1 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 février 2014 et capitalisation de ces intérêts, a mis à la charge de ces mêmes hôpitaux les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 1 093 euros, et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 février 2017, Mme I...D..., M. A...D..., M. B... D...et M. C...D..., représentés par la Selarl G...Ferot Associés, demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 2 décembre 2016 en tant qu'il a limité à 1 000 euros la somme que les Hôpitaux de Saint-Maurice ont été condamnés à verser à Mme D...en réparation de ses préjudices résultant de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie le 22 novembre 2007 ;
2°) de condamner, à titre principal, les Hôpitaux de Saint-Maurice à verser la somme de 152 794,10 euros à Mme I...D..., la somme de 20 000 euros à M. D...son époux, la somme de 5 000 euros à chacun de ses enfants, MM. B...et C...D..., en réparation de leurs préjudices respectifs, ces sommes devant être assorties des intérêts au taux légal à compter du recours gracieux capitalisés, à titre subsidiaire de condamner l'ONIAM au paiement de ces même sommes ;
3°) de mettre à la charge des Hôpitaux de Saint-Maurice le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de les condamner aux entiers dépens.
Ils soutiennent que :
- c'est à tort que le tribunal n'a pas retenu la responsabilité des Hôpitaux de Saint-Maurice à raison du défaut d'information dès lors que Mme D...n'a pas été informée des conditions dans lesquelles se déroulerait la coelioscopie, ni des risques de perforation inhérents à cette intervention ; son pronostic vital n'était d'ailleurs nullement engagé ;
- c'est également à tort que le tribunal a écarté la faute résultant de la technique chirurgicale choisie, autrement dit, du refus de conversion de la coelioscopie en laparotomie en cours d'intervention ;
- le jugement doit toutefois être confirmé quant à la reconnaissance d'une faute dans la prise en charge tardive de la complication digestive ;
- dans l'hypothèse où aucune faute ne serait reconnue, la responsabilité de l'ONIAM devra être engagée au titre de la solidarité nationale, contrairement a ce qu'a estimé le tribunal ; le dommage que Mme D...a subi résulte d'un accident médical non fautif et son préjudice présente le caractère de gravité et d'anormalité requis ;
- en ce qui concerne les préjudices patrimoniaux, Mme D...a droit à une indemnisation à hauteur de 123,44 euros au titre des frais médicaux, à une somme de 223,61 euros au titre des frais divers et à une somme de 20 621 euros pour assistance temporaire par tierce personne ; elle peut également prétendre à une somme de 2 976,10 euros au titre de la perte de revenus et à une somme de 31 682,45 euros au titre de l'incidence professionnelle subie ;
- en ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux, le préjudice esthétique temporaire de MmeD..., chiffré à 3 sur une échelle de 7, sera indemnisé à hauteur de
15 000 euros tandis que son préjudice esthétique permanent, évalué à 2 sur 7, sera indemnisé à hauteur de 8 000 euros ; Mme D...a subi un déficit fonctionnel temporaire qui doit être évalué à la somme de 9 167,50 euros et un déficit fonctionnel permanent, évalué à 10%, qui doit être indemnisé à hauteur de 25 000 euros ; elle a droit à une somme de 40 000 euros au titre des souffrances endurées, évaluées à 4 sur une échelle de 7 ;
- M. A...D..., époux de MmeD..., est fondé à obtenir la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice moral et la somme de 10 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mai 2017, l'établissement public de santé Esquirol (les Hôpitaux de Saint-Maurice) représenté par Me F..., conclut, à titre principal, à l'annulation du jugement attaqué, à titre subsidiaire, à ce que la Cour ramène le montant des indemnités demandées à de plus justes proportions, soit à une somme de 1 euro symbolique l'indemnisation du préjudice attaché au défaut d'information et à celle de 500 euros l'indemnisation du préjudice lié au manquement retenu par le tribunal quant au retard de la pose de sonde, à titre infiniment subsidiaire, à l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire total à hauteur de 5 770 euros, des souffrances endurées à hauteur de 500 euros, du préjudice esthétique temporaire à hauteur de 1 000 euros et du préjudice esthétique permanent à hauteur de
