Procédure devant la Cour :
Par une requête et deux mémoires enregistrés les 28 juin et 6 décembre 2019 et 17 septembre 2020, Mme G..., représentée par Me Aldo Sevino, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1809630/2-1 du 30 avril 2019 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 30 novembre 2016 par laquelle la cheffe du bureau de la prévention des risques professionnels du centre d'action sociale de la Ville de Paris a rejeté le recours gracieux qu'elle avait formé contre la décision du 26 septembre 2016 portant refus de reconnaissance de maladie professionnelle et d'imputabilité au service d'une maladie ;
3°) de mettre à la charge du centre d'action sociale de la Ville de Paris la somme de 2 500 euros à verser à Me Sevino sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de renoncer à percevoir toute indemnisation sur ce fondement en cas de condamnation du centre d'action sociale de la Ville de Paris.
Elle soutient que :
- la requête est recevable ;
- le tribunal a entaché son jugement d'une dénaturation des faits de l'espèce et d'erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'il n'y avait pas de lien direct entre l'affection dont elle souffre et ses conditions de travail ;
- les certificats médicaux qu'elle produit attestent de l'absence d'état dépressif antérieur et de l'existence d'un lien entre sa pathologie et ses conditions de travail ;
- le rapport du médecin sur lequel s'est fondé le tribunal a été démenti par ce médecin
lui-même ;
- la maladie dont elle souffre est imputable au service ;
- elle a exercé dans des conditions de travail extrêmement difficiles et insupportables et a été victime d'injures raciales de la part des résidents de l'établissement " Meaux Chaufourniers " ainsi que de brimades et d'humiliations.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 octobre 2019, le centre d'action sociale de la Ville de Paris, représenté par Me Olivier Grimaldi, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme G... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que ;
- la requête est irrecevable ;
- les moyens invoqués par Mme G... ne sont pas fondés.
Mme G... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 30 août 2019.
Par une ordonnance du 23 février 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 16 mars 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 94-415 du 24 mai 1994 ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bonneau-Mathelot,
- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique,
- et les observations de Me Belahouane, substituant Me Grimaldi, avocat du centre d'action sociale de la Ville de Paris et les observations de Mme G....
Considérant ce qui suit :
1. Mme G..., agent social du centre d'action sociale de la Ville de Paris (CASVP), a été affectée à la résidence " Meaux Chaufourniers " du 1er juin 2007 au 2 juillet 2015. Le 12 août 2008, frappée par un des résidents, Mme G... dépose plainte auprès des services de police pour violences volontaires et déclare un accident que le CASVP a, par décision du 24 septembre 2008, reconnu comme imputable au service. Estimant ses conditions de travail insupportables en raison des brimades, des insultes racistes et des humiliations dont elle soutenait être victime, Mme G... a sollicité d'être entendue par le comité de prévention du harcèlement et des discriminations le 28 janvier 2009, dont la procédure n'aboutira pas, puis a consulté la cellule d'appui à la prévention des risques psychosociaux avant de déposer deux nouvelles plaintes pour harcèlement moral et injures auprès des services de police les
4 et 30 mars 2009. Placée en congé de longue maladie du 1er mai 2010 au 30 avril 2011 puis en congé de longue durée du 1er mai 2011 jusqu'au 30 juin 2015, date à laquelle elle a épuisé ses droits, Mme G... a été déclarée, le 5 janvier 2015, définitivement inapte à l'exercice de toutes fonctions par le comité médical départemental. La procédure de reclassement engagée par le CASVP ayant échoué, Mme G... a été licenciée pour inaptitude physique avec effet au 2 juillet 2015 par arrêté du 7 juillet 2015 de la maire de la Ville de Paris, en sa qualité de présidente du conseil d'administration du CASVP. Par courrier du 17 juillet 2015, Mme G... a sollicité, à l'appui d'un certificat médical du 16 juillet 2015 évoquant une névrose d'angoisse associée à un syndrome dépressif, la reconnaissance de sa pathologie comme maladie professionnelle. Après avis défavorable de la commission départementale de réforme de Paris du 8 septembre 2016, la cheffe du bureau de la prévention des risques professionnels du CASVP a rejeté sa demande par décision du 26 septembre 2016 à l'encontre de laquelle Mme G... a formé un recours gracieux, qui a été rejeté par décision du 30 novembre 2016. Par un jugement du 23 janvier 2018, le Tribunal administratif de Paris a annulé ces décisions comme entachées d'un vice de procédure, la commission départementale de réforme de Paris ayant émis son avis dans une composition irrégulière. En exécution de ce jugement, et après que cette commission ait émis, le 8 mars 2018, un nouvel avis défavorable, la cheffe du bureau de la prévention des risques professionnels du CASVP a, de nouveau, après étude du dossier de Mme G..., rejeté sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle par décision du 27 mars 2018. Par un jugement du 30 avril 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Mme G... relève appel de ce jugement et doit être regardée comme demandant l'annulation de cette décision, qu'elle identifie comme la décision en litige, et non celles des 26 septembre et
