Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 15 janvier 2021, et des mémoires enregistrés
les 8 février 2021, 18 février 2021 et 26 février 2021, Mme G... H..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 17 novembre 2020 ;
2°) d'annuler ou de réformer la décision du 5 février 2020 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a validé l'accord collectif majoritaire relatif au plan de sauvegarde de l'emploi des sociétés Exane SA, Exane Dérivatives et Ellipsis Asset Management ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme H... soutient que :
- le tribunal, qui n'a statué que sur les moyens figurant dans la requête introductive d'instance, n'a ni visé ni analysé les moyens nouveaux figurant dans le mémoire complémentaire enregistré le 6 octobre 2020 et non communiqué aux défendeurs, et repris dans la note en délibéré ; le jugement est irrégulier de ce fait ;
- la société Ixios Management, qui n'est pas partie à l'accord, n'a pas qualité pour être partie à l'instance ;
- sa demande était recevable et a été régularisée ;
- l'administration n'a pas vérifié la qualité du signataire qui s'est engagé au nom des sociétés de l'UES Exane, ni celle des parties signataires ;
- les discussions au sein du comité social et économique sur la détermination des catégories professionnelles n'ont pas été suffisamment approfondies ;
- le champ d'application du PSE a été illégalement réduit à trois sociétés de l'unité économique et sociale Exane qui en compte six ; le tribunal n'a pas répondu à ce moyen ;
- les catégories professionnelles devaient être définies au niveau de l'UES et non au niveau des entreprises membres ; le périmètre appliqué pour répartir les salariés selon les catégories professionnelles a été volontairement réduit aux seules sociétés au sein desquelles des postes ont été supprimés ;
- la répartition des salariés visés par l'accord collectif en des catégories trop étroites, fondée sur la performance et non sur la compétence, est frauduleuse, discriminatoire et tend à obtenir le départ de salariés préalablement identifiés ;
- elle occupait un emploi de trader " produits dérivés " permutable avec des emplois de même nature, éventuellement au prix d'une adaptation ;
- elle a été, comme d'autres, discriminée en raison de son sexe, de sa nationalité, et de son état de santé, et parce qu'elle était moins diplômée ; les salariés les plus âgés étaient plus particulièrement visés ;
- l'UES Exane n'avait pas préalablement accompli tous les efforts de formation et d'adaptation que l'article L. 1233-4 du code du travail met à sa charge ; la décision de la DIRECCTE est sous-motivée sur ce point ;
- les mesures de reclassement prévues par l'accord sont insuffisantes et n'ont pas été effectivement mises en oeuvre.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 février 2021, le ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le tribunal a répondu à tous les moyens, y compris ceux figurant dans le mémoire enregistré le 6 octobre 2020, non communiqué aux parties ;
- c'est au niveau de l'entreprise, qui a la qualité d'employeur, et non de l'unité économique et sociale, que s'apprécient les catégories professionnelles et les critères d'ordre ;
- s'agissant d'un accord collectif majoritaire et non d'un document unilatéral, le contrôle de l'administration porte uniquement sur le caractère éventuellement discriminatoire du découpage des catégories professionnelles ; le moyen tiré du nombre élevé de catégories professionnelles ou de leur caractère trop restrictif n'est pas suffisant ;
- il n'y a pas eu de choix discriminatoire à raison du sexe, de la nationalité ou de l'état de santé ;
- la DIRECCTE a vérifié l'existence de mesures de formation et de reclassement interne ainsi qu'il ressort de la motivation de la décision, suffisante en l'espèce ;
- la validité du plan n'est pas subordonnée à l'importance de l'effort préalable de l'employeur en matière de formation ;
- s'agissant d'un accord collectif majoritaire, le contrôle des mesures de reclassement porte sur leur existence et non sur leur caractère suffisant au regard des moyens du groupe, ce qui a été le cas en l'espèce ; la circonstance que la requérante n'ait pas bénéficié d'un reclassement est indifférente.
