Par une ordonnance en date du 12 janvier 2018, la présidente de la 5ème section du Tribunal administratif de Paris a décidé qu'il n'y avait pas lieu de renvoyer au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité posée par la société C8.
Par un jugement n°s 1715986/5-1, 1715989/5-1, 1715979/5-1 du 5 juillet 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté les demandes de la société C8 tendant à la décharge de la taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision acquittée au titre des années 2014 et 2015 à hauteur de 2 468 343,46 euros.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 4 septembre 2018 et 16 janvier 2019, la société C8, représentée par Me C...et MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 5 juillet 2018 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- la déclaration d'inconstitutionnalité portant sur l'article L. 115-7 du code du cinéma et de l'image animée doit être regardée comme visant le cas des sommes perçues par les régies qui ne sont pas reversées aux chaînes comme le cas des sommes perçues par les chaînes mais immédiatement reversées aux régies ; le tribunal n'a pas répondu à ce moyen ;
- le législateur n'a pas tiré les conséquences de la déclaration d'inconstitutionnalité pour les chaînes ayant recours à des régies transparentes ;
- les premiers juges ont restreint la portée de la déclaration d'inconstitutionnalité aux seules situations réglées par le législateur dans le III de l'article 37 de la loi n° 2017-1775
du 28 décembre 2017 ;
- l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 14 de cette même convention ont été méconnus.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 décembre 2018, le centre national du cinéma et de l'image animée, représenté par la SCP PiwnicaB..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société requérante la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens de la société C8 ne sont pas fondés.
Par des mémoires distincts, enregistrés les 5 septembre et 30 novembre 2018, la société C8 demande à la Cour d'annuler l'ordonnance n° 1715979 du 12 janvier 2018 par laquelle la présidente de la 5ème section du Tribunal administratif de Paris a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité contestant la conformité à l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen des dispositions du a) du 1° de l'article L. 115-7 du code du cinéma et de l'image animé et de transmettre au Conseil d'Etat, pour saisine du Conseil constitutionnel, la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité à la Constitution des dispositions figurant au a) du 1° de l'article L. 115-7 du code du cinéma et de l'image animé dans sa rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2018, et au III de l'article 37 de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017.
Elle soutient que :
- la question de la constitutionnalité des dispositions de la seconde phrase du a) du 1° de l'article L. 115-7 du code du cinéma et de l'image animée dans sa rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2018, qui n'a jamais été soumise au Conseil constitutionnel, est nécessaire à la solution du litige et présente un caractère sérieux ;
- la partie susmentionnée de l'article L. 115-7 du code du cinéma et de l'image animée méconnaît les principes posés par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
- les demandes de transmission présentées sont recevables.
Par un autre mémoire distinct, enregistré le 30 novembre 2018, la société C8 demande à la Cour de transmettre au Conseil d'Etat, pour saisine du Conseil constitutionnel, la question de la constitutionnalité des dispositions figurant au a) du 1° de l'article L. 115-7 du code du cinéma et de l'image animée, dans sa rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2018, et au III de l'article 37 de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017.
Elle soutient que :
- la question de la constitutionnalité des dispositions de la seconde phrase du a) du 1° de l'article L. 115-7 du code du cinéma et de l'image animée dans sa rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2018, combinées avec celles du III de l'article 37 de la loi n° 2017-1775
du 28 décembre 2017, qui n'a jamais été soumise au Conseil constitutionnel, est nécessaire à la solution du litige et présente un caractère sérieux ;
- la partie susmentionnée de l'article L. 115-7 du code du cinéma et de l'image animée combinée avec les dispositions du III de l'article 37 de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 méconnaît les principes posés par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 novembre 2018, le centre national du cinéma et de l'image animée, représenté par la SCP PiwnicaB..., conclut au rejet de la demande de transmission présentée par le mémoire enregistré le 5 septembre 2018.
