Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 28 novembre 2019, la société Les Assurés Associés, représentée par Me A... B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 30 septembre 2019 ;
2°) de prononcer le remboursement du crédit de taxe litigieux, assorti des intérêts moratoires à compter du paiement indu de la taxe ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne reprise par celle du Conseil d'Etat, le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée implique que la taxe indûment facturée puisse être récupérée sans qu'une telle régularisation soit subordonnée à la bonne foi de l'émetteur des factures ;
- il est admis qu'il soit procédé à la régularisation en cas d'assujettissement d'opérations situées en dehors du champ d'application de la taxe dès lors que le risque de perte de recettes fiscales est inexistant ;
- elle a émis des factures rectificatives régulières ;
- l'administration connaissait l'identité des clients et était dès lors en mesure de s'assurer de l'absence de déduction de la taxe initialement facturée, le cas échéant de procéder à des rappels.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 mai 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Les Assurés Associés ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 18 juin 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 juillet 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Les Assurés Associés, qui exerce une activité d'agent et courtier en assurances, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015. Lors des opérations de contrôle, le vérificateur a constaté que la société avait émis des factures comportant de la taxe sur la valeur ajoutée, alors que son activité en est exonérée, et qu'aucune taxe sur la valeur ajoutée n'avait été déclarée au titre de la période vérifiée. A l'issue de ce contrôle, l'administration lui a notifié, notamment, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, au titre des années 2013, 2014 et 2015. Parallèlement, par dépôt d'une déclaration CA3, la société Les Assurés Associés a sollicité le remboursement d'un crédit de taxe de 88 462 euros. L'administration ayant rejeté sa demande, elle a saisi le Tribunal administratif de Paris. Elle relève appel du jugement du 30 septembre par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.
2. Aux termes de l'article 261 C du code général des impôts : " Sont exonérées de taxe sur la valeur ajoutée : (...) 2°) les opérations d'assurance et de réassurance ainsi que les prestations de service afférentes à ces opérations effectuées par les courtiers et les intermédiaires d'assurances ". Aux termes de l'article 272 du même code : " (...) 2. La taxe sur la valeur ajoutée facturée dans les conditions définies au 4 de l'article 283 ne peut faire l'objet d'aucune déduction par celui qui a reçu la facture. (...) ". Aux termes de l'article 283 du même code : " 3. Toute personne qui mentionne la taxe sur la valeur ajoutée sur une facture est redevable de la taxe du seul fait de sa facturation. ".
3. Ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans ses arrêts C-342/87 du 13 décembre 1989, C-454/98 du 19 septembre 2000 et C-566/07 du 18 juin 2009, le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée implique qu'une taxe indûment facturée puisse être régularisée, dès lors que l'émetteur de la facture démontre sa bonne foi ou qu'il a, en temps utile, éliminé complètement le risque de perte de recettes fiscales. Dans un tel cas, la régularisation ne doit pas dépendre du pouvoir d'appréciation discrétionnaire de l'administration fiscale.
4. Il n'est pas contesté que la société Les Assurés Associés a facturé à ses clients de la taxe sur la valeur ajoutée, au cours de la période litigieuse, à raison de prestations n'entrant pas dans le champ d'application de la taxe conformément aux dispositions précitées de de l'article 261 C du code général des impôts. Pour établir que sa demande de restitution de taxe est fondée, la société requérante soutient qu'elle a émis des factures rectificatives régulières et qu'il n'existait aucun risque de perte de recettes fiscales dès lors que l'administration disposait des informations sur ses clients et pouvait vérifier s'ils avaient déduit la taxe sur la valeur ajoutée et le cas échant procéder aux rectifications nécessaires.
5. Il est constant que les factures présentées par la société requérante comme des factures rectificatives et produites au dossier de première instance mentionnent un montant total inchangé par rapport à celui figurant sur les factures initiales erronées. Elles ne sauraient par suite, dès lors qu'elles n'annulaient pas la taxe collectée à tort en la restituant aux entreprises clientes, être regardées comme des factures régularisant ladite taxe au sens des règles rappelées au point 3., alors même que certaines de ces factures indiquaient qu'elles avaient pour objet l'annulation de la taxe sur la valeur ajoutée. Si la société requérante présente, en ce qui concerne deux des clients concernés, des factures d'avoir, celles-ci n'indiquent pas qu'elles sont établies à titre de remboursement de la taxe facturée à tort. En tout état de cause, la société requérante n'établit, alors qu'il lui incombe d'apporter la preuve de l'absence définitive de risque de pertes fiscales, ni que la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur les factures initiales n'avait pas été déduite par les clients, ni, dans l'hypothèse où elle aurait été déduite, que cette déduction aurait été régularisée par la suite. Ainsi, la société requérante, qui ne saurait se borner à faire valoir qu'il appartenait à l'administration d'user de son droit de reprise à l'encontre des clients pour s'opposer à la déduction par ceux-ci de la taxe en cause, n'apporte aucun élément de nature à établir que tout risque de pertes de recettes fiscales aurait disparu.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Les Assurés Associés, qui ne soutient pas que les factures mentionnant la taxe sur la valeur ajoutée ont été émises de bonne foi, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Les Assurés Associés est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Les Assurés Associés et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 18 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président,
- M. Soyez, président-assesseur,
- M. C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 décembre 2020.
Le rapporteur,
F. C...Le président,
I. BROTONS
Le greffier,
I. BEDR
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA03817