Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2020 sous le numéro 20PA04004, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2003044 du 9 novembre 2020 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Montreuil.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que son arrêté avait porté au droit de
M. C... au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ;
- les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.
II. Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2020 sous le numéro 20PA04005, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2003044 du 9 novembre 2020 du tribunal administratif de Montreuil.
Il soutient que :
- les conditions fixées par les articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative sont en l'espèce remplies ;
- il fait valoir des moyens sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet de la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 février 2021, M. C..., représenté par
Me B..., demande à la cour de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, de rejeter la demande de sursis à exécution du préfet de la Seine-Saint-Denis et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros HT, soit 2 400 euros TTC, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du
10 juillet 1991, ou, en cas de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat, une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice
Il soutient que :
- il justifie contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de sa fille ;
- le procureur de la République, le juge des enfants et le conseil général d'Eure et Loire ont reconnu sa date d'arrivée en France et sa minorité à cette date ;
- il justifie de sa formation et de sa bonne intégration professionnelle par des pièces nombreuses et probantes.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les observations de Me E... substituant Me B... pour M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., de nationalité guinéenne, est entré en France selon ses déclarations
le 3 avril 2014 à l'âge de dix-sept ans. Il a alors été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance et a été scolarisé. Mis en possession d'un titre de séjour en qualité d'étudiant du 13 mai au
31 octobre 2016, il a ensuite bénéficié d'une carte de séjour temporaire mention " salarié " valable de mars 2017 à mars 2018, renouvelée jusqu'au 16 mars 2019. Le 7 mai 2019,
M. C... a sollicité la délivrance d'une carte de résident sur le fondement du 2° de l'article
L. 314-8 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et à défaut, le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté en date du 28 janvier 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer une carte de résident et de renouveler son titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à l'encontre de l'intéressé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, assortie d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour. Par le jugement attaqué du 9 novembre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a annulé les décisions contenues dans l'arrêté du 28 janvier 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis portant refus de délivrance de carte de séjour temporaire, obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Le préfet de la Seine-Saint-Denis relève appel de ce jugement et demande qu'il soit sursis à son exécution.
Sur la jonction :
2. Les requêtes Nos 20PA04004, 20PA04005 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire :
3. Aux termes de l'article 8 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : " Toute personne admise à l'aide juridictionnelle en conserve de plein droit le bénéfice pour se défendre en cas d'exercice d'une voie de recours ". Il résulte de ces dispositions que M. C... conserve de plein droit le bénéfice de l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle dont il a bénéficié en première instance sur le fondement de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991. Par suite, sa demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle devant la Cour est sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Il ressort des pièces du dossier, qu'arrivé en France à l'âge de 17 ans et pris immédiatement en charge par l'aide sociale à l'enfance en qualité de mineur isolé à partir du
9 mai 2014, M. C... était présent sur le territoire national depuis six ans à la date de refus de renouvellement de son titre de séjour et qu'il a passé plus du tiers de sa vie en France, muni à sa majorité de titres de séjour. Il est le père d'une enfant née en France le 26 août 2018, avec laquelle il a des liens et il contribue à son entretien. Par ailleurs, il travaille régulièrement et justifie ainsi d'une insertion dans la société française. Si le préfet fait état d'un signalement pour des faits de violences volontaires ayant entrainé une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours survenus le 21 septembre 2019, ce signalement ne comporte aucune précision sur les circonstances ni même sur la matérialité de ces faits qui n'ont donné lieu à aucune condamnation ou mesure alternative aux poursuites par le juge pénal. Il ne saurait se déduire de ce seul signalement que M. C... représenterait une menace pour l'ordre public.
6. Ainsi donc, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de l'ancienneté du séjour de M. C..., des liens maintenus avec son enfant, et de son intégration par le travail, et eu égard au caractère isolé et dépourvu de gravité particulière des faits mentionnés par le signalement, le refus de renouvellement de sa carte de séjour a porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale et a méconnu ainsi les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le préfet de la Seine-Saint Denis n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 28 janvier 2020 et lui a enjoint de renouveler la carte de séjour de
M. C....
Sur la requête n° 20PA04005 :
7. La cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête n° 20PA04004 du préfet de la Seine-Saint-Denis tendant à l'annulation du jugement du 9 novembre 2020 du tribunal administratif de Montreuil, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 20PA04005 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a sollicité le sursis à exécution de ce jugement.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Ainsi qu'il a été dit au point 3, M. C... conserve le bénéfice de l'aide juridictionnelle obtenue en première instance. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B..., avocat de M. C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à Me B... la somme de 1 500 euros.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. C... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20PA04005 du préfet de la Seine-Saint-Denis.
Article 3 : La requête n° 20PA04004 du préfet de la Seine-Saint-Denis est rejetée.
Article 4 : L'Etat versera à Me B... une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. F... C....
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience publique du 9 mars 2021 à laquelle siégeaient :
- M. D..., président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme A..., premier conseiller,
- Mme Mornet, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2021.
Le rapporteur,
M-D. A...Le président de la formation de jugement,
M. D...
Le greffier,
A. DUCHER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 08PA04258
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Nos 20PA04004, 20PA04005