Il soutient que :
- la question de la constitutionnalité des dispositions du a) du 1° de l'article L. 115-7 du code du cinéma et de l'image animée dans sa rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2018 est dépourvue de caractère sérieux ;
- la question de la constitutionnalité des dispositions du III de l'article 37 de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 est dépourvue de caractère sérieux et n'a pas été présentée par un mémoire distinct.
Par ordonnance du 2 janvier 2019, la clôture d'instruction a été fixée
au 17 janvier 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution,
- la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789,
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel,
- l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel,
- le décret n° 2010-148 du 16 février 2010 portant application de la loi organique n°2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution,
- la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017,
- le code du cinéma et de l'image animée,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Magnard,
- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant la société C8, et de MeB..., représentant le centre national du cinéma et de l'image animée.
Considérant ce qui suit :
1. La société C8 relève appel du jugement du 5 juillet 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes en décharge de la taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision acquittée au titre des années 2014 et 2015 à hauteur de
2 468 343,46 euros.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments soulevés par la société requérante, ont statué, ainsi qu'il leur était demandé, en appliquant la décision
n° 2017-669 QPC du 27 octobre 2017, par laquelle le Conseil constitutionnel a jugé contraires à la Constitution les mots " ou aux régisseurs de messages publicitaires et de parrainages " figurant au a) du 1° de l'article L. 115-7 précité du code du cinéma et de l'image animée ainsi que les dispositions du III de l'article 37 de la loi du 28 décembre 2017 par lesquelles le législateur a tiré les conséquences de la déclaration d'inconstitutionnalité prononcée par le Conseil constitutionnel. Dès lors qu'ils faisaient application de la loi fiscale en vigueur, en en appréciant le contenu et la portée, et qu'à la date du jugement attaqué, il avait été statué sur la demande de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité présentée par l'intéressée, ils n'ont entaché leur jugement d'aucune irrégularité en ne se prononçant pas sur l'argument tiré de ce que le législateur n'aurait pas pris en compte l'effet utile de ladite déclaration d'inconstitutionnalité. Par ailleurs, en constatant que les sommes versées par les annonceurs et encaissées par la société requérante étaient mises à la disposition de celle-ci, les premiers juges ont répondu au moyen tiré de ce que les sommes reversées par l'intéressée à l'intention des régisseurs de publicité ne pouvaient être regardées comme mises à sa disposition. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué ne peut par suite qu'être écarté.
Sur les questions prioritaires de constitutionnalité :
3. La société requérante soutient que les dispositions du a) du 1° de l'article L. 115-7 précité du code du cinéma et de l'image animée, dans leur rédaction antérieure au
1er janvier 2018, combinées avec celles du III de l'article 37 de la loi du 28 décembre 2017 par lesquelles le législateur a tiré pour le passé les conséquences de la déclaration d'inconstitutionnalité prononcée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2017-669 QPC du 27 octobre 2017 méconnaissent les principes constitutionnels d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques au regard des capacités contributives, garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen, en tant qu'elles soumettent à la taxe sur les services de télévision les sommes versées par les annonceurs et les parrains aux éditeurs de programme et reversés par ces derniers aux régisseurs de messages publicitaires et de parrainage, et qu'elles limitent à un abattement forfaitaire de 4% la réduction de base taxable représentative de ces reversements.
4. Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ".
5. Aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la loi organique n° 2009-1523
du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'État... le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel. Il ne peut être relevé d'office. ". Aux termes de l'article 23-2 de la même ordonnance :
" La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'État ... ".
6. Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que la cour administrative d'appel, saisie d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.
7. Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. Par ailleurs, en vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. L'exigence de prise en compte des facultés contributives, qui résulte du principe d'égalité devant les charges publiques, implique qu'en principe, lorsque la perception d'un revenu ou d'une ressource est soumise à une imposition, celle-ci doit être acquittée par celui qui dispose de ce revenu ou de cette ressource. S'il peut être dérogé à cette règle, notamment pour des motifs de lutte contre la fraude ou l'évasion fiscales, de telles dérogations doivent être adaptées et proportionnées à la poursuite de ces objectifs.