30 novembre 2016, qui ont disparu de l'ordonnancement juridique.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le centre d'action sociale de la Ville de Paris :
2. Contrairement à ce que soutient le CASVP, la requête présentée par Mme G... ne se borne pas à reprendre ses écritures de première instance mais développe également une critique du jugement attaqué. La fin de non-recevoir qu'il soulève ne peut, dès lors, qu'être écartée.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les dispositions du présent livre sont applicables aux maladies d'origine professionnelle sous réserve des dispositions du présent titre. En ce qui concerne les maladies professionnelles, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle est assimilée à la date de l'accident. / Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau. / (...) ". Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 : " (...). / IV. - Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / (...). ".
4. Mme G... invoque le bénéfice des dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale.
5. Toutefois, les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. Or, les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, issues d'une ordonnance du 19 janvier 2017, n'étaient, en tout état de cause, pas en vigueur à la date à laquelle a été diagnostiquée la maladie professionnelle invoquée par Mme G.... Sa situation était dès lors régie par les dispositions de l'article 57 de la loi du 11 janvier 1984.
6. En second lieu, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) ; / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...). / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. / (...) ".
7. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il appartient au juge d'apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l'absence de volonté délibérée de nuire à l'agent, être regardées comme étant directement à l'origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée.
8. Il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport d'expertise médicale du 3 mai 2016 du docteur A..., psychiatre, pédopsychiatre, qu'en dehors de " la période d'exposition du 12 août 2008 au 10 décembre 2008 ", correspondant à la prise en charge médicale de Mme G... au titre de l'accident de service dont elle avait été victime le 12 août 2008, l'expert a conclu qu'" il n'y a pas de lien direct et certain entre les conditions professionnelles et l'état actuel ". L'expert a relevé que si les faits décrits par Mme G... recoupent les documents qui lui avaient été communiqués, " l'étude de la biographie et des documents transmis ne permettent pas de confirmer le diagnostic de trouble bipolaire de type 1. De même, il n'y a aucun élément permettant de retrouver le diagnostic de névrose post-traumatique ". Il précise que si Mme G... a " mal vécu le changement de club en 2007 " et a " eu un vécu difficile pendant dix-huit mois, période où elle était exposée au regard de tout un groupe ", il est vraisemblable, alors que de 1992 à 2007, " elle était agent hospitalier d'aide à domicile, (...) en relation duelle avec des personnels et de ce fait a pu être plus adaptée à son travail car elle était maître de la situation ", que son vécu des faits qu'elle rapporte et qu'il n'y a pas lieu de considérer comme faux a pu être exagéré. Il souligne que la clinique est marquée par " un certain théâtralisme, des manifestations émotionnelles importantes, une difficulté à percevoir les paroles totalement authentiques dans ce discours " et précise qu'il " n'est pas certain qu'il n'existe pas des troubles de la série simulation ou une tendance à la majoration de troubles qui se sont peut-être produits sur le plan de la réalité ". L'expert conclut que " sur le plan médicolégal, nous n'avons aucun élément pour reconnaître le caractère professionnel des troubles allégués " et indique qu'" il n'existe pas de trouble dépressif. Il n'y a aucun élément permettant de penser qu'il existe un trouble psychiatrique structuré actuellement ". " C'est pourquoi, actuellement sur le plan du diagnostic nous ne retenons qu'un trouble de personnalité de type hystérique avec peut-être des troubles phobiques allégués ".
9. Mme G..., qui soutient que le CASVP a entaché sa décision du 27 mars 2018 d'erreur d'appréciation, fait valoir que, contrairement aux conclusions de l'expertise du docteur A..., les pièces qu'elle a produites sont de nature à établir l'existence d'un lien direct entre sa pathologie et les conditions d'exercice de ses fonctions ainsi que l'absence d'état antérieur.
