusions de la demande de M. A...tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle il a refusé d'enregistrer sa demande d'asile.
Le préfet de police soutient que :
- dès lors que M. A...était en fuite, il disposait d'un délai de dix-huit mois pour procéder à son transfert vers l'Italie et n'était pas tenu d'enregistrer la demande d'asile ;
- les autres moyens doivent être écartés par les mêmes motifs que ceux avancés en première instance.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 février 2019, M.A..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de police d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans un délai de dix jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. A...soutient que :
- le moyen invoqué par le préfet de police n'est pas fondé ;
- l'existence de l'information de l'Etat responsable de la demande d'asile en cas de prolongement du délai de transfert n'est pas établie.
Par une décision du 13 mars 2019, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Paris a admis M. A...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Platillero ;
- et les observations de Me Tsobgni, avocat de M.A....
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., de nationalité bangladaise, a sollicité l'asile auprès du guichet unique des demandeurs d'asile de Paris le 23 juin 2017. A la suite de la prise de ses empreintes digitales, la consultation du fichier " Eurodac " a permis d'établir que sa demande d'asile était susceptible de relever de la compétence de l'Italie, pays dans lequel il avait été enregistré le 7 avril 2017. Requises par une demande de prise en charge du 3 juillet 2017, les autorités italiennes ont implicitement accepté leur responsabilité dans le traitement de la demande d'asile de M. A...le 3 septembre 2017. Par un arrêté du 23 novembre 2017, le préfet de police a alors décidé de transférer M. A...aux autorités italiennes. Par des courriers du 26 mars 2018 et du 10 avril 2018, M.A..., se prévalant de l'expiration du délai de transfert de six mois, a de nouveau demandé l'enregistrement de sa demande d'asile aux autorités françaises. En l'absence de réponse, il a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant notamment à l'annulation de la décision implicite prise par le préfet de police. Le préfet de police fait appel du jugement du 23 octobre 2018 par lequel le tribunal a fait droit à la demande de M.A..., en tant que ce jugement a annulé cette décision implicite, lui a enjoint de procéder à l'enregistrement de la demande d'asile et a mis les frais liés au litige à la charge de l'Etat.
2. Aux termes de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'État membre requérant vers l'État membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'État membre requérant, après concertation entre les États membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 (...) 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite (...) ". Aux termes de l'article 7 du règlement de la Commission du 2 septembre 2003 : " 1. Le transfert vers l'Etat responsable s'effectue de l'une des manières suivantes : a) à l'initiative du demandeur, une date limite étant fixée ; b) sous la forme d'un départ contrôlé, le demandeur étant accompagné jusqu'à l'embarquement par un agent de l'Etat requérant et le lieu, la date et l'heure de son arrivée étant notifiées à l'Etat responsable dans un délai préalable convenu ; c) sous escorte, le demandeur étant accompagné par un agent de l'Etat requérant, ou par le représentant d'un organisme mandaté par l'Etat requérant à cette fin, et remis aux autorités de l'Etat responsable (...) ". Il résulte de ces dispositions que le transfert d'un demandeur d'asile vers un Etat membre qui a accepté sa prise ou sa reprise en charge, sur le fondement du règlement du 26 juin 2013, s'effectue selon l'une des trois modalités définies à l'article 7 cité ci-dessus, c'est à dire à l'initiative du demandeur, sous la forme d'un départ contrôlé ou sous escorte.
3. Il résulte des dispositions mentionnées au point précédent que, d'une part, la notion de fuite doit s'entendre comme visant le cas où un ressortissant étranger se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d'éloignement le concernant. D'autre part, dans l'hypothèse où le transfert du demandeur d'asile s'effectue sous la forme d'un départ contrôlé, il appartient, dans tous les cas, à l'Etat responsable de ce transfert d'en assurer effectivement l'organisation matérielle et d'accompagner le demandeur d'asile jusqu'à l'embarquement vers son lieu de destination. Une telle obligation recouvre la prise en charge du titre de transport permettant de rejoindre l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile depuis le territoire français ainsi que, le cas échéant et si nécessaire, celle du pré-acheminement du lieu de résidence du demandeur au lieu d'embarquement. Enfin, dans l'hypothèse où le demandeur d'asile se soustrait intentionnellement à l'exécution de son transfert ainsi organisé, il doit être regardé comme en fuite au sens des dispositions de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013.