3 000 euros, à la réduction notable de la demande formulée par M. D...au titre de son préjudice moral, au rejet des autres demandes, et, en tout état de cause, au rejet des conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Val-de-Marne, et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme D...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Il soutient que :
- le jugement devra être confirmé en ce qu'il a constaté qu'à supposer qu'il puisse être établi un défaut d'information, il ne s'en déduit pas de dommage consécutif pour la patiente ; cette dernière ne justifie pas davantage de l'existence et de l'ampleur d'un éventuel préjudice d'impréparation ;
- il n'y a eu aucun entêtement à poursuivre une intervention sous coelioscopie ;
- la perforation ponctiforme ne résulte pas d'une maladresse commise par le praticien au décours de l'examen pratiqué mais d'une complication inhérente à celui-ci ;
- s'agissant des préjudices, les dépenses de santé futures et frais divers, l'assistance par tierce personne temporaire, la perte de gains professionnels futurs, l'incidence professionnelle ne sont aucunement justifiés ;
- supposer que les pertes de gains professionnels actuels soient indemnisés, une période de dix jours uniquement devrait être retenue en tenant compte de l'arrêt de travail initialement prescrit ;
- les déficits fonctionnels temporaire et permanent, les souffrances endurées, le préjudice esthétique temporaire et permanent ne sauraient être indemnisés à hauteur des prétentions de MmeD... ;
- la créance présentée par la caisse primaire d'assurance maladie n'est pas imputable aux seules complications de l'intervention.
Par un mémoire enregistré le 22 octobre 2017, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par la SCP UGGC Avocats, conclut au rejet de la requête en ce qu'elle est dirigée contre lui.
Il soutient que :
- les Hôpitaux de Saint-Maurice ont commis une faute lors de l'intervention chirurgicale subie par MmeD..., laquelle exclut, de fait, toute indemnisation au titre de la solidarité nationale ; le chirurgien aurait dû convertir l'intervention en laparotomie au bout d'une heure et la double perforation de l'intestin grêle de la patiente constitue dès lors une maladresse fautive ;
- à titre subsidiaire, les conditions d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas réunies dès lors que les préjudices subis par Mme D...ne présentent pas des conséquences anormales au regard de son état de santé antérieur.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pena,
- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,
- les observations de MeG..., représentant de Mme I...D..., M. A... D..., M. B...D...et M. C...D...et de Me H...représentant les Hôpitaux de Saint-Maurice.
Considérant ce qui suit :
1. MmeD..., alors âgée de 49 ans, souffrait de douleurs abdomino-pelviennes persistantes qui ont justifié la réalisation, le 10 septembre 2007, d'une IRM pelvienne mettant en évidence une masse annexielle droite évocatrice soit d'un hydrosalpinx, soit d'un faux kyste péritonéal. Elle a alors été admise à l'hôpital Esquirol, établissement relevant des Hôpitaux de Saint-Maurice, afin d'y subir une annexectomie droite consistant en une ablation de l'ovaire et de la trompe droite. L'intervention a eu lieu le 22 novembre 2007 sous open coelioscopie. Les suites opératoires immédiates, marquées par d'importantes douleurs abdominales et des vomissements, ont justifié la pose d'une sonde gastrique puis le transfert de la patiente dans le service de chirurgie de l'hôpital Henri Mondor le 24 novembre suivant. La réalisation d'un scanner a permis de révéler l'existence d'une double perforation de l'intestin grêle, responsable d'une péritonite. Une laparotomie a alors été pratiquée en urgence impliquant une résection des segments digestifs perforés ainsi qu'une iléostomie droite. Si les suites de cette opération ont été simples, Mme D...conserve des séquelles douloureuses qu'elle impute à la double perforation digestive dont elle a été victime lors de l'intervention réalisée le 22 novembre 2007.
