La société Siva a relevé appel de ce jugement. Par un arrêt n° 14PA00722 du 3 février 2015, la Cour administrative d'appel de Paris a partiellement fait droit aux conclusions de la société Siva en la déchargeant des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie, au titre des années 2008 à 2010, du fait de la réintégration, dans son résultat, des dépenses relatives à une villa sise à Ramatuelle et a rejeté le surplus des conclusions de sa requête d'appel.
Par une décision n° 389318 du 23 décembre 2016 le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, d'une part, annulé l'article 3 de cet arrêt n° 14PA00722 du 3 février 2015 en tant qu'il rejette le surplus des conclusions de la société Siva et, d'autre part, a renvoyé l'affaire, dans cette mesure, devant la Cour.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés respectivement les 18 février, 25 juin
et 25 septembre 2014, le 16 janvier 2015 et le 15 février 2017, la société Siva, représentée par la SCP Waquet-Farge-Hazan, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement n° 1305964/1-1 du 11 décembre 2013 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée devant ce tribunal, en tout hypothèse, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période allant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a omis de répondre au moyen relatif à la charge de la preuve ;
- les dépenses afférentes à la villa de Ramatuelle se rattachaient à son activité de marchand de biens, dès lors qu'elle avait pour intention de la revendre ;
- la procédure d'imposition est irrégulière, dès lors que l'administration n'a pas saisi la commission départementale des impôts alors qu'elle avait sollicité cette saisine ;
- les pénalités pour manquement délibéré appliquées ne sont pas fondées.
Par des mémoires en défense enregistrés les 13 mai 2014, 6 janvier 2015 et 16 février 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 6 janvier 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 20 février 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Appèche
- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public,
- et les observations de Me Hazan, avocat de société Siva.
1. Considérant que la société Siva, qui exerce une activité de marchand de biens, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant porté sur la période du 1er janvier 2008
au 31 décembre 2010, à l'issue de laquelle l'administration a notamment mis à sa charge des rappels d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée, en conséquence d'actes anormaux de gestion et de la remise en cause de déductions afférentes à des dépenses concernant une villa située à Ramatuelle ; qu'après rejet, par le Tribunal administratif de Paris, de sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires, elle a saisi la Cour de céans qui, par un arrêt
n° 14PA00722 du 3 février 2015, l'a déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes résultant de la réintégration, dans son résultat imposable, des dépenses relatives à la villa de Ramatuelle, mais a rejeté le surplus de sa requête ; que par une décision n° 389318 du 23 décembre 2016 le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, après avoir annulé l'article 3 de l'arrêt de la Cour n° 14PA00722 du 3 février 2015 qui rejette le surplus des conclusions de la société Siva, renvoyé, dans cette mesure, l'affaire devant la Cour ; que la Cour est en conséquence saisie des conclusions de la société Siva tendant à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a refusé de la décharger, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période couverte par les années 2008 à 2010, ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôts sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie du fait du profit sur le Trésor correspondant ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que la société Siva soutient que le jugement est irrégulier, dès lors que les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de ce que la charge de la preuve incombait à l'administration ; que, toutefois, il résulte des termes mêmes du jugement attaqué que les premiers juges ont relevé, au point 3 de leur jugement, les éléments apportés d'une part, par l'administration pour démontrer l'absence d'affectation de la villa de Ramatuelle à l'activité de marchand de biens de la société et d'autre part, ceux avancés par la société pour accréditer cette affectation et en ont déduit qu'une telle affectation ne résultait pas de l'instruction ; qu'ainsi, les premiers juges se sont implicitement mais nécessairement, prononcés sur la charge de la preuve ; qu'il s'ensuit que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement est irrégulier ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L 59 A du livre des procédures fiscales, la compétence consultative de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires est limitée, en ce qui concerne ces dernières taxes, aux désaccords portant sur le montant du chiffre d'affaires réel et n'inclut dès lors pas ceux relatifs au droit à déduction de taxe sur la valeur rajoutée ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de saisine de ladite commission est inopérant à l'encontre des impositions restant en litige ;