4. Il ressort des pièces du dossier que l'administration a procédé à l'acheminement de M. A..., qui avait refusé l'aide qui lui avait été proposée par l'Office français de l'immigration et de l'intégration pour l'exécution de son transfert, et l'a placé en rétention administrative le 7 février 2018 en vue de son éloignement, sans que le requérant n'apporte aucun élément de nature à établir l'illégalité de ce placement, en prévoyant son embarquement vers l'Italie par un vol organisé le 8 février 2018. M. A...ne conteste pas qu'il a refusé d'embarquer à bord du vol à destination de l'Italie qui était prévu, alors qu'il était sur le point d'être escorté jusqu'à l'avion. Ainsi, alors que l'administration a respecté les obligations qui sont les siennes dans l'organisation d'un départ contrôlé, M. A...s'est soustrait intentionnellement à l'exécution de ce départ, avant de demander à nouveau l'enregistrement de sa demande d'asile après l'expiration du délai de transfert de six mois. Dans ces conditions, et alors même que M. A...a déféré aux convocations qui lui avaient été antérieurement adressées par l'administration, le préfet de police était fondé, en raison de l'obstruction opposée le jour du transfert, à estimer que l'intéressé était en fuite au sens de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013. Le préfet de police est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a jugé que M. A... n'était pas en situation de fuite et pouvait se prévaloir du délai de six mois prévu par les dispositions du règlement susvisé.
5. Il y a lieu pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M.A....
6. M. A... fait valoir que le préfet de police ne justifie pas avoir informé les autorités italiennes de la prolongation du délai de réadmission à dix-huit mois, méconnaissant ainsi les prescriptions de l'article 9 du règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié par le règlement n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, selon lesquelles " Il incombe à l'État membre qui, pour un des motifs visés à l'article 29, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 604/2013, ne peut procéder au transfert dans le délai normal de six mois à compter de la date de l'acceptation de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée, ou de la décision finale sur le recours ou le réexamen en cas d'effet suspensif, d'informer l'État responsable avant l'expiration de ce délai. À défaut, la responsabilité du traitement de la demande de protection internationale et les autres obligations découlant du règlement (UE) n° 604/2013 incombent à cet État membre conformément aux dispositions de l'article 29, paragraphe 2, dudit règlement ".
7. Toutefois, il ressort des pièces produites par le préfet de police en première instance que les autorités italiennes ont été informées le 9 février 2018, soit avant l'expiration du délai de six mois à compter de la décision de transfert, de la prolongation du délai de transfert de six à dix-huit mois en raison de la fuite de M.A.... Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions mentionnées au point 6 manque ainsi en fait.
8. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé sa décision implicite refusant d'enregistrer la demande d'asile de M.A..., lui a enjoint de procéder à l'enregistrement de cette demande et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Le jugement doit, dans cette mesure, être annulé, et la demande de première instance rejetée. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à ce que les frais liés au litige d'appel soient mis à la charge de l'Etat doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 2, en tant qu'il annule la décision implicite du préfet de police refusant d'enregistrer la demande d'asile de M.A..., et les articles 3 et 5 du jugement n° 1808438/2-1 du 23 octobre 2018 du tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de M. A...devant le tribunal administratif de Paris tendant à l'annulation de la décision implicite du préfet de police refusant d'enregistrer sa demande d'asile, ses conclusions accessoires de première instance et ses conclusions en appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C...A....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 11 avril 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, présidente de chambre,
- M. Legeai, premier conseiller,
- M. Platillero, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 mai 2019.
Le rapporteur,
F. PLATILLERO La présidente,
S. PELLISSIERLe greffier,
A. LOUNISLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA03962