2. C'est dans ce contexte que Mme D...a saisi le juge des référés du Tribunal administratif de Melun le 17 octobre 2009 d'une demande d'expertise médicale. Le juge des référés a ordonné une expertise réalisée par le docteurE..., gynécologue-obstétricien, dont le rapport a été remis le 23 juin 2010. Toutefois, suite aux conclusions de cet expert, Mme D...a saisi, le 28 juin 2010, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI)
d'Ile-de-France pour solliciter la réparation de ses préjudices. Une expertise a été réalisée par le docteurJ..., chirurgien digestif, dont le rapport a été déposé le 3 novembre 2010. Au vu de ce rapport, la CRCI a rejeté, par un avis du 22 septembre 2011, la demande d'indemnisation de Mme D... au motif que le dommage ne présentait pas de conséquences anormales au regard de son état de santé initial.
3. MmeD..., son époux et ses deux fils majeurs ont alors demandé au de Tribunal administratif de Melun, à titre principal, de condamner les Hôpitaux de Saint-Maurice à les indemniser des préjudices qu'ils estiment voir subis du fait des fautes commises lors de l'intervention subie par Mme D...le 22 novembre 2007 et, à titre subsidiaire, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à les indemniser des mêmes préjudices au titre de la solidarité nationale. Par un jugement du 2 décembre 2016, le Tribunal administratif de Melun a condamné les Hôpitaux de Saint-Maurice à verser à Mme D...la somme de 1 000 euros en réparation des préjudices subis par elle et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
4. Les consorts D...relèvent appel de ce jugement. Ils en demandent la réformation en tant qu'il a limité leurs prétentions indemnitaires en fondant leur argumentation, à titre principal, sur des fautes imputées aux Hôpitaux de Saint-Maurice. A titre subsidiaire, ils recherchent la responsabilité de l'ONIAM sur le fondement de la responsabilité nationale.
Sur la responsabilité des Hôpitaux de Saint-Maurice :
En ce qui concerne les fautes médicales :
5. Aux termes des dispositions du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé (...) tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) ".
S'agissant de la faute technique dans l'exécution de l'acte chirurgical :
6. Il résulte de l'instruction, et notamment des deux expertises ordonnées par le tribunal et la CRCI, que l'indication opératoire sous coelioscopie de la masse annexielle droite présentée par Mme D... était médicalement justifiée et le mode opératoire adapté. A cet égard, les experts indiquent que le choix de la technique de l'open coelioscopie employée par le chirurgien (c'est-à-dire l'ouverture du ventre à ciel ouvert par voie péri-ombilicale) était conforme aux règles de l'art compte tenu des antécédents chirurgicaux de la patiente, responsables d'adhérences digestives. S'il n'est pas contesté que la double perforation de l'intestin grêle subie par Mme D... est le fait de l'intervention par coelioscopie, il résulte de l'instruction que les plaies de l'intestin grêle sont une complication connue de ce type d'acte chirurgical, d'autant plus fréquentes chez le patient qui présente des adhérences digestives. Si l'expert diligenté par la CRCI estime que la perforation digestive subie par Mme D...est constitutive d'une " maladresse ", il résulte toutefois des deux rapports d'expertise que l'intervention a été rendue difficile du fait des adhérences présentées par la patiente, lesquelles constituent un obstacle pouvant masquer un organe noble tel l'intestin. Il n'est pas davantage contesté que le chirurgien a progressé prudemment sans commettre aucun manquement aux règles de l'art, malgré la durée inhabituelle de l'intervention, sachant qu'une conversion en laparotomie, en cours d'intervention, n'aurait pas forcément permis d'éviter cette perforation digestive ou d'autres complications au moins aussi graves. C'est, dans ces conditions, à juste titre que le tribunal a écarté les fautes qui auraient tenu, selon les requérants, à la technique chirurgicale choisie, au refus de conversion de la coelioscopie en laparotomie en cours d'intervention, et à un geste opératoire fautif.