Par trois mémoires en défense, enregistrés les 13 février 2021, 23 février 2021
et 5 mars 2021, la société Exane SA, la société Exane Asset Management, la société Exane Derivatives, la société Exane Finance, la société Exane Derivatives Gérance, la société Ellipsis Asset Management et la société Ixios Asset Management, représentées par la SCP F... Fattacini et Rebeyrol, concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 500 euros soit mise à la charge de Mme H... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la demande qui tendait à l'annulation d'une décision implicite inexistante est irrecevable ;
- le jugement n'est pas irrégulier, les moyens et arguments contenus dans le dernier mémoire non communiqué de la requérante soit avaient déjà été soulevés, soit étaient inopérants ;
- M. A..., directeur général d'Exane avait été habilité à signer l'accord par les sociétés qu'il représentait ;
- la négociation a effectivement porté sur la définition des catégories professionnelles ;
- le périmètre de l'accord est limité aux seules entreprises qui licencient, les autres, dont certaines au demeurant n'ont pas de salariés, n'étant pas concernées ;
- les catégories professionnelles n'avaient pas à être déterminées au niveau de l'UES ou du groupe, qui ne sont pas des entités juridiques ;
- la définition des catégories n'est pas frauduleuse ;
- le poste de la requérante n'était pas interchangeable avec celui d'autres traders qui ont tous une formation mathématique poussée et une longue expérience sur leurs produits ;
- la détermination des catégories ne présente pas de caractère discriminatoire ;
- l'autorité administrative n'a pas à apprécier les efforts passés en matière de formation, mais les mesures de formation arrêtées dans le cadre du PSE ;
- l'exécution du PSE relève du juge judiciaire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme Péna, rapporteur public,
- et les observations de Me C... et de Me E..., représentant Mme H... et de Me F..., représentant la société Exane SA et autres.
Considérant ce qui suit :
1. Le groupe financier Exane, spécialisé dans l'intermédiation, les dérivés actions et la gestion d'actifs, comprend la société Exane SA et plusieurs filiales : la société Exane Asset Management, la société Exane Derivatives SNC, la société Exane Finance, la société Exane Derivatives Gérance, la société Ellipsis Asset Management, la société Ixios Asset Management et la société Exane Participations.
2. En raison de la dégradation de son activité, de pertes subies par certaines de ses composantes en particulier sur le marché des produits dérivés, et pour sauvegarder sa compétitivité, le groupe Exane a entrepris de se restructurer. Un accord collectif conclu entre d'une part les sociétés Exane SA, Exane Asset Management, Exane Derivatives SNC, Exane Finance, Exane Derivatives Gérance, Ellipsis Asset Management, membres de l'unité économique et sociale du groupe Exane, et d'autre part la CFDT, unique organisation syndicale représentative, le 17 janvier 2020, qui prévoit 34 suppressions de postes et 30 licenciements, a été soumis au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France qui l'a validé par décision du 5 février 2020.
3. Mme H..., qui occupait le poste de trader produits communities et forex au sein de la société Exane Derivatives, dont le poste a été supprimé, a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a validé ce plan. Elle relève appel du jugement du 17 novembre 2020 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur l'intervention de la société Ixios Asset Management :
4. La société Ixios Asset Management n'est pas signataire de l'accord collectif validé par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France. La circonstance qu'elle appartienne au groupe Exane et qu'elle soit membre de l'unité économique et sociale ne lui confère pas un intérêt suffisant pour intervenir à l'appui des conclusions des sociétés signataires de l'accord. Son intervention, qui au demeurant n'a pas été présentée par un mémoire distinct, n'est donc pas recevable.
Sur la régularité du jugement :
5. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. / (...) ". Il en résulte que les décisions de justice doivent faire apparaître, dans leurs visas ou leurs motifs, l'analyse des moyens invoqués par les parties.
