Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 janvier et 23 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État et le 21 octobre 2019 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, la société Hôtel Paris Bercy, représentée par le Cabinet Briard, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement nos 1700548-1700603/3 du 22 novembre 2018 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement a été rendu en violation des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;
- il a été rendu à la suite d'une procédure irrégulière, tous les mémoires échangés entre les parties n'ayant pas été régulièrement notifiés ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- les premiers juges ont méconnu l'article 1498 du code général des impôts et l'article 324 AA de l'annexe II au code général des impôts, en écartant le local-type n°111 du procès-verbal du quartier " Dauphine 16ème " dans le seizième arrondissement de Paris ;
- les éléments retenus par les premiers juges pour écarter les locaux types proposés à Béziers et à Sète ne sont pas des preuves déterminantes de l'absence d'analogie dans la mesure où ils ne tiennent pas compte de la nature du local à évaluer, du type de clientèle et de la zone de chalandise.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 décembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens présentés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 13 décembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au
3 janvier 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société en nom collectif (SNC) Hôtel Paris Bercy relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la réduction de la cotisation de taxe spéciale d'équipement à laquelle elle a été assujettie au titre de 2015 dans les rôles de la commune de Charenton-le-Pont (Val-de-Marne), à raison de locaux à usage d'hôtel qu'elle exploite sous les enseignes " Ibis " et " Ibis Budget ".
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Contrairement à ce qui est soutenu, le jugement attaqué contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont il fait application. Il ne résulte en outre pas de l'instruction que les premiers juges se soient fondés, pour rejeter les conclusions de la société requérante, sur des éléments qui auraient été produits par la partie adverse et qui n'auraient pas été communiqués à l'intéressée. Le moyen développé à cet égard dans la requête sommaire n'est d'ailleurs pas assorti des précisions permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé. Enfin, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments présentés par la société requérante à l'appui de ses moyens, ont suffisamment motivé leur jugement.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
3. Aux termes de l'article 1498 du code général des impôts : " La valeur locative de tous les biens autres que les locaux visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 est déterminée au moyen de l'une des méthodes indiquées ci-après : / 1° Pour les biens donnés en location à des conditions de prix normales, la valeur locative est celle qui ressort de cette location ; / 2° a. Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison. / Les termes de comparaison sont choisis dans la commune. Ils peuvent être choisis hors de la commune pour procéder à l'évaluation des immeubles d'un caractère particulier ou exceptionnel ; / b. La valeur locative des termes de comparaison est arrêtée : / Soit en partant du bail en cours à la date de référence de la révision lorsque l'immeuble type était loué normalement à cette date,/ Soit, dans le cas contraire, par comparaison avec des immeubles similaires situés dans la commune ou dans une localité présentant, du point de vue économique, une situation analogue à celle de la commune en cause et qui faisaient l'objet à cette date de locations consenties à des conditions de prix normales ; / 3° A défaut de ces bases, la valeur locative est déterminée par voie d'appréciation directe ". En application des dispositions de l'article 324 AK de l'annexe III au code général des impôts, la date de référence de la révision visée au b du 2° précité de l'article 1498 s'entend du 1er janvier 1970. Aux termes de l'article 324 AA de la même annexe au code général des impôts : " La valeur locative cadastrale des biens loués à des conditions anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un titre autre que celui de locataire, vacants ou concédés à titre gratuit est obtenue en appliquant aux données relatives à leur consistance - telles que superficie réelle, nombre d'éléments - les valeurs unitaires arrêtées pour le type de la catégorie correspondante. Cette valeur est ensuite ajustée pour tenir compte des différences qui peuvent exister entre le local type considéré et l'immeuble à évaluer, notamment du point de vue de la situation, de la nature de la construction, de son état d'entretien, de son aménagement, ainsi que de l'importance plus ou moins grande de ses dépendances bâties et non bâties si ces éléments n'ont pas été pris en considération lors de l'appréciation de la consistance ". Enfin, aux termes de l'article 324 Z de la même annexe : " I. L'évaluation par comparaison consiste à attribuer à un immeuble ou à un local donné une valeur locative proportionnelle à celle qui a été adoptée pour d'autres biens de même nature pris comme types. / II. Les types dont il s'agit doivent correspondre aux catégories dans lesquelles peuvent être rangés les biens de la commune visés aux articles 324 Y à 324 AC, au regard de l'affectation de la situation de la nature de la construction de son importance de son état d'entretien et de son aménagement. Ils sont inscrits au procès-verbal des opérations de la révision ".