Sur le bien-fondé des impositions restant en litige :
4. Considérant qu'aux termes du 1 du I de l'article 271 du code général des impôts :
"I. -1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération.(...) - II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) " ;
5. Considérant que l'administration, pour refuser la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les biens ou services que les assujettis acquièrent ou se livrent à eux-mêmes, a la charge de prouver que les conditions posées pour une telle déduction à l'article 271 du code général des impôts ne sont pas remplies, c'est-à-dire que les biens et services dont s'agit ne sont pas utilisés pour la réalisation d'opérations taxables ou ne le sont que dans une certaine proportion ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Siva, qui exerce l'activité de marchand de biens, a acquis le 22 septembre 2000 une villa sise à Ramatuelle dans le Var ; que dans le cadre de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet portant sur la période allant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, le vérificateur a relevé que l'acquisition de cette villa avait été financée par un emprunt de 15 ans d'une durée manifestement incompatible avec l'engagement de revente d'un marchand de biens, qu'alors que les travaux d'aménagement de l'habitation étaient achevés dès 2003, la société Siva n'avait pas mis la villa en location ni effectué aucune démarche en ce sens ou en vue de sa revente alors qu'elle détenait ce bien depuis plus de dix ans, que la société avait pourtant déduit la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé non seulement les dépenses de travaux mais également des dépenses de téléphone, d'eau, d'électricité, de fioul et d'abonnement à des chaines de télévision qui, eu égard à leur nature et leur importance, témoignaient d'une utilisation courante même si non permanente du bien, alors même que ce bien ne générait aucune recette ; que par cet ensemble d'indices concordants, et eu égard à la nature du bien et à la période écoulée depuis son acquisition, l'administration fiscale démontre que, nonobstant le fait que la société Siva ait exercé l'activité de marchand de biens et ait inscrit le bien immobilier en cause en stock, elle n'avait, concernant ce bien, aucune intention spéculative, ni aucune intention d'affectation dudit bien à une activité économique de location entrant dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ; que la société requérante ne verse au dossier aucun justificatif probant et ne développe aucun argument de nature à réfuter efficacement les éléments de preuve avancés par l'administration fiscale ; que, notamment, la seule circonstance qu'elle ait signé un mandat de vente le 24 mai 2011, au demeurant postérieur au courrier du 29 avril 2011 l'avisant de l'engagement d'une vérification de comptabilité, n'est pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par l'administration sur l'absence d'affectation de ce bien à l'activité de marchand de biens ; que par suite, c'est à bon droit que l'administration, qui ne s'est pas, ce faisant, immiscée dans la gestion de l'entreprise mais a seulement exercé son pouvoir de contrôle, a considéré que la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur les factures de travaux et de dépenses courantes afférentes à ladite villa n'avait pas grevé le prix d'une opération imposable et a procédé aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ainsi qu'aux rehaussements d'impôt sur les sociétés résultant de la constatation, en conséquence, d'un profit sur le Trésor ;
Sur les pénalités restant en litige ;
7. Considérant que l'administration, en relevant les éléments mentionnés au point 6 ainsi que l'importance des dépenses exposées pour la villa de Ramatuelle, notamment l'existence de dépenses de fonctionnement conséquentes, doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de la volonté de la société Siva d'éluder l'impôt au sens des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les pénalités maintenues à sa charge ne sont pas justifiées ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Société Siva n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des années 2008 à 2010 et des suppléments d'impôt sur les sociétés résultant de la constatation, en conséquence, d'un profit sur le Trésor ; que les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement et à la décharge des impositions restant en litige doivent, par suite, être rejetées ; qu'il en va de même, par voie de conséquence, de celles présentées sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'ayant pas dans la présente instance la qualité de partie perdante ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Société Siva est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Siva et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal
d'Ile-de-France Ouest.
Délibéré après l'audience du 22 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Appèche, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller
Lu en audience publique, le 6 avril 2017.
Le rapporteur,
S. APPECHELe président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA03966