Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 17 septembre 2018 et 26 août 2020, le département de la Corrèze a demandé à la Commission centrale d'aide sociale d'annuler la décision du 31 mai 2018 de la commission départementale d'aide sociale de la Corrèze.
Il soutient que :
- M. A... est resté autonome pour les actes de la vie courante malgré ses difficultés à la marche et l'utilisation d'un fauteuil roulant, ce qui a justifié son classement en GIR 5 ;
- l'aménagement d'un plan incliné pour lui permettre l'accès au local de douche du centre de détention au sein duquel il réside relève de l'administration pénitentiaire ;
- l'expertise ordonnée par les juges de première instance est irrégulière, dès lors qu'elle a été conduite par le médecin de l'unité sanitaire du centre de détention, médecin traitant de l'intéressé ; en tout état de cause, les conclusions de l'expertise sont ambigües et ne permettent pas de classer M. A... en GIR 4.
En application de l'article 12 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, le dossier de la requête susvisée a été transféré à la cour administrative d'appel de Paris, où elle a été enregistrée le 2 janvier 2019 sous le n° 19PA00530.
La procédure a été communiquée à M. A..., qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ;
- le décret n°2018-928 du 29 octobre 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a déposé auprès des services du département de la Corrèze une demande de versement de l'allocation personnalisée d'autonomie à domicile. Son dossier a été déclaré complet le 19 juillet 2017. À l'issue d'une visite d'évaluation médico-sociale, son degré de perte d'autonomie a été fixé comme relevant du groupe Iso-Ressources (GIR) 5, lequel n'ouvre pas droit au bénéfice de l'allocation sollicitée. Par une décision du 3 août 2017, le président du conseil départemental de la Corrèze a rejeté sa demande. M. A... a demandé à la commission départementale d'aide sociale de la Corrèze d'annuler cette décision. Par une décision du 31 mai 2018 dont le département relève appel, ladite commission a annulé la décision du 3 août 2017.
2. Aux termes de l'article R. 4127-105 du code de la santé publique : " Nul ne peut être à la fois médecin expert et médecin traitant d'un même malade. / Un médecin ne doit pas accepter une mission d'expertise dans laquelle sont en jeu ses propres intérêts, ceux d'un de ses patients, d'un de ses proches, d'un de ses amis ou d'un groupement qui fait habituellement appel à ses services. ". Il résulte de l'instruction que l'expertise ordonnée par la commission départementale d'aide sociale de la Corrèze, sur laquelle cette dernière s'est fondée pour annuler la décision du 3 août 2017, a été conduite par le docteur Rivière, médecin généraliste chargé de l'unité sanitaire du centre de détention d'Uzerche, au sein duquel était alors détenu M. A.... Ce médecin avait en outre rédigé le certificat médical joint à la demande de versement de l'allocation personnalisée d'autonomie de l'intéressé. Dans ces conditions, l'expertise ne peut être regardée comme ayant été menée de manière impartiale. La décision de la commission départementale d'aide sociale de la Corrèze du 31 mai 2018 a donc été rendue au terme d'une procédure irrégulière et doit être annulée.
3. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. A....
4. Aux termes de l'article L. 232-2 du code de l'action sociale et des familles : " L'allocation personnalisée d'autonomie, qui a le caractère d'une prestation en nature, est accordée, sur sa demande, dans les limites de tarifs fixés par voie réglementaire, à toute personne attestant d'une résidence stable et régulière et remplissant les conditions d'âge et de perte d'autonomie, évaluée à l'aide d'une grille nationale, également définies par voie réglementaire. ". Selon l'article R. 232-3 du même code : " Le degré de perte d'autonomie des demandeurs de l'allocation personnalisée d'autonomie dans l'accomplissement des actes de la vie quotidienne est évalué par référence à la grille nationale mentionnée à l'article L. 232-2 et figurant à l'annexe 2-1. Il est coté selon trois modalités, conformément aux instructions contenues dans le guide de remplissage de la grille précitée. / Les données recueillies à l'aide de la grille mentionnée au premier alinéa sont traitées selon le mode opératoire de calcul unique, décrit en annexe 2-2, qui permet de classer les demandeurs en six groupes, dits groupes iso-ressources, en fonction des aides directes à la personne et des aides techniques nécessitées en fonction de leur état. ". L'annexe 2-1 précitée prévoit que " (...) Le GIR 4 comprend deux sous-groupes essentiels : / d'une part, des personnes n'assumant pas seules leurs transferts mais qui, une fois levées, peuvent se déplacer à l'intérieur du logement, et qui doivent être aidées ou stimulées pour la toilette et l'habillage, la plupart s'alimentent seules. / d'autre part, des personnes qui n'ont pas de problèmes locomoteurs mais qu'il faut aider pour les activités corporelles, y compris les repas. / Dans ces deux sous-groupes, il n'existe pas de personnes n'assumant pas leur hygiène de l'élimination, mais des aides partielles et ponctuelles peuvent être nécessaires (au lever, aux repas, au coucher et ponctuellement sur demande de leur part). / - Le GIR 5 est composé de personnes assurant seules les transferts et le déplacement à l'intérieur du logement, qui s'alimentent et s'habillent seules. Elles peuvent nécessiter une aide ponctuelle pour la toilette et les activités domestiques. ". Enfin, aux termes de l'article R. 232-4 du code de l'action sociale et des familles : " Les personnes classées dans l'un des groupes 1 à 4 de la grille nationale bénéficient de l'allocation personnalisée d'autonomie sous réserve de remplir les conditions d'âge et de résidence prévues au premier alinéa de l'article L. 232-2. ".
5. Il résulte de l'instruction et n'est pas contesté par M. A... que ce dernier, s'il se déplace en fauteuil roulant, assure seul ses transferts, procède seul à sa toilette et à son habillage, et s'alimente seul, complétant les repas fournis par le centre de détention au sein duquel il a résidé jusqu'au 6 novembre 2018, date de sa libération conditionnelle, par des produits frais qu'il cuisine lui-même, comme l'indique le département de la Corrèze en appel. S'il soutenait dans sa demande de première instance qu'il devait solliciter l'aide d'un codétenu pour l'entretien de sa cellule, en contrepartie d'un paquet de cigarettes, et que l'accès à la douche de la prison n'était pas adapté, ces circonstances ne sont pas de nature à remettre en cause son classement dans le groupe GIR 5, en application des mentions précitées de l'annexe 2-1 du code de l'action sociale et des familles, n'excluant pas pour ce groupe la nécessité d'une aide ponctuelle pour la toilette et les activités domestiques. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision du 3 août 2017 par laquelle le président du conseil départemental de la Corrèze a retenu, après évaluation médico-sociale, un classement de M. A... en GIR 5 et lui a refusé, par voie de conséquence, le versement de l'allocation personnalisée d'autonomie, serait entachée d'erreur d'appréciation.
6. Il résulte de ce qui précède que la demande de M. A... devant la commission départementale d'aide sociale de la Corrèze doit être rejetée.
D E C I D E :
Article 1er : La décision de la commission départementale d'aide sociale de la Corrèze
du 31 mai 2018 est annulée.
Article 2 : La demande de M. A... devant la commission départementale d'aide sociale de la Corrèze est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au département de la Corrèze.
Délibéré après l'audience du 5 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. C..., premier vice-président,
- M. Bernier, président-assesseur,
- Mme B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2021.
Le rapporteur,
G. B...Le président,
M. C...
Le greffier,
A. DUCHER
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA00530