I. Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 1er août 2017, 26 février 2018 et 11 avril 2018 sous le n° 17PA02705, la commune de Perthes-en-Gâtinais, représentée par Me B..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement n°1409683-1409742 du 3 mai 2017 du tribunal administratif de Melun en tant qu'il a annulé l'arrêté du 16 juin 2014 par lequel le maire de Perthes-en-Gâtinais a retiré le permis d'aménager n° PA0773591400001 accordé le 21 mars 2014 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par la société Axagimo en première instance ;
3°) de mettre à la charge de la société Axagimo la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, dès lors que, pour refuser de substituer aux motifs initialement retenus le motif tiré de l'illégalité du plan local d'urbanisme approuvé le 21 mars 2013 et de la violation par le permis d'aménager du 21 mars 2014 des dispositions du plan d'occupation des sols antérieur, les premiers juges se sont bornés à relever qu'elle ne démontrait pas avoir poursuivi la procédure de révision du plan local d'urbanisme engagée en avril 2014, sans analyser le bien-fondé du motif dont elle demandait la substitution ;
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le motif tiré de l'illégalité du plan local d'urbanisme approuvé le 21 mars 2013 et de la violation par le permis d'aménager délivré le 21 mars 2014 des dispositions du plan d'occupation des sols remises en vigueur doit être substitué aux motifs initialement retenus, dès lors, d'une part, que le plan local d'urbanisme a été adopté à la suite d'une enquête irrégulière, faute d'annexion au registre d'enquête d'un courrier d'observations formulées par des habitants, qu'il est incompatible avec le schéma directeur régional d'Ile-de-France et la charte du parc naturel régional du Gâtinais français, que le projet d'aménagement durable et le règlement sont incohérents et que le plan contrevient au principe d'utilisation économe des espaces naturels posés par l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme, et d'autre part, que la commune a engagé le 17 avril 2014 la procédure de révision de son plan local d'urbanisme, la légalité de la décision du maire d'écarter le plan local d'urbanisme illégal n'étant toutefois pas subordonnée à la condition de saisir concomitamment le conseil municipal d'une demande d'abrogation, de révision ou de modification du plan local d'urbanisme ;
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le motif tiré de la méconnaissance de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme doit être substitué aux motifs initialement retenus, dès lors que les réseaux publics de distribution d'eau et la pression d'eau observée étant insuffisants, elle n'était pas en mesure d'indiquer dans quel délai les travaux nécessaires seraient exécutés.
Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés les 23 février 2018 et 28 mars 2018, la société Axagimo, représentée par Me Cotillon, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Perthes-en-Gâtinais la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués par la commune ne sont pas fondés.
II. Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 1er août 2017, 26 février 2018 et 11 avril 2018 sous le n° 17PA02706, la commune de Perthes-en-Gâtinais, représentée par Me B..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement n° 14009683-1409742 du 3 mai 2017 du tribunal administratif de Melun en tant qu'il a annulé l'arrêté du 16 juin 2014 par lequel le maire de Perthes-en-Gâtinais a retiré le permis d'aménager n° PA0773591400002 accordé le 21 mars 2014 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par la société Axagimo en première instance ;
3°) de mettre à la charge de la société Axagimo la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir les mêmes moyens que ceux invoqués à l'appui de la requête n° 17PA02705.
Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés les 23 février 2018 et 28 mars 2018, la société Axagimo, représentée par Me Cotillon, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Perthes-en-Gâtinais la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Nguyên Duy,
- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,
- les observations de Me Mariage, avocat de la commune de Perthes-en-Gâtinais, et de Me Cotillon, avocat de la société Axagimo.
1. Considérant qu'à la suite de l'approbation le 21 mars 2013 du plan local d'urbanisme de la commune, le maire de Perthes-en-Gâtinais a délivré à la société Axagimo, par arrêtés du 21 mars 2014, deux permis d'aménager autorisant la réalisation respectivement d'un lotissement de trente-sept lots à bâtir sur un terrain situé rue de Fleury, 50, chemin des Mariniers et rue Regoby et d'un lotissement de seize lots à bâtir sur un terrain situé rue de Fleury ; que, par deux arrêtés du 16 juin 2014, le nouveau maire de Perthes-en-Gâtinais a, après une procédure contradictoire, retiré ces permis d'aménager ; que les recours gracieux formés le 16 juillet 2014 par la société Axagimo contre les arrêtés de retrait ayant été implicitement rejetés, celle-ci a saisi, par deux demandes distinctes, le tribunal administratif de Melun de recours tendant à l'annulation de ces deux arrêtés ainsi que des décisions tacites portant rejet de ses recours gracieux ; qu'après avoir joint les deux demandes, les premiers juges ont annulé l'ensemble des décisions contestées par un jugement du 3 mai 2017, en retenant qu'aucun des motifs figurant dans les arrêtés de retrait ou invoqués dans les mémoires en défense ne permettait de fonder légalement ces décisions ; que la commune de Perthes-en-Gâtinais relève régulièrement appel de ce jugement par deux requêtes distinctes, qu'il y a lieu de joindre pour y statuer par un même arrêt, dès lors qu'elles ont fait l'objet d'une instruction commune et qu'elles présentent à juger des questions identiques ;
Sur la légalité des décisions attaquées :
2. Considérant, d'une part, que l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme prévoit qu'un permis d'aménager peut être retiré, dans un délai de trois mois suivant la date de cette décision, s'il est illégal ;
3. Considérant, d'autre part, que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;
4. Considérant que, pour établir la légalité des deux arrêtés du 6 juin 2014 par lesquels le maire de Perthes-en-Gâtinais a retiré les permis d'aménager délivrés le 21 mars 2014 à la société Axagimo, la commune de Perthes-en-Gâtinais demande à ce que soit substitué aux motifs initialement retenus un autre motif tiré de ce que ces permis étaient illégaux pour avoir été délivrés en méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme ;
5. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte de ladite construction, le permis de construire ne peut être accordé si l'autorité qui le délivre n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public lesdits travaux doivent être exécutés " ; que ces dispositions poursuivent notamment le but d'intérêt général d'éviter à la collectivité publique ou au concessionnaire d'être contraints, par le seul effet d'une initiative privée, de réaliser des travaux d'extension ou de renforcement des réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou d'électricité et de garantir leur cohérence et leur bon fonctionnement, en prenant en compte les perspectives d'urbanisation et de développement de la collectivité ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un permis de construire ou d'aménager doit être refusé lorsque, d'une part, des travaux d'extension ou de renforcement de la capacité des réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou d'électricité sont nécessaires à la desserte de la construction projetée et, d'autre part, l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés, après avoir, le cas échéant, accompli les diligences appropriées pour recueillir les informations nécessaires à son appréciation ; que si ces dispositions n'imposent pas que l'autorité délivrant le permis soit en mesure de fixer la date précise d'achèvement des travaux, l'intention de les réaliser doit pouvoir être établie ; que tel peut être le cas si les procédures nécessaires à leur réalisation ont été engagées à la date de délivrance du permis de construire ou d'aménager litigieux ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, le 4 février 2014, le maire de Perthes-en-Gâtinais a émis des avis favorables sur les projets d'aménagement litigieux dans lesquels il précisait que leurs terrains d'assiette pouvaient être raccordés au réseau de distribution d'eau public ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier, en particulier de la note de calcul remise le 22 mai 2014 par le bureau d'étude Segi, que la pression du réseau d'eau potable de Perthes-en-Gâtinais était d'ores et déjà insuffisante pour desservir le centre-ville et que l'extension de l'urbanisation dans le secteur des Mariniers et dans le coeur d'îlot nécessitait par conséquent la réalisation d'un schéma directeur afin d'identifier précisément les causes de ce manque de pression et de définir les travaux à réaliser ; que le diagnostic sur le réseau d'alimentation en eau potable de la commune réalisé en février 2016 par le bureau d'études Artelia confirme l'existence de pressions trop basses dans le bourg, dues notamment à des fuites dans le réservoir, et prévoit la réalisation de travaux pour un montant estimé à environ 1 million d'euros ; que ces éléments, bien que réunis postérieurement à la délivrance des permis d'aménager du 21 mars 2014, révèlent une situation existante à la date de délivrance de ces autorisations ; qu'ainsi, s'il n'est pas contesté que le terrain d'assiette du projet est effectivement desservi par le réseau de distribution d'eau public, la commune de Perthes-en-Gâtinais est fondée à soutenir qu'à la date à laquelle ont été délivrés les permis d'aménager, ce réseau était insuffisant pour permettre la desserte dans des conditions satisfaisantes de cinquante-trois lots à bâtir supplémentaires et qu'elle n'était pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quel gestionnaire les travaux nécessaires à la desserte des projets en eau potable seraient exécutés ; que la circonstance que la commune avait approuvé en mars 2013, soit un an auparavant, un plan local d'urbanisme prévoyant de nouvelles zones à urbaniser ne démontre pas que les travaux de renforcement du réseau de distribution d'eau potable nécessaires à l'urbanisation de ces zones étaient programmés ; qu'ainsi, la commune est fondée à soutenir que les permis d'aménager étaient illégaux pour avoir été délivrés en méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme et que le maire aurait pu légalement se fonder sur ce motif pour retirer, par les décisions litigieuses, ces permis d'aménager ; qu'il résulte de l'instruction que le maire aurait pris la même décision s'il s'était fondé initialement sur ce motif ; qu'il y a lieu, dès lors, de substituer ce motif, qui suffit à justifier les décisions litigieuses, aux motifs initialement retenus par celles-ci ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Perthes-en-Gâtinais est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé les deux arrêtés du 16 juin 2014 par lesquels son maire a retiré les permis d'aménager accordés à la société Axagimo au motif qu'aucun des motifs de ces décisions ne permettait de fonder légalement une décision de retrait ; qu'il y a lieu pour la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par la société Axagimo en première instance et en appel ;
8. Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas démontré ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué, que la commune de Perthes-en-Gâtinais est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Melun a annulé les deux arrêtés du 16 juin 2014 et les décisions par laquelle son maire a rejeté les recours gracieux de la société Axagimo ;
Sur les frais liés au litige :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Perthes-en-Gâtinais, qui n'est pas la partie perdante, la somme que la société Axagimo demande au titre des frais exposés par elle en première instance et en appel ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Perthes-en-Gâtinais présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1409683-1409742 du 3 mai 2017 du tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par la société Axagimo sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Perthes-en-Gâtinais sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Perthes-en-Gâtinais et à la société Axagimo.
Délibéré après l'audience du 4 mai 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, présidente,
- M. Legeai, premier conseiller,
- Mme Nguyên Duy, premier conseiller.
Lu en audience publique le 31 mai 2018.
Le rapporteur,
P. NGUYÊN DUY La présidente,
S. PELLISSIER Le greffier,
M. A...
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA02705, 17PA02706