10. Toutefois, si M. B... témoigne, le 7 février 2018, dans le cadre d'une procédure de conciliation devant le conseil ordinal, que le docteur A... aurait, " à plusieurs reprises, (...) avoué avoir mal agi, avoir eu tort, ajoutant à l'attention de Mme G... " I... sais que je vous ai accablée et je m'en excuse ", ce témoignage, qui se borne à rapporter des propos imprécis dont la teneur et l'exactitude ne sont, au demeurant, corroborés par aucune pièce, n'est pas de nature à remettre en cause les conclusions médicales du docteur A.... Il en va de même de l'attestation du 19 avril 2019 du docteur D..., médecin généraliste traitant que Mme G... consulte depuis 2014, et qui indique avoir été choquée à la lecture de l'expertise et des accusations de faux de l'expert. Si le docteur D... précise que l'origine du syndrome dépressif dont elle souffre est un accident de service en 2008 " dont tout semble avoir été fait pour que cela ne soit pas reconnu ", cette attestation, au style peu orthodoxe, ne contient aucun élément circonstancié à l'appui des appréciations formulées par ce médecin. Quant aux certificats médicaux rédigés les 26 juillet 2013, 19 mars 2015, 7 mai 2015 et 7 avril 2016, par le docteur E..., psychiatre, psychothérapeute que Mme G... consulte depuis 2010, s'ils font état de sa souffrance psychique, ils reposent davantage sur ses déclarations concernant ses conditions de travail sans se prononcer explicitement sur l'existence d'un lien entre sa pathologie et les conditions d'exercice de ses fonctions. Si le docteur E... indique, dans le certificat médical du 7 avril 2016, que les troubles psychiques sont survenus dans un contexte " rapporté " de difficultés rencontrées sur le lieu de travail, il évoque néanmoins une hypersensibilité permanente, qu'il a caractérisée ainsi que dans le certificat médical du 26 juillet 2013. Les autres documents de nature médicale produits par Mme G... ne concluent pas expressément à l'existence d'un lien direct entre la pathologie dont elle souffre et les conditions dans lesquelles elle a travaillé au sein de la résidence " Meaux Chaufourniers ". Ainsi, le certificat médical du docteur H..., psychiatre, établi le 25 avril 2016, évoque, sans autre précision, une névrose d'angoisse avec un état qui semble consécutif à une agression. Le certificat médical rédigé le 4 avril 2014 par le docteur F..., psychiatre agréé, précise que Mme G... " a une personnalité hystéro-phobique avec éléments sensitifs marqués " et que " le discours demeure plaintif avec rigidité et elle souhaiterait pouvoir faire valoir un harcèlement professionnel pour pouvoir bénéficier d'un dédommagement des frais de santé et d'une prise en compte de son congé au titre d'accident de service ". Il suit de là, contrairement à ce que soutient Mme G..., que si les documents ainsi produits font état d'une névrose d'angoisse et d'un syndrome dépressif, les certificats médicaux établis par les docteurs E... et F... soulignent dans le même temps, l'existence de traits de personnalité sous-jacents (hypersensibilité, hystérie, phobie). Dans ces conditions, alors qu'il ressort, en outre, des pièces du dossier que la commission départementale de réforme de Paris a émis, le 8 mars 2018, un avis défavorable à la reconnaissance de la pathologie dont souffre Mme G... motif pris de l'absence de relation avec l'exercice des fonctions, les documents produits par Mme G... ne permettent pas de remettre en cause les conclusions du rapport d'expertise médicale du docteur A..., ni d'établir que le CASVP aurait entaché sa décision du 27 mars 2018 d'erreur d'appréciation.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme G... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter sa requête d'appel en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le CASVP n'ayant pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme G... la somme que le CASVP demande sur le même fondement.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme G... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du centre d'action sociale de la Ville de Paris tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... G... et au centre d'action sociale de la Ville de Paris.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Platillero, président,
- M. Magnard, premier conseiller,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 octobre 2021.
Le rapporteur,
S. BONNEAU-MATHELOTLe président-assesseur,
En application de l'article R. 222-26 du code
de justice administrative
F. PLATILLERO
Le greffier,
I. BEDR
La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA02073