Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 19 juin 2017 le préfet de Seine-et-Marne demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 mai 2018 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant ce tribunal.
Il soutient que :
- que c'est à tort que le premier juge a refusé d'admettre qu'il avait requis les autorités italiennes aux fins de reprise de la demande d'asile de M.A..., alors qu'il produit devant la Cour l'accusé de réception Dublinet qui justifie de cette saisine et de l'accord implicite de l'Italie ;
- les décisions contestées sont suffisamment motivées et sont intervenues après un examen sérieux de la situation de l'intéressé ;
- M. A...a lui-même précisé qu'il comprenait le français ;
- sa demande d'asile relève bien de la compétence de l'Italie.
La requête a été communiquée au M. B...A..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense, malgré la mise en demeure qui lui a été adressée le 15 septembre 2017.
Par ordonnance en date du 12 octobre 2017, la clôture d'instruction a été fixée
au 26 octobre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac ;
- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le règlement d'exécution (UE) n°118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n°1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n°343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ;
- le règlement d'exécution (UE) n°118/2014 de la commission du 30 janvier 2014 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Appèche a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. A..., de nationalité ivoirienne, entré selon ses dires sur le territoire français le 6 janvier 2017, a sollicité auprès des services de la préfecture de Seine-et-Marne son admission au séjour au titre de l'asile, et s'est vu remettre le 10 février 2017 une attestation de demande d'asile " procédure Dublin " ; que, l'introduction dans le fichier Eurodac des empreintes digitales de l'intéressé relevées en France ayant montré que celui-ci avait déjà fait l'objet de deux relevés d'empreintes en Italie, le préfet de Seine-et-Marne a, par un arrêté du 13 avril 2017, décidé son transfert aux autorités de ce pays en vue de la reprise en charge, par celles-ci, de sa demande d'asile ; que, par un second arrêté du même jour, le préfet de Seine -et-Marne a décidé son assignation à résidence ; que par un jugement n° 1703045 du 2 mai 2017, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Melun a, à la demande M. A..., annulé ces deux arrêtés ; que le préfet de Seine-et-Marne relève appel de ce jugement ;
Sur le moyen d'annulation retenu par la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Melun :
2. Considérant que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du préfet de Seine-et-Marne de remise de M. A... aux autorités italiennes au motif que cette décision était intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière ; que le premier juge a estimé que, si cette décision faisait mention de l'acceptation implicite de l'Italie de reprendre en charge la demande d'asile de l'intéressé, l'autorité préfectorale ne produisait pas de justificatif probant démontrant qu'elle avait bien requis les autorités compétentes italiennes à cette fin et ne justifiait donc pas d'un tel accord tacite ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1 mentionne la procédure dont il fait l'objet. Elle est renouvelable durant la procédure de détermination de l'Etat responsable et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. / Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat. " ; qu'aux termes de l'article L. 742-3 du même code : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. Cette décision est notifiée à l'intéressé. Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend " ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 13 du règlement n° 604/2013 du 23 juin 2013 : " 1. Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un Etat membre dans lequel il est entré en venant d'un Etat tiers, cet Etat membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la
frontière. " ; qu'aux termes de l'article 18 dudit règlement : 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de: -a)prendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 21, 22 et 29, le demandeur qui a introduit une demande dans un autre État membre;-b)reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre (...) " ; qu'aux termes de l'article 23 dudit règlement : " 1. Lorsqu'un État membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre État membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne./ 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac ("hit"), en vertu de l'article 9, paragraphe 5, du règlement (UE) no 603/2013./ Si la requête aux fins de reprise en charge est fondée sur des éléments de preuve autres que des données obtenues par le système Eurodac, elle est envoyée à l'État membre requis dans un délai de trois mois à compter de la date d'introduction de la demande de protection internationale au sens de l'article 20, paragraphe 2./ 3. Lorsque la requête aux fins de reprise en charge n'est pas formulée dans les délais fixés au paragraphe 2, c'est l'État membre auprès duquel la nouvelle demande est introduite qui est responsable de l'examen de la demande de protection internationale.