Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 20 juin 2018, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement nos 1803367, 1803617 du 16 mai 2018 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme C... devant ce tribunal.
Il soutient que :
- dès lors qu'elle avait été placée en garde à vue hors de la zone d'attente, Mme C... qui se trouvait sur le territoire français en situation irrégulière, entrait, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, dans les prévisions du 1° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les autres moyens invoqués par Mme C... en première instance ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à Mme C... qui n'a pas présenté de mémoire en défense malgré une mise en demeure qui lui a été adressée le 14 septembre 2018.
Par ordonnance du 17 octobre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au
31 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de procédure pénale ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Brotons a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".
2. Mme C..., ressortissante cubaine née le 14 janvier 1994, a été interpellée à l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle le 11 avril 2018 à l'arrivée d'un vol en provenance de La Havane. Elle a fait l'objet, le même jour, d'un refus d'entrée sur le territoire français et d'un placement en zone d'attente. Elle a été entendue, le 16 avril 2018, par un agent de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides qui a émis un avis négatif sur sa demande d'asile. En conséquence, par une décision du même jour, le ministre de l'intérieur a opposé un refus à sa demande d'entrée sur le territoire au titre de l'asile, au motif que cette demande était manifestement dépourvue de toute crédibilité. Par deux ordonnances des 15 et
23 avril 2018 le juge des libertés et de la détention a autorisé son maintien en zone d'attente pour une durée de seize jours au total. Mme C... a été placée en garde à vue, à compter du 24 avril 2018 à 17h45, pour l'infraction de soustraction à l'exécution d'une mesure de refus d'entrée en France. Par arrêté du 25 avril 2018, le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai en application du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office. Par arrêté du même jour, le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a placée en rétention administrative en application de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il relève appel du jugement du
16 mai 2018 par lequel le Tribunal administratif de Melun a annulé ces deux arrêtés.
3. Un étranger, tant qu'il n'est pas autorisé à entrer sur le territoire français et reste maintenu dans une zone d'attente, ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement et notamment d'une obligation de quitter le territoire français. Cependant le placement en garde à vue de cet étranger, en application de l'article 62-2 du code de procédure pénale, résultant de faits commis pendant le temps où il était maintenu en zone d'attente, a pour effet de mettre fin à son maintien dans cette zone. En raison de ce changement de situation, il entre sur le territoire français. La circonstance que l'étranger a cessé d'être maintenu en zone d'attente pour les besoins de la procédure judiciaire engagée à la suite de son refus d'embarquement n'a pas pour effet de régulariser les conditions de son entrée sur le territoire français. Il suit de là que l'intéressé, qui ne peut justifier d'une entrée régulière sur le territoire, peut, pour ce motif, faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en application du 1° du I de l'article
L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Mme C..., placée en garde à vue le 24 avril 2018, n'était plus en zone d'attente et était entrée sur le territoire français lorsque le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire par arrêté du 25 avril 2018 notifié le même jour. Elle avait fait l'objet d'un refus d'entrée auquel elle cherchait à se soustraire et ne pouvait se prévaloir d'aucun droit au séjour. Son entrée était donc irrégulière. Le préfet de la Seine-Saint-Denis est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Melun, qui a estimé que les placements en garde à vue ne pouvaient valoir entrée sur le territoire national, a retenu le moyen tiré de la violation du 1° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C... devant le Tribunal administratif de Melun.
6. Les arrêtés contestés ont été signés par M. A...B..., adjoint au chef du bureau de l'accueil et de l'admission au séjour, qui disposait d'une délégation à cet effet en vertu d'un arrêté n° 18-0110 du 12 janvier 2018, régulièrement publié au bulletin d'information de la préfecture le même jour.
7. Ces arrêtés comportent les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, précisent la situation personnelle de Mme C..., et mentionnent au demeurant la décision du 16 avril 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a opposé un refus à sa demande d'entrée sur le territoire au titre de l'asile. Le moyen tiré de ce qu'ils seraient insuffisamment motivés doit, en conséquence, être écarté. Il en est de même, pour le même motif, du moyen tiré de ce que la situation particulière de Mme C... n'aurait pas fait l'objet d'un examen sérieux et particulier.