6. Il ressort du jugement attaqué que le tribunal a visé sans l'analyser le mémoire en réplique que la requérante a produit le 6 octobre 2020 à la veille la clôture de l'instruction intervenue le 7 octobre 2020. Ce mémoire répondait aux fins de non-recevoir opposées par les défendeurs tirées de l'erreur sur la décision contestée et complétait l'argumentation contenue dans le mémoire introductif d'instance à l'appui des moyens, dûment analysés dans le mémoire introductif d'instance, tirés de ce que les catégories professionnelles auraient dû être constituées au niveau de l'unité économique et sociale et non au niveau de chaque entreprise, de ce que la détermination des catégories présentait à son égard un caractère discriminatoire, de ce que les critères d'ordre des licenciements rompaient l'égalité entre les salariés, et de ce que les mesures contenues dans le plan validé en vue de préserver l'employabilité des salariés étaient insuffisantes. S'agissant de ce dernier moyen, les dispositions combinées des articles
L. 1233-57-2 et L. 1233-24-3 du code du travail, qui prévoient que l'accord collectif qui détermine le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi ne peut déroger à l'obligation d'effort de formation et d'adaptation incombant à l'employeur, ne subordonnent pas la validation de ce plan par l'administration au caractère suffisant des efforts de formation consentis par l'employeur en faveur de ses salariés antérieurement à ce plan. Cette argumentation complémentaire figurant dans le mémoire en réplique du 6 octobre 2020 était dès lors insusceptible d'être retenue par le juge et d'exercer une influence sur la solution du litige. Il en résulte que ce mémoire n'apportait pas d'éléments nouveaux justifiant qu'il fasse l'objet d'une analyse distincte de celle de la demande. Enfin la note en délibéré enregistrée le 3 novembre 2020, qui reprenait ces moyens et arguments, a été dument visée et n'avait pas à être analysée.
7. Le tribunal n'a pas omis de répondre à un moyen qui aurait été utilement soulevé. Il a par ailleurs répondu au point 6 de sa décision à l'argumentation de la requérante qui critiquait l'application des catégories professionnelles aux seules entreprises visées par le projet de licenciement et non à l'unité économique et sociale dans son ensemble. Le tribunal qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments soulevés par la requérante ni aux moyens inopérants a suffisamment motivé sa décision. Son jugement n'est donc pas entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
8. Aux termes de l'article L. 1233-61 du code du travail : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre... ". Aux termes de l'article
L. 1233-24-1 du même code : " Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, un accord collectif peut déterminer le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles
L. 1233-61 à L. 1233-63 ainsi que les modalités de consultation du comité social et économique et de mise en oeuvre des licenciements... ". L'article L. 1253-57-2 du code du travail dispose
que : " L'autorité administrative valide l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 dès lors qu'elle s'est assurée de : / 1° Sa conformité aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-3 ; / 2° La régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique ; / 3° La présence dans le plan de sauvegarde de l'emploi des mesures prévues aux articles
L. 1233-61 et L. 1233-63 ; /4° La mise en oeuvre effective, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 ".
S'agissant de la compétence du signataire de l'accord collectif pour engager les employeurs :
9. Il ressort des pièces produites par les défendeurs en appel que M. D... A..., directeur général d'Exane, directeur général d'Exane Derivatives Gerance avait été régulièrement habilité par les autres sociétés engagées par l'accord à le négocier et à le signer en leur nom.
S'agissant de la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique :
10. Si la requérante fait grief aux employeurs de ne pas avoir apporté des réponses suffisantes à certaines des interrogations des représentants des salariés sur la détermination des catégories professionnelles, il ne ressort pas des pièces du dossier que la procédure d'information et de consultation du comité social et économique aurait été en l'espèce irrégulière. Il n'en ressort pas davantage que la négociation de l'accord aurait été entachée de fraude.
S'agissant du périmètre du plan et des critères d'ordre :
11. L'accord collectif convenant d'un plan de sauvegarde de l'emploi a été négocié entre les sociétés qui forment l'unité économique et sociale du groupe Exane et l'organisation syndicale représentative au sein de cette UES, dans le cadre du comité social et économique de cette UES. Si la requérante fait grief à l'accord de ne s'appliquer qu'aux trois sociétés de l'UES dans lesquelles des suppressions d'emploi sont prévues, sans que la définition des catégories professionnelles et des critères d'ordre des licenciements trouvent à s'appliquer aux autres sociétés formant l'UES pour lesquelles aucun licenciement n'est prévu, l'UES Exane, qui ne dispose pas de la personnalité morale, et qui regroupe des entreprises distinctes aux fins notamment d'assurer le dialogue social, ne peut être regardée comme étant elle-même l'employeur, cette fonction ne pouvant être assumée que par chacune des sociétés avec laquelle les salariés sont liés par un contrat de travail. Ainsi donc, et à supposer qu'il incombe à l'administration de contrôler le périmètre défini par cet accord, c'est sans illégalité que les catégories professionnelles et les critères d'ordre des licenciements ont été définis dans un périmètre circonscrit aux seules entreprises affectées par les suppressions d'emploi alors même que l'accord aurait été négocié par les sociétés formant l'unité économique et sociale. L'accord transmis pour validation à l'administration qui distinguait clairement parmi les sociétés membres de l'UES celles qui seraient affectées par des suppressions d'emploi, qui précisait pour chacune des sociétés concernées les emplois supprimés en distinguant les départements, les services et les catégories d'emploi, et qui précisait que les critères d'ordre seraient appliqués au niveau de chaque société concernée ne comportait pas, contrairement à ce que soutient la requérante, d'imprécision ou d'obscurité de nature à tromper l'administration.