8. Aux termes du a) du 1° de l'article L. 115-7 du code du cinéma et de l'image animée en vigueur à la date des taxations en litige : " La taxe [sur les éditeurs de télévision] est assise sur le montant hors taxe sur la valeur ajoutée :1° Pour les éditeurs de services de télévision, au titre de chacun des services de télévision édités :a) Des sommes versées par les annonceurs et les parrains, pour la diffusion de leurs messages publicitaires et de parrainage y compris sur les services de télévision de rattrapage, aux redevables concernés ou aux régisseurs de messages publicitaires et de parrainage. Ces sommes font l'objet d'un abattement forfaitaire de 4 % ; ". Par une décision n° 2017-669 QPC du 27 octobre 2017, le Conseil constitutionnel a jugé contraires à la Constitution les mots " ou aux régisseurs de messages publicitaires et de parrainages " figurant au a) du 1° de l'article L. 115-7 précité du code du cinéma et de l'image animée en ce qu'ils avaient pour effet de soumettre un contribuable à une imposition dont l'assiette peut inclure des revenus dont il ne dispose pas.
9. Aux termes du III de l'article 37 de la loi du 28 décembre 2017, pris pour l'application aux instances en cours de la décision n° 2017-669 QPC du 27 octobre 2017 du Conseil constitutionnel : " Pour les instances non définitivement jugées et les réclamations, en cours ou à venir, dont l'issue dépend de l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelles par la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-669 QPC
du 27 octobre 2017, la taxe prévue à l'article L. 115-6 du code du cinéma et de l'image animée due au titre des années antérieures à 2018, à raison des sommes versées par les annonceurs et les parrains pour la diffusion sur les services de télévision, y compris les services de télévision de rattrapage, de leurs messages publicitaires et de parrainage, doit être remboursée aux éditeurs de services de télévision pour la part des sommes qui ne leur a pas été reversée par les personnes qui ont encaissé ces sommes, et concomitamment mise à la charge de ces personnes pour la part qu'elles n'ont pas reversée aux éditeurs de services de télévision. (...) ".
10. Il résulte des termes mêmes de la décision n° 2017-669 QPC du 27 octobre 2017 du Conseil constitutionnel que ce dernier a entendu exclure que les éditeurs de services de télévision soient assujettis au paiement d'une taxe assise sur des sommes dont ils ne disposent pas. Contrairement à ce qui est soutenu, les dispositions précitées du III de l'article 37 de la loi du
28 décembre 2017 ont pleinement pris en compte l'effet utile de cette décision pour les instances en cours ou à venir, en prévoyant le remboursement aux éditeurs de services de télévision de la taxe établie sur les sommes versée par les annonceurs et parrains à des personnes qui n'ont pas reversés ces sommes auxdits éditeurs. La société requérante ne saurait valablement soutenir que le législateur aurait dû, en application de ladite décision du Conseil constitutionnel, prévoir la même règle en ce qui concerne la taxe établie sur les sommes encaissées par les éditeurs et reversées par la suite aux régisseurs de publicité et de parrainage, lesdits sommes ayant été mises à la disposition des éditeurs, quel que soit l'usage qu'ils en ont fait par la suite.
11. Si les dispositions combinées du a) du 1° de l'article L. 115-7 du code du cinéma et de l'image animée, telles qu'elles résultent de la décision n° 2017-669 QPC du 27 octobre 2017 du Conseil constitutionnel, et du III de l'article 37 de la loi du 28 décembre 2017 laissent à la charge des éditeurs la taxe assise sur les sommes perçues des annonceurs et parrains, même si une partie en est reversée par la suite aux régisseurs de publicité et de parrainage, alors que les sommes perçues par ces derniers et conservés par eux est exclue de la base taxable au nom des éditeurs, une telle différence, qui ne procède pas de la loi fiscale, laquelle soumet à la taxe toutes les sommes dont les contribuables ont eu la disposition, trouve son origine dans les différentes modalités de gestion des régies de publicité choisies par les éditeurs et leurs régisseurs. Le législateur, qui a entendu établir une imposition sur le montant des recettes disponibles, a en outre, en ne prenant pas en compte les montants réels, qui peuvent différer selon les cas de charges déductibles de ces recettes et correspondant à des reversements consentis à des tiers, établi une règle à partir de critères objectifs et rationnels et conforme aux buts recherchés. Il suit de là que le législateur n'a méconnu à cet égard ni le principe constitutionnel d'égalité devant la loi, ni le principe d'égalité devant les charges publiques en fonction des capacités contributives.