S'agissant du retard dans la prise en charge des suites opératoires :
7. Il résulte de l'instruction que les suites opératoires immédiates ont été marquées, dans la nuit du 23 au 24 novembre 2007, par d'importantes douleurs abdominales et des vomissements qui auraient dû conduire les médecins à envisager un diagnostic de perforation digestive et de péritonite. Toutefois, malgré les plaintes répétées de la patiente, Mme D...ne s'est vue administrée qu'un simple antalgique par une infirmière vers 22h30, laquelle n'a appelé l'interne de garde que bien plus tard dans la nuit. Les symptômes de la patiente n'ont alors été pris en compte qu'entre 4 et 5 heures du matin et la sonde gastrique qui la soulagera immédiatement ne sera posée qu'après le changement d'équipe de garde, à 9 heures du matin. Si l'expert judiciaire note que ce retard n'a pas eu d'effet néfaste sur le pronostic de la patiente, il est néanmoins constant qu'il a eu un retentissement sérieux sur le vécu douloureux de cette dernière et qu'il est à ce titre constitutif d'un dysfonctionnement du service de nature à engager la responsabilité des Hôpitaux de Saint-Maurice sur le fondement de la faute.
En ce qui concerne le défaut d'information :
8. D'une part, aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. (...) / En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. (...) ".
9. Lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé. Si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les médecins de leur obligation. Un manquement des médecins à leur obligation d'information engage la responsabilité de l'hôpital dans la mesure où il a privé le patient d'une chance de se soustraire au risque lié à l'intervention en refusant qu'elle soit pratiquée. C'est seulement dans le cas où l'intervention était impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d'aucune possibilité raisonnable de refus, que les juges du fond peuvent nier l'existence d'une perte de chance.
10. S'il est constant que Mme D...a bien été informée du risque cancéreux que présentait sa lésion, de la nécessité d'une open-coelioscopie en raison de ses antécédents chirurgicaux, le chirurgien qui l'a opérée admet cependant ne pas l'avoir informée des complications possibles connues, inhérentes à cette technique et notamment de la mise en place possible d'une iléostomie. Toutefois, et alors que l'intervention litigieuse s'imposait au regard de son pronostic vital, la laparotomie, seule alternative thérapeutique, n'était pas moins risquée que l'intervention par voie coelioscopique. Dans ces conditions, et ainsi que l'ont à juste titre relevé les premiers juges, il ne résulte pas de l'instruction que, même informée du risque de perforation digestive, Mme D...aurait refusé de se soumettre à une opération sous coelioscopie. Elle ne saurait par suite être regardée comme ayant été privée d'une chance de se soustraire au risque qui s'est finalement réalisé et à rechercher, sur ce fondement, la responsabilité des Hôpitaux de Saint-Maurice.
11. D'autre part, indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a pu subir du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité, notamment en prenant certaines dispositions personnelles.
12. La demande de Mme D...présentée au titre du préjudice d'impréparation n'est toutefois pas assortie de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.
Sur la responsabilité de l'ONIAM au titre de la solidarité nationale :
13. Aux termes du 2° de l'article L. 1142 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail.(...) ".
14. Il résulte de ces dispositions que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1 précité.
15. La condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible. Ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l'état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage.
16. D'une part, alors que l'annexectomie droite subie par Mme D...avait pour objectif d'écarter un risque cancéreux et que l'absence d'intervention était dès lors susceptible d'engager son pronostic vital, la double perforation digestive dont elle a été victime lors de l'intervention du 22 novembre 2007 n'a pas entraîné de conséquences notablement plus graves que celles auxquelles elle était exposée de manière suffisamment probable en l'absence de traitement, et ce quand bien même l'examen histologique réalisé a posteriori a permis de conclure au caractère bénin de la lésion en cause.
