Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 juin 2017, M. D...A..., représenté par Me B...H..., demande à la cour :
1°) de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à lui verser une indemnité de 150 000 euros ;
2°) de mettre à la charge de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris une somme de 3 000 euros à verser à son avocat sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- pour rejeter sa demande, le tribunal s'est fondé sur le rapport de l'expert sans tenir compte de ses arguments ;
- l'arthrite septique, complication rare mais connue de l'otite, n'a pas été diagnostiquée à temps ;
- le trismus, qui limite l'ouverture buccale de l'enfant, apparu après la ponction évacuatrice effectuée le 21 février 2009, est la conséquence du geste opératoire ;
- le rapport d'expertise, incomplet et peu clair, auxquels s'en sont remis aveuglément les premiers juges en méconnaissance du contradictoire, n'explique pas de manière satisfaisante l'aggravation du trismus ;
- les parents n'ont pas été congrument informés avant de donner leur accord à la ponction ;
- le rapport d'expertise minimise les préjudices de l'enfant.
Par une décision du 20 mars 2017, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Paris a accordé à M. D...l'aide juridictionnelle partielle et fixé la contribution de l'Etat à 25%.
Vu le rapport d'expertise du Dr E...du 5 juin 2015.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 5 décembre 2018.
Vu le mémoire enregistré le 7 décembre 2018, présenté par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, reçu après la clôture de l'instruction.
La caisse primaire d'assurance maladie de Paris n'a pas présenté de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- l'arrêté du 26 décembre 2016, relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bernier,
- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,
- les observations de Me H...représentant M. A...et de Me F...représentant l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris.
Considérant ce qui suit :
1. La jeune C...A..., alors âgée de deux ans, a été admise le 13 janvier 2009 au service des urgences pédiatriques de l'hôpital Trousseau où une otite a été diagnostiquée. L'infection a cependant récidivé. Le 21 février 2009, une ponction réalisée sous anesthésie générale a permis d'évacuer le pus qui s'était accumulé sous le muscle, au contact de l'os, dans l'espace masticateur. A la suite de cette intervention, l'otite a été guérie mais un scanner réalisé le 2 avril 2009 a révélé qu'une arthrite infectieuse affectant les cartilages avait provoqué la destruction de l'articulation de la mâchoire. Depuis lors, l'enfant reste affectée d'une contraction des mâchoires qui limite considérablement l'ouverture de la bouche et ses possibilités d'alimentation. Ce trismus, qui semble aller en s'aggravant, pourrait appeler à l'adolescence une intervention chirurgicale destinée à reconstruire l'articulation. Le père de la jeuneC..., qui impute le handicap de sa fille à des fautes commises par l'hôpital Trousseau lors de la prise en charge de l'enfant, relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande indemnitaire.
2. Pour rejeter la demande de M.A..., le tribunal administratif de Paris s'est fondé notamment sur le rapport du DrE..., expert désigné par une ordonnance du juge des référés de ce tribunal du 9 octobre 2014. Cette expertise a présenté un caractère contradictoire. Le rapport a été discuté par les parties en première instance. Si les critiques formulées par le requérant contre les conclusions de l'expert n'ont pas été retenues par les premiers juges, le principe du contradictoire n'a pas été méconnu.
3. S'il est vrai que l'expert a privilégié un vocabulaire technique à une approche pédagogique qui aurait sans doute rendu son rapport plus intelligible par les parents, il a répondu aux réponses que lui a posées le juge des référés. Ses conclusions, qui reposent sur une analyse précise des données cliniques figurant au dossier médical et comportent des recherches sur la complication rare dont souffreC..., sont dénuées d'obscurité sur l'origine de la contraction mandibulaire. L'expert n'avait pas à rechercher les raisons pour lesquelles l'état de l'enfant ne s'est pas amélioré depuis 2009, ni celles pour lesquelles les deux interventions chirurgicales entreprises en 2013 et 2014 seraient resté vaines, cette recherche n'entrant pas dans le cadre de sa mission et n'étant pas nécessaires à la solution du litige. Dès lors qu'il disposait du dossier médical de l'enfant qui lui avait été communiqué par le tribunal administratif, il n'avait pas à faire mention du retard avec lequel l'hôpital avait transmis ces pièces aux parents. Le règlement du litige n'appelle donc pas une nouvelle expertise.
4. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport du Dr E...que le trismus, c'est-à-dire l'ankylose mandibulaire, dont reste affligée la jeuneC..., est consécutif à une arthrite infectieuse qui a détruit les cartilages de l'articulation qui unit la mâchoire inférieure gauche à l'os du crane. Cette arthrite destructrice a été provoquée par l'extension à l'articulation par contiguïté d'une infection qui trouve son origine dans une otite de l'oreille gauche. Il s'agit d'une complication très rare de l'otite chez l'enfant.
5. Le diagnostic d'otite a été immédiatement posé dès la première consultation aux urgences pédiatriques de l'hôpital Trousseau le 13 janvier 2009. M. A...n'est pas dès lors fondé à soutenir que les séquelles dont souffre sa fille seraient imputables à un retard de diagnostic.
6. L'antibiothérapie prescrite le 13 janvier 2009 (Augmentin) était appropriée. Un second examen, réalisé le 16 janvier 2009, a montré que l'otite était en voie de guérison, que l'enfant n'avait plus de fièvre mais que la douleur persistait. Le traitement antibiotique a donc été prolongé de quatre jours. Si l'expert a estimé que cette durée était un peu courte, il ne l'a pas jugée contraire aux règles de l'art. S'il n'est pas exclu qu'une prolongation aurait été de nature à prévenir une récidive de l'otite, il ne résulte pas de l'instruction que le 16 janvier 2009, alors que l'état de l'enfant s'était amélioré et que l'otite dont elle souffrait ne présentait pas de caractère singulier, les éléments cliniques imposaient au médecin de l'hôpital Trousseau de prescrire cette prolongation.
7. A la suite d'une récidive, l'antibiothérapie a été reprise le 7 février 2009, cette fois ci avec changement de produits, d'abord Orelox puis Pédiazole. En raison d'écoulements persistants depuis le 9 février 2009 et en l'absence d'amélioration rapide, l'enfant a été hospitalisée le 19 et mise sous antibiothérapie intraveineuse. Au vu des résultats d'un scanner réalisé le 20, la ponction à laquelle il a été procédé le 21 février 2009 a permis d'évacuer le pus. L'état de l'enfant s'est immédiatement amélioré et l'antibiothérapie a été prolongée jusqu'au début du mois de mars. La circonstance que les antibiotiques successivement prescrits, et qui ont été changés dès que leur relative inefficacité a été constatée, n'aient pas immédiatement éradiqué l'infection ne saurait suffire, à elle seule, à établir l'existence d'une faute.
8. C'est également sans commettre de faute que les médecins n'ont pas envisagé plus tôt la possibilité que l'infection de l'oreille aurait pu gagner l'articulation mandibulaire. Avant qu'C... n'éprouve des difficultés à ouvrir la bouche le 19 février 2009, il n'existait pas d'élément clinique conduisant à envisager la possibilité d'une arthrite infectieuse destructrice des cartilages, complication très rare de l'otite. En tout état de cause, dès que les premiers signes de trismus sont apparus, la prise en charge qu'appelait son état a été appropriée.
9. Les difficultés de l'enfant à ouvrir la bouche, qui suggéraient la possibilité d'une extension de l'infection à l'articulation, qui se sont manifestées le 19 février, sont antérieures à la ponction réalisée le 21. Le geste opératoire ne peut donc pas être à l'origine des séquelles. La seule circonstance que le trismus se soit révélé dans toute sa gravité que dans le courant du mois de mars et que l'arthrite infectieuse n'ait été révélée que par un scanner de contrôle le 2 avril ne permet pas d'établir une causalité entre un geste opératoire dont rien ne suggère qu'il ait été fautif et les séquelles dont souffre l'enfant.
10. Il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport de l'expertise que l'accord écrit d'un des parents de la jeune C...a été recueilli avant l'intervention du 21 février 2009. Rien ne vient établir que ce consentement n'aurait pas été éclairé. Au demeurant, ainsi qu'il a été dit au point précédent, la ponction réalisée à cette date n'est pas à l'origine de la complication, mais elle lui est postérieure.
11. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les conclusions présentées par son avocat sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par Me H...sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A..., à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris et à Me B...H....
Copie en sera adressée à M. G...E..., expert.
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Bernier, président assesseur,
- Mme Pena, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 22 janvier 2019.
Le rapporteur,
Ch. BERNIERLe président,
M. BOULEAU
Le greffier,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 17PA01913