M. A...aux autorités bulgares et l'arrêté du 10 août 2017 prononçant son assignation à résidence, a enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M.A..., dans un délai de trois mois suivant la notification du jugement, a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de
800 euros au profit de Me B...au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 5 octobre 2017, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1712912/8 du 14 août 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant ce tribunal.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé qu'il avait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de faire application de la " clause discrétionnaire " prévue à l'article 17 du règlement n° 604/du 26 juin 2013 ;
- les autres moyens invoqués par M. A...à l'encontre des arrêtés pris à son encontre ne sont pas fondés.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du
5 février 2018.
Par une ordonnance du 24 avril 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 24 mai 2018.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 janvier 2019, M.A..., représenté par
MeB..., conclut au non lieu à statuer.
Il soutient que le transfert n'a pas été exécuté dans le délai de six mois.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jimenez,
- et les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. E...A..., ressortissant afghan né le 6 mars 1996, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Par un arrêté du 10 août 2017, le préfet de police a décidé son transfert aux autorités bulgares après avoir relevé que l'examen de sa demande relevait de ces autorités et que celles-ci avaient accepté de le reprendre en charge. Par un second arrêté du même jour, le préfet de police a prononcé l'assignation à résidence de l'intéressé. Par un jugement n° 1712912/8 du 14 août 2017, le Tribunal administratif de Paris a annulé les arrêtés du 10 août 2017, enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. A...dans un délai de trois mois suivant la notification du jugement, mis à la charge de l'Etat le versement à Me B...de la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et rejeté le surplus des conclusions de la demande de M.A.... Le préfet de police relève appel de ce jugement.
Sur le moyen d'annulation retenu par le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris :
2. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ". Aux termes de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". La Cour de justice de l'Union européenne, par son arrêt du 16 février 2017, C. K., H. F., A. S. contre Republika Slovenija, C-578/16 PPU, a dit pour droit que : " 1) L'article 17, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, doit être interprété en ce sens que la question de l'application, par un État membre, de la " clause discrétionnaire " prévue à cette disposition ne relève pas du seul droit national et de l'interprétation qu'en donne la juridiction constitutionnelle de cet État membre, mais constitue une question d'interprétation du droit de l'Union, au sens de l'article 267 TFUE. / 2) L'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit être interprété en ce sens que : - même en l'absence de raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques dans l'État membre responsable de l'examen de la demande d'asile, le transfert d'un demandeur d'asile dans le cadre du règlement n° 604/2013 ne peut être opéré que dans des conditions excluant que ce transfert entraîne un risque réel et avéré que l'intéressé subisse des traitements inhumains ou dégradants, au sens de cet article ; (...) - il incombe aux autorités de l'État membre devant procéder au transfert et, le cas échéant, à ses juridictions, d'éliminer tout doute sérieux concernant l'impact du transfert sur l'état de santé de l'intéressé, en prenant les précautions nécessaires pour que son transfert ait lieu dans des conditions permettant de sauvegarder de manière appropriée et suffisante l'état de santé de cette personne. (...) - le cas échéant, s'il s'apercevait que l'état de santé du demandeur d'asile concerné ne devrait pas s'améliorer à court terme, ou que la suspension pendant une longue durée de la procédure risquerait d'aggraver l'état de l'intéressé, l'État membre requérant pourrait choisir d'examiner lui-même la demande de celui-ci en faisant usage de la 'clause discrétionnaire' prévue à l'article 17, paragraphe 1, du règlement n° 604/2013. (...) ".
3. M. A...fait valoir qu'il a été incarcéré en Bulgarie pendant deux mois, a subi des coups perpétrés par les gardes et une privation de nourriture. Toutefois, la production d'un certificat médical du 11 août 2017 émanant d'un médecin généraliste, constatant des symptômes évocateurs d'un syndrome dépressif réactionnel " pouvant être en rapport avec ce qu'il a vécu en Bulgarie " et indiquant que l'idée de retourner en Bulgarie est extrêmement anxiogène pour ce patient " du fait de toutes [ses] déclarations ", ne suffit pas à établir ni même à faire sérieusement présumer que M. A...a subi les violences alléguées et que cette anxiété serait due aux mauvais traitements dont il aurait été l'objet dans cet Etat. M.A..., qui se borne à conclure au non lieu à statuer dans la présente instance, n'apporte aucun autre élément au soutien de ses allégations. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existait à la date de l'arrêté contesté des motifs sérieux et avérés de croire qu'en cas de remise effective aux autorités bulgares, M. A...risquerait de subir des traitements contraires à l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris ne pouvait, dès lors, se fonder sur l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet de police en refusant de faire application de la " clause discrétionnaire " prévue à l'article 17 du règlement n° 604/du 26 juin 2013 pour annuler la décision de transfert de M. A... aux autorités bulgares.
4. Nonobstant l'expiration du délai de six mois mentionné au point 2 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 susvisé, il y a toujours lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris dès lors que les arrêtés du 10 août 2017 ont produit des effets, M. A...ayant été assigné à résidence.