S'agissant de la détermination des catégories professionnelles et de la discrimination :
12. Aux termes de l'article L. 1233-24-2 du code du travail : " L'accord collectif (...) peut également porter sur : / (...) 4° Le nombre de suppressions d'emploi et les catégories professionnelles concernées ". La circonstance que, pour déterminer les catégories professionnelles concernées par le licenciement, un accord collectif fixant un plan de sauvegarde de l'emploi se fonde sur des considérations étrangères à celles qui permettent de regrouper les salariés par fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune, ou ait pour but de permettre le licenciement de salariés affectés sur un emploi ou dans un service dont la suppression est recherchée, n'est pas, par elle-même, de nature à caractériser une méconnaissance des dispositions de l'article L. 1233-57-2 du code du travail. Elle ne saurait, par suite, faire obstacle à la validation de cet accord. Il en va autrement si les stipulations qui déterminent les catégories professionnelles sont entachées de nullité, en raison notamment de ce qu'elles revêtiraient un caractère discriminatoire.
13. L'accord collectif litigieux définit la notion de catégorie professionnelle au sein de laquelle s'applique l'ordre des licenciements comme ne se réduisant pas à un emploi déterminé, mais visant l'ensemble des salariés qui exercent dans l'entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle ou une expérience commune. Il précise en outre que les catégories professionnelles définies par l'accord " regroupent des salariés aux compétences similaires, permutables d'un poste à l'autre de la catégorie soit directement soit par le biais d'une formation courte d'adaptation. Il convient de tenir compte des fonctions qu'exercent réellement les salariés pour savoir s'ils appartiennent à la même catégorie professionnelle (...). Les emplois sont spécialisés pour leur majorité sur une typologie de produits ou de marchés et les salariés ne peuvent pas intervenir sur d'autres produits/ marchés, leurs acquis dans le cadre de leur expérience professionnelle valant sur un produit précis et non sur tous les produits (...) Une formation courte d'adaptation ne permettrait pas la permutabilité de ces salariés ayant exercé des compétences propres sur les produits, les zones géographiques et les typologie de clientèle : les temps d'acquisition des connaissances pour passer d'un produit ou d'un marché à l'autre sont beaucoup trop longs pour que les salariés soient permutables... ".
14. Pour contester la détermination des catégories professionnelles, et notamment les critères des compétences acquises dans l'expérience d'un poste et la conception qu'elle juge restrictive des possibilités de permutabilité, Mme H... fait valoir que la capacité d'adaptabilité des personnels est sous-estimée, que dans le passé des salariés avaient pu passer d'un produit ou d'un marché à un autre au prix d'une formation adaptée, que son employeur a cherché à échapper à son obligation légale d'adaptation et de formation, que les critères de permutabilité sont flous et ne correspondent pas à ceux qui ont pu être mis en oeuvre dans le passé, enfin que le grand nombre de catégories professionnelles retenu par l'accord se prête à un ciblage destiné à priver de leur emploi les salariés jugés les moins performants. Toutefois, et alors que les catégories professionnelles ont été définies dans le plan de sauvegarde de l'emploi litigieux, la circonstance que l'accord collectif en litige retienne un critère de définition trop restrictif et celle que la requérante dont le poste est classé dans la catégorie " trader-produits commodities et Forex " pourrait, le cas échéant après une formation adaptée être permutée sur d'autres fonctions de trader ne suffit pas à les rendre invalides et partant, à entacher d'illégalité la décision contestée. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les catégories professionnelles auraient été déterminées au terme d'une négociation menée entre les employeurs et le syndicat qui aurait été entachée de fraude.
