Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 28 septembre 2021 et un mémoire en réplique enregistré le 10 janvier 2022, la société Perka, représentée par Me Tran, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°s 1901032/4-1, 1901033/4-1, 20003012/4-1 du 27 juillet 2021 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler le titre exécutoire n° 297300/2018 et de la décharger du paiement de la somme de 19 787,33 euros ;
3°) d'annuler le titre exécutoire n° 297208/2018 et de la décharger du paiement de la somme de 16 306,19 euros ;
4°) d'annuler le titre exécutoire n° 132540/2019 et de la décharger du paiement de la somme de 16 881,53 euros ;
5°) de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il n'expose pas en quoi l'installation doit être considérée comme une terrasse ouverte ;
- l'installation en litige constitue un étalage et non une terrasse ouverte dès lors qu'elle ne supporte pas de siège et de table destinées à la clientèle sur l'ensemble de sa surface et qu'il s'agit d'un commerce de vente à emporter dont les ventes s'effectuent à l'intérieur de l'établissement ;
- les titres exécutoires n° 297300/2018 et 132540/2019 ne peuvent appeler des droits de voirie additionnels au titre du chauffage dès lors que de tels droits ne concernent que les terrasses ouvertes alors que son installation est un étalage.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 décembre 2021, la Ville de Paris, représentée par Me Falala, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Perka la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- la délibération 2011 DU 54 des 28, 29 et 30 mars 2011 du Conseil de Paris portant réforme des droits de voirie ;
- l'arrêté du maire de Paris du 6 mai 2011 portant règlement des étalages et terrasses applicable, à compter du 1er juin 2011, sur l'ensemble du territoire de la Ville de Paris ;
- l'arrêté de la maire de Paris du 13 janvier 2017 fixant les tarifs applicables aux droits de voirie, à compter du 1er janvier 2017 ;
- l'arrêté de la maire de Paris du 28 décembre 2017 fixant les tarifs applicables aux droits de voirie à compter du 1er janvier 2018 ;
- l'arrêté de la maire de Paris du 18 décembre 2018 fixant les tarifs applicables aux droits de voirie pour l'année 2019 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gobeill,
- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteure publique,
- et les observations de Me Gorse, représentant la Ville de Paris.
Considérant ce qui suit :
1. La société Perka exploite un fonds de commerce de restauration et de traiteur dans des locaux situés au 54 rue des Lombards dans le 1er arrondissement de Paris sous l'enseigne " Royal Crêpe ". Elle a été destinataire de trois titres exécutoires pour le paiement de droits de voirie au titre des années 2017, 2018 et 2019, mettant respectivement à sa charge des sommes de 19 787,33 euros, 16 306,19 euros et 16 881,53 euros. Elle a demandé, par trois requêtes, l'annulation de ces titres de recettes. Par un jugement du 27 juillet 2021 dont elle relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.
Sur la régularité du jugement :
2. La société requérante soutient que le jugement n'est pas suffisamment motivé en ce qu'il n'a pas exposé les motifs pour lesquels il a considéré que son installation devait être considérée comme une terrasse ouverte et non comme un étalage.
3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés "
4. Pour écarter le moyen tiré de ce que l'installation de la société devait être regardée comme une terrasse ouverte et non comme un étalage au sens du règlement des étalages et des terrasses du 6 mai 2011, le jugement contesté, après avoir rappelé les définitions de ces termes telles qu'elles figurent dans ce règlement, a relevé qu'il ressortait " des pièces des dossiers, notamment des photographies et des procès-verbaux produits, que la ville de Paris a pu, en 2017 ainsi qu'en 2018, sans commettre d'erreur de fait, considérer que les installations litigieuses, dont le caractère illégal est constant, constituaient des terrasses ouvertes et des commerces accessoires. Pour l'année 2019, alors qu'il reste constant que la situation irrégulière perdure, la seule photographie produite par la société Perka, au demeurant non datée, ne permet pas d'établir que la situation d'occupation sans titre du domaine public aurait cessé. ". Une telle motivation, qui ne comporte pas d'élément de fait relatif à la configuration de l'installation en litige, n'est pas suffisante pour comprendre le raisonnement suivi par les premiers juges. Le jugement est donc irrégulier et doit, en conséquence, être annulé.
5. Il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande de la société Perka devant le tribunal administratif.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne les moyens communs aux trois titres exécutoires :
6. La société requérante soutient, en premier lieu, que les titres litigieux sont entachés d'un vice d'incompétence. Toutefois, il ressort des pièces des dossiers qu'ils ont été pris, émis et rendus par Monsieur A... B..., adjoint au chef du service de l'expertise comptable de la direction des finances et des achats, qui disposait d'une délégation de signature de la maire de Paris pour signer notamment les titres de recettes, établie par un arrêté municipal du 22 août 2017 publié au Bulletin Municipal Officiel de la ville de Paris le 29 août 2017. Dès lors, le moyen tiré du vice d'incompétence n'est pas fondé.
7. La société requérante soutient, en deuxième lieu, que les titres exécutoires ne pouvaient légalement mettre à sa charge des droits au titre des terrasses ouvertes alors que son activité relève d'un étalage.
