Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 19 juin 2017, la société Viking Croisières, représentée par Me B...A...demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1603720/2-2 du 19 avril 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la restitution sollicitée devant ce tribunal ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a considéré que les prestations qu'elle rend constituent une prestation unique, alors que ces prestations ne sont ni indissociables les unes des autres, ni principales et accessoires les unes par rapport aux autres ; les prestations de transports et les prestations de " management hôtelier " sont vendues séparément à la société Viking River Tours ; le client ne cherche pas à acquérir, en achetant les deux types de prestations, un ensemble dont la valeur serait supérieure à celle des éléments qui le composent ; d'autres services constituant une croisière ne sont pas vendus par elle à la société Viking River Tours ; il n'y a pas identité entre les services vendus par elle à la société Viking River Tours et ceux achetés à cette dernière par ses propres clients ; le tribunal aurait dû rechercher si les prestations rendues à la société Viking River Tours constituaient, de son seul point de vue, une prestation unique ;
- si les prestations en cause devaient être considérées comme une prestation unique, il s'agirait d'une prestation complexe ne relevant d'aucune catégorie particulière et qui, dès lors, devrait être intégralement facturée hors taxe en application de l'article 259-1 du code général des impôts ;
Par un mémoire en défense enregistré le 23 octobre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Appèche
- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public.
1. Considérant, en premier lieu, qu'il découle du paragraphe 1 de l'article 2 de la directive 77/388/CEE du 17 mai 1977, dite " 6ème directive TVA " que chaque prestation doit normalement être considérée comme distincte et indépendante ; que par ailleurs, dans certaines circonstances, plusieurs prestations formellement distinctes, qui pourraient être fournies séparément et ainsi donner lieu, séparément, à taxation ou à exonération, doivent être considérées comme une opération unique lorsqu'elles ne sont pas indépendantes ; que tel est le cas, par exemple, lorsqu'il est constaté qu'une ou plusieurs prestations constituent une prestation principale et que la ou les autres prestations constituent une ou plusieurs prestations accessoires partageant le sort fiscal de la prestation principale ; qu'en particulier, une prestation doit être considérée comme accessoire à une prestation principale lorsqu'elle constitue, pour la clientèle, non pas une fin en soi, mais le moyen de bénéficier dans les meilleures conditions du service principal du prestataire ;
2. Considérant, en second lieu, qu'en vertu de l'article 259 du code général des impôts, le lieu des prestations de services soumises à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est situé en France lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu'il a en France un établissement stable auquel les services sont fournis ; que, par dérogation aux dispositions de l'article 259, le 4°) de l'article 259 A du même code dispose que le lieu des prestations de transport de passagers est situé en France, en fonction des distances parcourues en France ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Viking Croisières, société par actions de droit luxembourgeois immatriculée à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) en France et dont le capital est détenu par la société Viking River Cruise, qui a pour objet " l'achat, la vente, l'affrètement, le frètement et la gestion de bateaux destinés à la navigation intérieure, ainsi que les opérations financières et commerciales s'y rattachant directement ou indirectement (..) ", prend en location des bateaux de croisière fluviale, et achète, pour exercer son activité, des prestations nautiques et hôtelières portant sur lesdits navires circulant en France ; que la société Viking Croisières a d'ailleurs conclu, pour les années 2011, 2012 et 2013, un contrat de " prestations nautiques et hôtelières " avec la société Aqua Viva, établie en France et dont le capital est également détenu par la société Viking River Cruise ; qu'elle facture à un " tour opérateur ", la société Viking River Tours, qui est son unique cliente, des prestations de transport et des prestations de " management services " comprenant des prestations hôtelières et de restauration ; qu'elle collecte en France la TVA au taux réduit grevant les prestations de transport de personnes ; qu'elle estime en revanche qu'en vertu de l'article 259 du code général des impôts, elle n'est pas redevable de la TVA en France sur les autres prestations, dès lors que le preneur, la société Viking River Tours, établi aux Bermudes, n'a pas en France d'établissement stable auquel les services sont fournis ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité de la société Viking