4. L'administration fiscale a, pour déterminer l'assiette des impositions en litige, initialement évalué la valeur locative des locaux commerciaux à usage d'hôtel en cause par comparaison avec le local-type n° 72 du procès-verbal des opérations de révision foncière de la commune de Charenton-le-Pont, après avoir appliqué un abattement de 20 %, aboutissant à un tarif de 18,29 euros / m2, puis estimé, eu égard à l'irrégularité de ce terme de comparaison et à l'absence de termes de comparaison appropriés, que la valeur locative des immeubles en cause devait être déterminée par la méthode de l'appréciation directe.
5. La société Hôtel Paris Bercy propose que la valeur locative de ses hôtels soit déterminée par comparaison avec celle du local-type n° 111 du procès-verbal de Paris Dauphine, qui correspond à un hôtel sis 102, avenue Victor Hugo à Paris 16ème, dont le tarif unitaire est de 37 francs le m2 pondéré, soit 5,64 euros le m2 pondéré. Elle demande également, pour tenir compte de la différence de classement hôtelier entre l'établissement utilisé comme local-type et ses propres établissements hôteliers, que soit appliqué un abattement de 20 %, ce qui aboutirait à un tarif de 7,05 euros le m2 pondéré. Le local proposé comme terme de comparaison correspond toutefois à un immeuble de conception classique et ancienne, édifié en 1880, et qui ne peut pertinemment être comparé, alors même qu'il aurait fait l'objet d'aménagements destinés à améliorer le niveau de ses équipements et prestations, à l'hôtel moderne de chaîne exploité par la société requérante. Ce local a, en outre et en tout état de cause, fait l'objet de deux procès-verbaux d'évaluation successifs, le premier effectué en 1972 fixant un tarif de 37 francs/m² (5,64 euros), le second en 1973 établissant un tarif de 114 francs/m² (17,38 euros) qui s'est substitué au tarif initial. La société requérante n'est par suite pas fondée à réclamer un tarif de 7,05 euros après ajustement, en se prévalant d'un calcul effectué à partir d'un tarif initial de 5,64 euros aujourd'hui caduc. Il ne résulte enfin pas des mentions portées sur les procès-verbaux que la valeur locative de ce local-type puisse être rattachée à un bail. Il suit de là que ce local ne peut servir de terme de comparaison.
6. La société requérante propose également le local-type n° 32 du procès-verbal de la commune de Béziers ainsi que le local-type n° 6 du procès-verbal de la commune de Sète. Toutefois, les communes de Béziers et de Sète ne peuvent être regardées comme se trouvant dans une situation économique analogue à celle d'une commune de la région parisienne, notamment de Charenton-le-Pont, dans la mesure où elles ne bénéficient pas de l'attractivité touristique de la capitale ou d'une grande ville comparable. La situation de l'emploi, le nombre d'établissements actifs et la capacité d'hébergement sont très différents entre les communes de Béziers et de Sète et la commune de Charenton-le-Pont, ainsi que la situation du marché immobilier, d'autant que l'hôtel en cause est particulièrement bien desservi. Le marché locatif du type de local à évaluer n'est par suite pas comparable dans les deux communes. Il résulte en outre de l'instruction que les immeubles proposés par la société requérante à titre de termes de comparaison ont été édifiés en 1895 et 1900 et ne sauraient être comparés à un hôtel de chaine de conception moderne. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'écarter ces locaux-types comme termes de comparaison.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SNC Hôtel Paris Bercy est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SNC collectif Hôtel Paris Bercy et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 7 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. A..., premier conseiller,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 avril 2021.
Le rapporteur,
F. A...Le président,
I. BROTONS
Le greffier,
I. BEDR
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA03334