Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 septembre 2021, Mme A..., représentée par Me Magdelaine, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 7 juillet 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer une carte de séjour dans le délai d'un mois, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de fait et d'un vice de procédure, méconnaissant les dispositions des articles L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- il est entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- il est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris du 23 juillet 2021.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les observations de Me Lemichel, représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante chinoise née le 4 juillet 1962, est entrée en France en 2014 selon ses déclarations, et a sollicité un titre de séjour en qualité de salariée en invoquant les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 7 juillet 2020, le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français. Mme A... relève appel du jugement du 17 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 7 juillet 2020.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. Elle fixe un délai pour la réception de ces pièces et informations ".
3. Mme A... soutient que le préfet du Val-de-Marne a entaché sa décision d'une erreur de fait et d'un vice de procédure au regard des dispositions précitées de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration en se fondant sur le fait que la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) avait considéré que son dossier était incomplet, alors que son employeur n'a reçu aucune demande de la part des services de la DIRECCTE concernant des pièces manquantes.
4. La demande présentée par un étranger au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pas à être instruite dans les règles fixées par le code du travail relatives à la délivrance de l'autorisation de travail mentionnée à son article L. 5221-2. Le préfet du Val-de-Marne n'était ainsi pas tenu de saisir la DIRECCTE afin que cette dernière accorde ou refuse, préalablement à ce qu'il soit statué sur la demande de délivrance d'une carte de séjour temporaire, l'autorisation de travail visée à l'article L. 5221-2 du code du travail. Il est toutefois toujours loisible à l'autorité préfectorale, dans le cadre de son pouvoir d'instruction, de saisir cette direction pour recueillir son avis sur le projet d'emploi salarié invoqué par le demandeur à l'appui de sa demande de titre de séjour.
5. En l'espèce, la DIRECCTE n'a pas été saisie d'une demande d'autorisation de travail pour le compte de la requérante mais a été seulement saisie, pour avis, par le préfet du Val-de-Marne dans le cadre de l'instruction d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour en application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La DIRECCTE n'était ainsi pas saisie d'une demande au sens de l'article L. 114-5 précité du code des relations entre le public et l'administration. Par ailleurs, l'autorisation de travail prévue par l'article L. 5221-2 du code du travail n'est pas au nombre des pièces et informations dont la production est exigée pour la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, la requérante ne peut utilement soutenir que le préfet du Val-de-Marne aurait dû lui indiquer que son employeur n'avait pas répondu à une demande de pièces adressée par la DIRECCTE avant de rejeter sa demande de titre de séjour. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté.
6. En deuxième lieu, il ressort des termes de la décision attaquée que la situation personnelle de la requérante a été examinée par le préfet du Val-de-Marne, nonobstant la circonstance que l'arrêté mentionne que l'époux de la requérante réside dans leur pays d'origine, alors qu'il réside avec elle en France.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article
L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".
8. Il résulte de ces dispositions qu'en présence d'une demande de régularisation présentée, au titre des dispositions précitées, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient en effet à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
9. Si Mme A... se prévaut d'une résidence continue en France depuis 2014, les pièces produites à l'appui de cette affirmation permettent de justifier d'une présence depuis 2015 seulement. Mme A... fait par ailleurs valoir qu'elle a travaillé en France en tant que garde d'enfant pendant neuf mois, mais elle ne fait état d'aucune formation ou qualification professionnelle particulière dans ce domaine ni d'aucun autre élément caractérisant une particulière intégration sociale. Si Mme A... se prévaut en outre de la présence de son mari en France, elle n'établit ni que ce dernier serait en situation régulière, ni qu'elle serait dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de cinquante-deux ans. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Val-de-Marne aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en estimant que la requérante ne justifiait pas d'un motif exceptionnel ou d'une circonstance humanitaire au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
11. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9 du présent arrêt, la décision litigieuse n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme A... une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise, et elle ne méconnaît donc pas les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme A....
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des frais liés à l'instance ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2022.
La rapporteure,
G. B...Le président,
I. LUBENLe greffier,
É. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°21PA05189 2