8. Mme C... ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est constant qu'elle n'a pas déposé de demande de titre de séjour en France et que, contrairement à ce qu'elle soutient, la décision contestée n'est pas fondée sur ces dispositions.
9. Aux termes de l'article L. 224-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si le maintien en zone d'attente n'est pas prolongé au terme du délai fixé par la dernière décision de maintien, l'étranger est autorisé à entrer en France sous le couvert d'un visa de régularisation de huit jours. Il devra avoir quitté ce territoire à l'expiration de ce délai, sauf s'il obtient une autorisation provisoire de séjour ou un récépissé de demande de carte de séjour ou un récépissé de demande d'asile ".
10. L'article L. 224-1 précité ne concerne que les étrangers dont le maintien en zone d'attente n'a pas été prolongé au terme du délai fixé par la dernière décision de maintien et dont l'entrée en France n'a fait l'objet d'aucune décision. Le maintien en zone d'attente de Mme C... a été prolongé en dernier lieu par le juge des libertés et de la détention le 23 avril 2018, et le délai fixé n'était pas expiré quand l'intéressée a été placé en garde-à-vue pour les besoins de la procédure judiciaire engagée à la suite de ses tentatives visant à se soustraire à l'exécution de la mesure de refus d'entrée prononcée à son encontre. Les dispositions citées au point précédent, qui ne faisaient pas obligation au préfet de délivrer à Mme C... un visa de régularisation, n'ont donc pas été méconnues.
11. Contrairement à ce que soutient l'intéressée, il ressort des pièces du dossier qu'elle a été entendue par les services de la police aux frontières puis lorsque qu'elle a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Elle a donc été mise à même de faire valoir, avant l'intervention de l'arrêté lui faisant obligation de quitter le territoire français, tous éléments d'information relatifs à sa situation personnelle. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision méconnaîtrait le principe général du droit d'être entendu, qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union européenne, doit être écarté.
12. Il ressort des dispositions combinées des articles L. 741-1, L. 741-2, L. 742-1 et L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, lorsqu'un étranger, à l'occasion de son interpellation, formule une demande d'asile, l'autorité de police a l'obligation de transmettre cette demande au préfet qui, après l'avoir l'enregistrée et avoir remis à l'étranger une attestation de demande d'asile, détermine l'Etat responsable de l'examen de la demande, en application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, le cas échéant, de celle de la Cour nationale du droit d'asile. Le demandeur d'asile dont le préfet estime que la demande relève de la compétence d'un autre Etat bénéficie, pour sa part, du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat.
13. Par ailleurs, l'article L. 213-8-1 prévoit que : " La décision de refuser l'entrée en France à un étranger qui se présente à la frontière et demande à bénéficier du droit d'asile ne peut être prise par le ministre chargé de l'immigration que si : (...) / 3° (...) la demande d'asile est manifestement infondée ".
14. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'entrée en France pour y déposer une demande d'asile de Mme C... a été rejetée comme manifestement infondée par décision du ministre de l'intérieur du 16 avril 2018. Cette décision n'a pas été contestée par l'intéressée. Le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 741-1, L. 741-2, L. 742-1 et
L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut dès lors qu'être écarté.
15. Enfin, Mme C... n'a fourni aucune précision sur ses attaches familiales sur le territoire français, et ses allégations relatives aux risques auxquels elle serait exposée en cas de retour dans son pays de nationalité étaient manifestement sommaires et dépourvues de toute crédibilité. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent également qu'être écartés.
16. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a annulé ses arrêtés des 25 et 30 avril 2018 et à obtenir l'annulation de ce jugement et le rejet des demandes présentées par Mme C... devant le tribunal.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement nos 1803367, 1803617 du 16 mai 2018 du Tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par Mme C... devant le Tribunal administratif de Melun sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme D....
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 12 juin 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Appèche, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller.
Lu en audience publique le 26 juin 2019.
Le président rapporteur,
I. BROTONSL'assesseur le plus ancien
S. APPECHE
Le greffier,
P. LIMMOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA02094