Croisières, ayant notamment porté sur l'année 2012, l'administration a considéré que les prestations de transport de personnes et les prestations de " management services ", bien que facturées séparément, devaient être considérées comme une opération unique dès lors qu'elles ne sont pas indépendantes mais forment ensemble une prestation complexe unique qui doit suivre le régime applicable aux prestations de transport ; qu'il s'en est suivi un redressement de TVA à hauteur de 321 292 euros au titre de l'année 2012, qui est venu réduire d'autant le remboursement du crédit de TVA obtenu par la société Viking Croisières au titre du mois de décembre 2012 ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que la société Viking Croisières fournit à la société Viking River Tours un ensemble de services composant les croisières que commercialise celle-ci, et qui incluent le transport, l'hébergement sur les bateaux, les prestations hôtelières y afférentes, et les repas servis aux clients ainsi que les prestations annexes ; que ces prestations de services vendues par la société Viking Croisières forment bien, économiquement, un ensemble indissociable, non seulement pour le client final qui achète une croisière fluviale en France, mais également pour le preneur qui est l'organisateur des circuits ; qu'en effet, les prestations facturées par la société requérante à la société Viking River Tours, ont pour objet de lui fournir, pour la durée des croisières que cette dernière commercialise, des navires dotés des équipements, moyens et personnels nécessaires pour assurer non seulement le transport de passagers mais également l'hébergement et la restauration de ceux-ci à bord ; qu'alors même que la société requérante a procédé à une facturation séparée de ces prestations et que dans d'autres circonstances, ces prestations auraient pu être le fait de fournisseurs différents, il ne résulte pas de l'instruction que, dans les circonstances propres à l'espèce, la société Viking River Tours ait entendu acquérir de manière distincte, d'une part, une prestation de transport et, d'autre part, des prestations hôtelières et de restauration, mais bien au contraire qu'elle a entendu acheter une prestation regroupant cet ensemble auprès d'un fournisseur qui, assurant la prestation principale de transport, était informé des contraintes tenant notamment aux caractéristiques du navire, à sa capacité, à sa configuration, ou encore au calendrier et au parcours envisagés, et dès lors à même de fournir les prestations secondaires d'hôtellerie et de restauration ; que si la société requérante soutient, sans autre précision, alors qu'elle est seule à détenir l'ensemble des éléments concrets concernant les prestations fournies, que d'autres services constituant une croisière ne sont pas vendus par elle à la société Viking River Tours, que c'est le " tour opérateur " qui agrège les différentes prestations lors de la vente des croisières, que dans d'autres pays les prestations de transports et les prestations d'hébergement et de restauration sont fournies par des prestataires distincts, et qu'il n'y a pas identité entre les services vendus par elle à la société Viking River Tours et ceux achetés à cette dernière par ses propres clients, elle n'invalide pas, ce faisant, l'analyse faite par le tribunal administratif et reprise ci-dessus ; que, par ailleurs, il ne résulte pas de ces allégations que la fourniture, d'une part, des moyens de transports des passagers et, d'autre part, des prestations de restauration et d'hôtellerie à bord constituerait une prestation unique complexe ne relevant d'aucune catégorie particulière ou deux prestations d'importance équivalente ou dissociables l'une de l'autre, ne rentrant pas dans le champ d'application de la TVA française ; qu'il suit de là que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort qu'au regard des règles de territorialité de la taxe sur la valeur ajoutée, le tribunal administratif a estimé que l'ensemble des services susdécrits, vendus par elle à la société Viking River Tours, devait suivre le régime applicable aux prestations de transport de personnes qui présentaient, en l'espèce, un caractère principal, et qu'il a ce faisant rejeté sa demande ; que les conclusions de la requérante à fin de restitution présentées devant la Cour doivent dès lors être rejetées ; qu'il en va de même, en conséquence, de celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'ayant pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante :
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Viking société Viking Croisières est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Viking Croisières et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 11 avril 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Appèche, président assesseur,
- Mme Jimenez, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 mai 2018
Le rapporteur,
S. APPECHELe président,
I. BROTONS
Le greffier,
P. LIMMOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA02074