8. Aux termes de l'article 1er du règlement parisien des étalages et terrasses du 6 mai 2011, un étalage est une " occupation délimitée du domaine public de voirie destinée à l'exposition et à la vente d'objets ou de denrées dont la vente s'effectue à l'intérieur des commerces devant lequel le dispositif est immédiatement établi ". Aux termes de l'article 3 du même règlement, une terrasse ouverte est une " occupation délimitée du domaine public de voirie destinée limitativement aux exploitants de débits de boissons, restaurants, glacier et salons de thé pour disposer des tables et des sièges afin d'y accueillir leur clientèle ". Aux termes de l'article 5 du même règlement, les commerces accessoires " constituent des occupations de superficies limitées situées à l'intérieur de la terrasse ouverte ou d'une terrasse fermée autorisée, destinés à la vente de produits à emporter ".
9. D'une part, en reconnaissant qu'elle a installé, sur le domaine public, des tables et des chaises destinées à la consommation par la clientèle des produits qu'elle commercialise, la société requérante établit ce faisant que son installation constitue une terrasse ouverte au sens des dispositions précitées quand bien même elle n'occuperait pas toute la superficie de l'emprise, une telle occupation étant confirmée par les photographies prises par les agents de la Ville de Paris. D'autre part, les seules photographies non datées produites par la société Perka ne permettent pas d'établir que l'installation de cette terrasse aurait cessé en 2019. Enfin, bien que la société requérante soutienne que les ventes de produits à emporter s'effectuent par principe à l'intérieur du commerce, il ressort des photographies produites par la Ville de Paris qu'un stand de vente de produits est installé à l'extérieur de son établissement. La Ville de Paris a, dans ces conditions, pu considérer que l'installation constituait une terrasse ouverte et demander des droits à ce titre.
Sur les moyens soulevés à l'encontre des titres exécutoires n° 297300/2018 et n° 297208 :
10. La société requérante soutient, en troisième lieu, que les titres exécutoires sont entachés d'erreur de droit dès lors qu'en l'absence d'autorisation d'occupation du domaine public, ils sont dépourvus de base légale, et qu'en tout état de cause leur montant est excessif eu égard aux avantages effectivement tirés de l'occupation du domaine public et au montant total des amendes qu'elle a réglées au titre d'infractions liés à l'occupation du domaine public en 2018.
11. Le gestionnaire du domaine public est fondé à réclamer à l'occupant qui utilise de manière irrégulière le domaine une indemnité compensant les revenus qu'il aurait pu percevoir d'un occupant régulier pendant cette période. A cette fin, il doit rechercher le montant des redevances qui auraient été appliquées si l'occupant avait été placé dans une situation régulière, soit par référence à un tarif existant, lequel doit tenir compte des avantages de toute nature procurés par l'occupation du domaine public, soit, à défaut de tarif applicable, par référence au revenu, tenant compte des mêmes avantages, qu'aurait pu produire l'occupation régulière de la partie concernée du domaine public. La circonstance que l'occupation en cause serait irrégulière soit du fait qu'elle serait interdite, soit du fait que l'utilisation constatée de celui-ci contreviendrait aux termes de l'autorisation délivrée, n'empêche pas le gestionnaire du domaine de fixer le montant de l'indemnité due par l'occupant irrégulier par référence au montant de la redevance exigible, selon le cas, pour un emplacement similaire ou pour une utilisation procurant des avantages similaires.
12. Il ressort des pièces des dossiers que les titres exécutoires en litige ont été pris sur le fondement de tarifs existants, lesquels tiennent compte des avantages procurés par l'occupation du domaine public. La société Perka n'apporte, en outre, aucun élément permettant de démontrer que le montant des droits en cause ne serait pas en rapport avec les avantages que lui procure l'occupation du domaine public.
13. La société requérante ne peut pas plus utilement se prévaloir de la disproportion entre le montant qu'elle doit au titre des droits de voirie et le montant total des amendes qu'elle a eu à régler au titre d'infractions liées à l'occupation irrégulière du domaine public en 2018, lesquelles sont de nature distincte des droits en cause.
Sur les moyens soulevés à l'encontre des titres exécutoires n° 297300/2018 et n° 132540/2019 :
14. Si la société Perka soutient en dernier lieu que ces deux titres exécutoires ne peuvent légalement appeler des droits de voirie additionnels au titre du chauffage dès lors que de tels droits ne concernent que les terrasses ouvertes alors que son installation est un étalage, ce moyen ne peut qu'être écarté dès lors, s'agissant, d'une part, du titre exécutoire n° 297300/2018, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 9 du présent arrêt que l'installation en litige constitue une terrasse ouverte, et, s'agissant, d'autre part, du titre exécutoire n° 132540/2019, que ce dernier ne comporte pas de droits de chauffage.
15. Il résulte de tout ce qui précède que la société Perka n'est fondée à demander ni l'annulation des titres exécutoires n° 297300/2018, n° 297208/2018 et n°132540/2019 au titre des droits de voirie pour les années 2017, 2018 et 2019 ni la décharge du paiement des sommes de 19 787,33 euros, de 16 306,19 euros et de 16 881,53 euros. Ses conclusions doivent en conséquence être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
16. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société Perka ni aux conclusions de la Ville de Paris présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1901032, 1901033, 20003012 du 27 juillet 2021 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions présentées par la société Perka et la Ville de Paris est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Perka, à la Ville de Paris et au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 3 février 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président assesseur,
- M. Gobeill, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 février 2022.
Le rapporteur,
JF. GOBEILLLe président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
C. POVSE
La République mande et ordonne au préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.
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N° 21PA05259