Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 27 octobre 2017, M.A..., représenté par
MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1703542/1-3 du 4 octobre 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté devant ce tribunal ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- qu'elle est insuffisamment motivée ;
- qu'elle est entachée d'un vice de procédure en raison du défaut de saisine de la commission du titre de séjour ;
- qu'elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet de police a ajouté une condition tenant à la nécessité de justifier d'un motif exceptionnel ou humanitaire pour saisir la commission du titre de séjour ;
- que le préfet de police a méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et commis une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- qu'elle est entachée, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 janvier 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. A...ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 8 janvier 2018, la clôture d'instruction a été fixée au
5 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jimenez,
- et les observations de Me B..., représentant M.A....
1. Considérant que M.A..., ressortissant égyptien né le 7 janvier 1976, entré en France le 15 octobre 2004 selon ses déclarations, a sollicité un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par un arrêté du 6 février 2017, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ; que M. A...relève appel du jugement n° 1703542/1-3 du 4 octobre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 6 février 2017 ;
Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué vise les articles 3 et 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il mentionne les faits qui en constituent le fondement, en indiquant notamment que M. A...n'établit pas une résidence habituelle de dix ans en France et qu'il ne justifie ni de motifs exceptionnels ni de circonstances humanitaires ; qu'ainsi, le préfet de police, qui n'était pas tenu de préciser les années pour lesquelles il contestait la présence de l'intéressé sur le territoire, a énoncé les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de l'arrêté du 6 février 2017 ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation manque en fait et doit être écarté ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. [...] / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans " ;
4. Considérant que pour écarter le moyen tiré du défaut de consultation de la commission du titre de séjour, les premiers juges ont estimé que les périodes durant lesquelles M. A...avait fait l'objet d'une détention, fût-elle provisoire, ne pouvaient être regardées comme des périodes de résidence continue au sens des dispositions législatives précitées et, par suite, ne pouvaient être prises en compte dans le calcul de la durée de sa résidence en France ; que, toutefois, seules les années passées en détention à la suite d'une condamnation à une peine privative de liberté ne sont pas prises en comptes dans le calcul de la durée de résidence habituelle en France ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces du dossier que par un jugement du Tribunal correctionnel de Bernay, M. A... a été relaxé pour les faits d'agressions sexuelles pour lesquels il avait été placé en détention provisoire et que la Cour d'appel de Rouen, par ordonnance du 26 octobre 2010, a ordonné le versement à son profit d'une indemnité
de 20 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de sa détention provisoire injustifiée ; qu'il s'ensuit que pour calculer la durée de sa résidence habituelle en France au sens des dispositions combinées des articles L. 313-14 et L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il y a lieu de tenir compte de la période allant du 28 mars 2007 au 22 mai 2008 pendant laquelle M. A... a été placé en détention ; que, toutefois, si le requérant soutient qu'il réside habituellement en France depuis 2007, il ne fournit aucun document attestant de sa présence en France au titre du dernier trimestre de l'année 2015 ; que s'agissant de l'année 2016, M. A... se borne à produire un mandat cash du 2 février et l'accusé de réception d'une demande d'aide juridictionnelle près le Conseil d'Etat du 2 mai ; que ces pièces sont insuffisantes, de par leur nombre et leur nature, pour attester de la présence effective, habituelle de l'intéressé sur le territoire français sur une période de dix ans ; que la circonstance que M. A... ne peut être regardé comme ayant résidé habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué, mentionnée dans les motifs de cet arrêté, suffisait à elle seule à justifier le refus du préfet de police de saisir la commission du titre de séjour, de sorte que la mention erronée tenant à la nécessité de justifier d'un motif exceptionnel ou une circonstance humanitaire est surabondante ; que, dès lors, le préfet de police, qui n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 précité, n'a pas entaché sa décision d'un vice de procédure ;
5. Considérant que M. A... fait valoir qu'il réside en France depuis plus de dix ans et qu'il justifie d'une intégration professionnelle ; que, toutefois, sa durée du séjour en France, au demeurant non établie pour les raisons mentionnées au point 4, et la circonstance qu'il ait occupé un emploi de vendeur dans une boulangerie de juin 2013 à mai 2015, soit durant 23 mois, ne sauraient constituer, à elles-seules, un motif exceptionnel ou une circonstance humanitaire au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de cet article doit être écarté ; qu'il en va de même du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qui aurait été commise au regard de ces mêmes dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen, tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour, ne peut qu'être écarté ;
7. Considérant, en second lieu, que M. A...se prévaut de l'ancienneté de son séjour en France, de son activité professionnelle dans le secteur de la boulangerie, et de la circonstance qu'il s'est vu verser, à la suite d'un jugement du tribunal de grande instance de Bernay du
28 juillet 2009 le relaxant des faits d'agression sexuelle qui lui étaient initialement reprochés, la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de son incarcération provisoire; que toutefois, M.A..., célibataire et sans charge de famille en France, n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales en Egypte, où il a vécu jusqu'à l'âge de 28 ans et où résident ses frères et soeurs ; que dans ces conditions, M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 février 2017 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 11 avril 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Appèche, président assesseur,
- Mme Jimenez, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 mai 2018.
Le rapporteur,
J. JIMENEZLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
P. LIMMOIS
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA03332