17. D'autre part, quand bien même le risque de perforation de l'intestin grêle au cours d'une coelioscopie revêt en principe, un caractère relativement exceptionnel, il résulte de l'instruction que la survenue de cette lésion a été favorisée, dans les circonstances de l'espèce, par les nombreuses adhérences présentées par MmeD..., résultant de précédentes interventions chirurgicales. Dans ces conditions, la réalisation du risque de perforation digestive ne pouvait être regardée comme présentant une probabilité faible alors que la patiente y était particulièrement exposée.
18. Il résulte par suite de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le caractère de gravité des dommages subis, que l'accident médical dont Mme D...a été victime ne remplit pas la condition d'anormalité du dommage ouvrant droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale en application des dispositions de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique et ne saurait ainsi donner lieu à indemnisation sur ce fondement par l'ONIAM.
Sur l'évaluation des préjudices :
19. Eu égard à ce qui été dit précédemment, les seuls préjudices indemnisables sont ceux en lien direct et certain avec la faute commise par les Hôpitaux des Saint-Maurice lors de la prise en charge post-opératoire de MmeD....
En ce qui concerne les préjudices subis par MmeD... :
20. Il résulte de l'expertise judiciaire que le retard de 4 heures dans la prise en charge de Mme D...a entrainé une prolongation de ses souffrances au cours de la nuit du
23 au 24 novembre, qu'il évalue à 3 %, la patiente ayant elle-même évalué sa douleur à 6 sur 10, ce qui correspond à une douleur moyenne. La somme de 1 000 euros attribuée par le tribunal à l'intéressée à ce titre n'est ni excessive ni insuffisante, les autres chefs de préjudices invoqués par la requérante ne présentant pas de lien de causalité avec l'unique faute retenue.
En ce qui concerne les préjudices subis par les proches de MmeD... :
21. M. D...et ses enfants ne font pas davantage état devant la Cour qu'en première instance d'un préjudice moral spécifique qui aurait résulté pour eux du retard de 4 heures dans le suivi post-opératoire de leur épouse et mère dont l'état de santé ne s'en est au demeurant pas trouvé aggravé. Il n'y a, dès lors, pas lieu de faire droit à leur demande d'indemnisation.
Sur les intérêts et leur capitalisation :
22. Mme D...a droit aux intérêts au taux légal sur la somme qui lui est due à compter du 25 février 2014, date de réception de sa réclamation préalable. Elle a en outre demandé la capitalisation des intérêts dans sa requête enregistrée au greffe du tribunal le 23 mai 2014. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 25 février 2015, date à laquelle a été due au moins une année d'intérêts, puis à chaque échéance annuelle ultérieure.
Sur les frais d'expertise :
23. Il y a lieu de maintenir à la charge des Hôpitaux de Saint-Maurice les frais de l'expertise du docteur E...liquidée et taxée à la somme de 1 093 euros par ordonnance du président du Tribunal administratif de Melun du 2 juillet 2010.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
24. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
25. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées à ce titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...et autres ainsi que les conclusions présentées à titre incident et sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de l'établissement public de santé Esquirol, sont rejetés.
Article 2 : Les frais d'expertise devant le Tribunal administratif de Melun taxés et liquidés à la somme de 1 093 euros sont définitivement mis à la charge de l'établissement public de santé Esquirol.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme I...D..., à M. A...D..., à M. B... D..., à M. C... D..., à l'établissement public de santé Esquirol (Hôpitaux de Saint-Maurice), à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 5 février 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Bernier, président assesseur,
- Mme Pena, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 19 février 2019.
Le rapporteur,
E. PENALe président,
M. BOULEAU
Le greffier,
A. DUCHER
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
5
N° 10PA03855
2
N° 17PA00433