Sur les autres moyens :
5. En premier lieu, par un arrêté n° 2017-00296 du 21 avril 2017, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 28 avril 2017, le préfet de police a donné à M. C...D..., adjoint au chef du 10ème bureau à la sous-direction de l'administration des étrangers de la direction de la police générale de la préfecture de police, signataire des décisions attaquées, délégation à l'effet de signer de telles décisions en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi qu'elles n'étaient pas absentes ou empêchées lors de la signature de l'acte attaqué. Il suit de là que le moyen tiré de ce que les arrêtés attaqués seraient entachés d'incompétence doit être écarté comme manquant en fait.
6. En deuxième lieu, en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.
7. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.
8. L'arrêté préfectoral du 10 août 2017 portant transfert de M. A...aux autorités bulgares vise notamment le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le règlement (UE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003, le règlement (CE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il précise que M. A...est entré irrégulièrement sur le territoire français et s'y est maintenu sans être muni des documents et visas exigés par les textes en vigueur, que les autorités bulgares ont accepté le 26 juin 2017 de le reprendre en charge en application des dispositions du b) du paragraphe 1 de l'article 18 et du règlement (UE) n° 604/2013 et qu'au regard des éléments de fait et de droit caractérisant sa situation, il ne relève pas des dérogations prévues aux articles 3-2 ou 17 de ce règlement. Il ressort, en outre, des mentions de l'arrêté litigieux que le préfet de police a examiné la situation de M. A...au regard des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et en a conclu à l'absence de risque personnel de nature à constituer une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités de l'Etat responsable de la demande d'asile. Ainsi, l'arrêté portant transfert de M. A...aux autorités bulgares est suffisamment motivé. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté litigieux ne peut qu'être écarté.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article. L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. / En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger ".
10. Il ressort des pièces du dossier que M. A...a bénéficié lors de l'entretien individuel du 3 mai 2017, ainsi que le permettent les dispositions précitées, des services téléphoniques d'un interprète en langue pachtou de l'organisme d'interprétariat ISM, agréé par l'administration. L'intéressé n'allègue ni n'établit que l'interprète n'a pas assuré une bonne communication entre lui et l'agent ayant mené l'entretien. Ainsi, la circonstance que M. A...n'a pas été informé par écrit du nom et des coordonnées de l'interprète n'a privé l'intéressé d'aucune garantie et a été insusceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de l'arrêté litigieux. Dans ces conditions, le moyen tiré de la violation de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
11. En quatrième lieu, aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE)
n° 604/2013 du 26 juin 2013: " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable. ".
12. Le système européen commun d'asile a été conçu de telle sorte qu'il est permis de supposer que l'ensemble des Etats y participant respectent les droits fondamentaux. Ainsi, il est présumé que la Bulgarie, Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, assure un traitement des demandeurs d'asile respectueux de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Cependant, cette présomption peut être renversée s'il y a des raisons sérieuses de croire qu'il existe des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte.
13. Si le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a demandé, en janvier 2014, la suspension temporaire des réadmissions vers la Bulgarie, le préfet de police fait valoir, sans être contesté, que le HCR ne recommande plus, depuis le mois d'avril 2014, cette suspension, mais seulement que les Etats s'assurent que la remise de l'étranger aux autorités bulgares s'avère compatible avec la protection des droits fondamentaux. L'article du
28 janvier 2016 émanant de " The UN refugee Agency " invoqué par le requérant, au demeurant non produit, ne permet pas de tenir pour établis les risques allégués de traitements inhumains et dégradants en Bulgarie à l'endroit des demandeurs d'asile à la date de la décision contestée, ni l'atteinte qui serait portée au droit d'asile et l'absence d'examen des demandes d'asile dans le respect des garanties exigées par les conventions internationales. En outre, ainsi qu'il a été dit au point 3, si M. A...fait valoir qu'il a été incarcéré en Bulgarie pendant deux mois, a subi des coups perpétrés par les gardes et une privation de nourriture, la production d'un certificat médical du 11 août 2017 émanant d'un médecin généraliste, constatant des symptômes évocateurs d'un syndrome dépressif réactionnel " pouvant être en rapport avec ce qu'il a vécu en Bulgarie " et indiquant que l'idée de retourner en Bulgarie est extrêmement anxiogène pour ce patient " du fait de toutes [ses] déclarations ", ne suffit pas à établir ni même à faire sérieusement présumer que cette anxiété serait due aux violences dont il aurait été l'objet dans cet Etat. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 3, paragraphe 2, du règlement 604/2003 précitées doit être écarté.
14. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que l'exception d'illégalité de la décision de transfert, soulevée à l'encontre de la décision d'assignation à résidence, doit être écartée.
15. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 14 août 2017, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé ses arrêtés du 10 août 2017 par lesquels il a ordonné le transfert de M. A... aux autorités bulgares en vue de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence. Il suit de là que la demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées devant la Cour doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1712912/8 du 14 août 2017 du magistrat désigné du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. E...A....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Appèche, président,
- M. Magnard, premier conseiller,
- Mme Jimenez, premier conseiller.
Lu en audience publique le 6 février 2019.
Le rapporteur,
J. JIMENEZLe président assesseur,
En application de l'article R. 222-26 du code
de justice administrative
S. APPECHE
Le greffier,
P. LIMMOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA03186