12. Dès lors que la base brute taxable, ainsi qu'il vient d'être dit, ne méconnaît aucun des principes constitutionnels invoqués par la société requérante, l'application à cette base brute d'un abattement forfaitaire unique de 4% ne saurait entrainer une telle méconnaissance. En effet, cet abattement s'applique identiquement à tous les redevables de la taxe en cause. Dans ces conditions, et alors même que les modalités et les coûts de gestion du service de recouvrement des sommes soumises à la taxe diffèreraient selon les redevables de ladite taxe, le fait que les frais de recouvrement soient pris en compte par le biais d'un abattement forfaitaire ne crée entre les contribuables, par ailleurs taxés sur les sommes dont ils ont eu la disposition, aucune différence de traitement méconnaissant les principes constitutionnels d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques en fonction des capacités contributives.
13. Il n'y a dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de transmission, pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soumise pour la société requérante et portant sur la conformité des dispositions combinées du a) du 1° de l'article L. 115-7 du code du cinéma et de l'image animé dans sa rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2018, et du III de l'article 37 de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
14. La société requérante fait valoir que le législateur qui n'a pas prévu, par les dispositions du III de l'article 37 de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017, le remboursement de la taxe établie sur les sommes perçues des annonceurs et des parrains par les éditeurs et reversées aux régisseurs de publicité, n'a pas tiré toutes les conséquences de la décision n° 2017-669 QPC du 27 octobre 2017 du Conseil constitutionnel, et que les premiers juges ont, en appliquant les dispositions législatives en cause, restreint la portée de la déclaration d'inconstitutionnalité aux seules situations réglées par le législateur. Une telle argumentation revient à contester la constitutionnalité des dispositions législatives en vigueur et ne peut être développée que dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité. Elle a été d'ailleurs analysée dans ce cadre et écartée aux points 8. à 13. du présent arrêt.
15. Aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ". Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette même convention : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens (...) ". Une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens des stipulations de l'article 14 de la convention, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi.
16. La taxe étant établie, pour l'ensemble des contribuables, sur les recettes mises à disposition de ceux-ci, la différence entre les sociétés qui se sont placées dans des situations différentes au regard de leurs rapports contractuels avec leurs régisseurs de publicité et au regard des modalités de recouvrement des sommes versées par les annonceurs ne peut être regardée comme étant, en elle-même, à l'origine d'une discrimination prohibée. Dès lors, le moyen tiré de ce qu'il existerait, de ce fait, une différence de traitement à l'origine d'une discrimination prohibée par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
17. Il résulte de tout ce qui précède que la société C8 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris et la présidente de la 5ème section de ce tribunal ont rejeté ses demandes. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre national du cinéma et de l'image animée, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En l'absence de dépens, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société requérante tendant à leur remboursement. Il y a en revanche lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société C8 la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat, à fin de saisine du Conseil constitutionnel, la question portant sur la conformité à la Constitution des dispositions figurant au a) du 1° de l'article L. 115-7 du code du cinéma et de l'image animé dans sa rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2018, et au III de l'article 37 de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017.
Article 2 : Les conclusions de la requête de la société C8 sont rejetées.
Article 3 : La société C8 versera au centre national du cinéma et de l'image animée la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société C8 et au centre national du cinéma et de l'image animée.
Délibéré après l'audience du 13 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Appèche, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller.
Lu en audience publique le 28 mars 2019.
Le rapporteur,
F. MAGNARDLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVA La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA02963