15. Si la requérante fait également valoir que les catégories professionnelles ont été définies dans le but de permettre le licenciement de certains salariés pour un motif inhérent à leur personne ou en raison de leur affectation sur un emploi ou dans un service dont la suppression est recherchée, il ressort des pièces du dossier que Mme H... est la seule titulaire des fonctions de trader " produits commodities et Forex " au sein de la société Exane Dérivatives et que la suppression de son poste est justifiée par le constat, purement objectif, de la fermeture des books de produits dérivés. Il ne se déduit d'aucune pièce du dossier que son poste aurait été supprimé parce que son employeur préférait licencier une femme, de nationalité étrangère, bénéficiaire d'une certaine ancienneté dans la société et qui était placée en congé-maladie quand le plan de sauvegarde de l'emploi a été conclu. La circonstance que le niveau de diplôme ait été pris en compte pour apprécier les possibilités de permutabilité n'implique pas que
Mme H... aurait été discriminée en raison d'une formation initiale jugée insuffisante. La circonstance que le secteur de la finance où travaille la requérante est majoritairement masculin et que son licenciement, ainsi que celui d'autres salariées accentuera ce déséquilibre ne révèle pas une intention discriminatoire dans la détermination des catégories. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que des salariés auraient été discriminés en raison de leur ancienneté ou de leur âge, de performances ou de diplômes jugés insuffisants. Il ne résulte pas davantage de la comparaison à laquelle se livre Mme H... avec d'autres collègues, qui au demeurant opéraient dans des spécialités différentes, que la catégorie à laquelle elle est rattachée aurait été déterminée dans le seul but de pouvoir la licencier. Enfin, la fraude n'est pas établie.
16. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la détermination des catégories professionnelles à laquelle procède le plan de sauvegarde de l'emploi litigieux serait entachée d'une méconnaissance des dispositions du 4° de l'article L. 1233-24-2 du code du travail doit être écarté.
S'agissant du contenu du plan :
17. S'il résulte notamment des dispositions de l'article L. 1233-57-3 du code du travail que, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document élaboré unilatéralement par l'employeur en application de l'article L. 1233-24-4 du même code, il appartient à l'administration de s'assurer du respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des dispositions des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du même code et d'apprécier, à ce titre, si les mesures prévues par ces articles et contenues dans le plan sont de nature à satisfaire les objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés compte tenu, notamment, des moyens dont dispose l'entreprise ou le groupe, il résulte en revanche des dispositions du 3° de l'article L. 1233-57-2 du code du travail que, lorsque le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi a été déterminé par un accord collectif majoritaire signé dans les conditions prévues à l'article L. 1233-24-1 du même code, l'administration doit seulement s'assurer de la présence, dans ce plan, des mesures prévues aux articles L. 1233-61 et L. 1233-63. L'article L. 1233-62 du code du travail dispose que le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit des mesures telles que des actions en vue du reclassement interne sur le territoire national, des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d'emplois ou équivalents à ceux qu'ils occupent, des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise, des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés, et des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents. L'article L. 1233-63 prévoit que le plan de sauvegarde de l'emploi détermine les modalités de suivi de la mise en oeuvre effective des mesures contenues dans le plan de reclassement, et notamment la consultation régulière et détaillée du comité social et économique et l'association de l'administration au suivi de ces mesures.