(...) " ; / 4. Une requête aux fins de reprise en charge est présentée à l'aide d'un formulaire type et comprend des éléments de preuve ou des indices tels que décrits dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, et/ou des éléments pertinents tirés des déclarations de la personne concernée, qui permettent aux autorités de l'État membre requis de vérifier s'il est responsable au regard des critères définis dans le présent règlement. " ; qu'aux termes de l'article 25 dudit règlement : "1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines. / 2. L'absence de réponse à l'expiration du délai d'un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 équivaut à l'acceptation de la requête, et entraîne l'obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée.(...) " ; qu'aux termes de l'article 25 dudit règlement : " 1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines./ 2. L'absence de réponse à l'expiration du délai d'un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 équivaut à l'acceptation de la requête, et entraîne l'obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée. " ;
5. Considérant que le préfet de Seine-et-Marne produit pour la première fois devant la Cour un relevé d'échange de courriels démontrant la réception, sur la messagerie Dublinet du correspondant italien chargé des procédures dites Dublin, d'un message concernant M. A..., car portant la même référence RDUB27703118331770, soit l'identifiant personnel de l'intéressé , et provenant, par le biais de l'application Dublinet, de l'administration française ; que cet accusé de réception du 10 mars 2017, dont les mentions sont au surplus cohérentes avec celles figurant sur le document destiné aux autorités italiennes et intitulé " constat d'un accord implicite et confirmation de reconnaissance de la responsabilité ", établi sur papier à en-tête de ses services préfectoraux et produits en première instance, peut être regardé comme attestant qu'à cette date, l'administration a bien requis les autorités compétentes italiennes à fin de reprise en charge de la demande d'asile de M. A... et que, par conséquent, le préfet de Seine-et-Marne disposait bien, à l'expiration du délai de deux semaines mentionné à l'article 25 du règlement 604/2013 rappelé ci-dessus et en tout état de cause à la date de l'arrêté de transfert litigieux, d'un accord implicite de l'Italie ; qu'il suit de là que le préfet de Seine-et-Marne est fondé à soutenir que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Melun a, pour un motif erroné, annulé son arrêté préfectoral du 13 avril 2017 décidant que M. A... serait remis aux autorités italiennes et par voie de conséquence l'arrêté du même jour l'assignant à résidence ;
6. Considérant que l'arrêté attaqué ayant été assorti d'une assignation à résidence, il y a toujours lieu pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. A... à l'appui de sa demande de première instance ;
Sur les autres moyens invoqués par M. A... devant le tribunal administratif :
7. Considérant, en premier lieu, que le préfet de Seine-et-Marne expose, dans les arrêtés contestés, de manière suffisante, les circonstances de droit et de fait sur lesquelles il se fonde pour décider le transfert de M. A... aux autorités italiennes ; qu'il résulte également de cette motivation que ces arrêtés ont été pris après qu'il a été procédé à un examen particulier de la situation de M. A..., et cela alors même que les arrêtés litigieux ne mentionnent pas l'état de santé de M. A..., l'intéressé n'ayant dans ses écritures de première instance fourni aucun élément corroborant la réalité des problèmes de santé qu'il aurait rencontrés à la date des décisions contestées, ou simplement en précisant la nature ;
8. Considérant, en deuxième lieu, qu'en se bornant à soutenir dans ses écritures de première instance qu'il ne connaissait pas les conséquences du relevé de ses empreintes digitales opéré en Italie et qu'il n'avait pas eu conscience de faire une demande d'asile dans ce pays, M. A... ne conteste pas sérieusement qu'il rentrait dans le champ des dispositions susénoncées sur lesquelles le préfet de Seine-et-Marne s'est fondé pour mettre en oeuvre la procédure de reprise en charge de sa demande d'asile par les autorités italiennes et décider son transfert vers ce pays ;
9. Considérant, en troisième lieu, que dans sa demande de première instance, M. A... fait valoir qu'il ne parle que français, qu'il est malade et suivi en France, sans apporter aucune précision sur son état de santé ni sur le suivi médical invoqué ; que dans ces conditions, et alors même qu'il ne parle pas l'italien, M. A... n'est pas fondé à soutenir que les arrêtés litigieux en date du 13 avril 2017 décidant son transfert vers l'Italie et son assignation à résidence, procèderaient d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et des conséquences des mesures préfectorales litigieuses prises à son encontre ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de Seine-et-Marne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Melun a annulé les arrêtés en date du 13 avril 2017 pris à l'encontre de M. A..., et à obtenir l'annulation dudit jugement ainsi que le rejet de la demande présentée par M. A... devant le tribunal ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1703045 du Tribunal administratif de Melun en date du 2 mai 2017 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Melun est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...A....
Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2018, où siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Appèche, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 21 novembre 2018
Le rapporteur,
S. APPECHELe président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA02059