18. Il ressort des pièces du dossier que, pour valider l'accord majoritaire collectif, l'administration a d'abord pris en compte les mesures de reclassement interne et externe proposées aux salariés par le plan de sauvegarde de l'emploi. Pour le reclassement interne, ces mesures portent sur l'information individuelle des salariés concernés de la liste des postes de reclassement correspondant à leur catégorie qui deviendraient disponibles, actualisée tous les quinze jours, une période d'adaptation au nouveau poste d'une durée de trois mois et une période de formation le cas échéant, des critères de départage en cas de concurrence sur un même poste et une compensation financière en cas de baisse de rémunération. Pour le reclassement externe, les mesures proposées sont constituées notamment par la prise en charge des actions de formation d'adaptation, des mesures liées à la création et à la reprise d'entreprises, ou la création d'une cellule de reclassement " antenne emploi " tenue par un cabinet de conseil extérieur. Un contrat de sécurisation professionnelle est proposé aux salariés qui perdent leur emploi et le plan prévoit en outre un dispositif d'accompagnement des salariés présentant des difficultés rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, tels que les salariés âgés de cinquante ans et plus, les salariés reconnus handicapés, ceux en situation de parents isolés et les couples de la société dont les deux membres sont concernés par la suppression de leur emploi, avec un accompagnement renforcé au-delà de la durée de 12 mois et un abondement supplémentaire de 3 000 euros HT spécifiquement pour les salariés reconnus travailleurs handicapés. Il prévoit enfin, en parallèle à la consultation du comité social et économique, une commission de suivi régulière de la mise en oeuvre effective des mesures contenues dans le plan de reclassement. Il s'ensuit, alors même que les mesures proposées par le plan validé ne seraient pas suffisantes pour assurer l'employabilité des salariés dont le poste est visé par une mesure de suppression, que l'administration a été mise à même de vérifier la présence dans le plan de sauvegarde de l'emploi d'un plan de reclassement et des modalités de suivi de la mise en oeuvre effective des mesures contenues dans ce plan et qu'elle s'est livrée au contrôle du contenu du plan de sauvegarde de l'emploi au regard des dispositions applicables.
19. Si pour contester le contenu du plan, la requérante fait valoir que, par application des dispositions combinées des articles L. 1233-57-2 et L. 1233-24-3 du code du travail, qui prévoient que l'accord collectif qui détermine le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi ne peut déroger à l'obligation d'effort de formation et d'adaptation incombant à l'employeur, l'administration aurait dû se livrer à une appréciation des efforts de formation et d'adaptation de l'employeur antérieurs au plan de sauvegarde de l'emploi, et non se borner à constater la présence dans le plan soumis à validation de mesures de formation et d'adaptation destinées à accompagner le reclassement ou la reconversion professionnelle des salariés dont le poste est supprimé, les dispositions qu'elle invoque n'ont pas la portée qu'elle leur prête. Le contrôle de l'administration, qui ne présente pas de caractère rétrospectif, porte en effet uniquement sur la présence dans le plan de sauvegarde de mesures de formation et d'adaptation auxquelles les parties à l'accord ne peuvent conventionnellement déroger. Ainsi qu'il a déjà été dit au point 6 du présent arrêt, cette argumentation est donc inopérante. L'administration qui n'avait pas à se livrer à un contrôle de l'effort passé en matière de formation, n'avait pas à motiver sa décision sur ce point.
20. Enfin, si la requérante fait grief à son employeur de ne pas l'avoir rendue destinataire dès le 25 novembre 2019, soit à une date à laquelle l'accord n'avait été ni conclu ni validé par l'administration, des postes offerts en reclassement interne anticipé, cette circonstance, qui relève de l'exécution du plan, est sans incidence sur la légalité de la décision contestée.
21. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande, que Mme H... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
22. L'Etat n'étant pas la partie qui succombe dans la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions que Mme H... présente à ce titre. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions des sociétés signataires de l'accord tendant à ce que soit mise à la charge de la requérante les frais exposés par elles et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : L'intervention de la société Ixios Asset Management n'est pas admise.
Article 2 : La requête de Mme H... est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par les sociétés signataires de l'accord sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... H..., à la ministre du travail, à la société Exane SA, à la société Exane Asset Management, à la société Exane Derivatives, à la société Exane Finance, à la société Exane Derivatives Gérance, à la société Ellipsis Asset Management et à la société Ixios Asset Management. Copie en sera adressée au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France.
Délibéré après l'audience publique du 9 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- M. B..., président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Jayer, premier conseiller,
- Mme Mornet, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2021.
L'assesseur le plus ancien,
M-D. JAYER Le président de la formation de jugement,
président-rapporteur,
Ch. B... Le rapporteur,
Ch. B...Le président,
M. B...
Le greffier,
A. DUCHER
Le greffier,
A. DUCHER
La République mande et ordonne au ministre du travail en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
2
N°21PA00238