Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2020, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement ;
3°) d'annuler cet arrêté ;
4°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans un délai de deux semaines à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation sous les mêmes délai et astreinte ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le tribunal a omis de statuer sur les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles 4 et 29 du règlement (UE) n° 604/2013, de la méconnaissance du principe de célérité et du droit au recours effectif et de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 ;
- il est entaché d'une erreur de droit et méconnaît les dispositions de l'article 29 du règlement dès lors qu'il a été pris après l'expiration du délai de six mois prévu par ce même article ;
- le préfet de police a méconnu l'objectif de célérité de traitement des demandes de protection internationale reconnu par le considérant 5 du préambule du règlement (UE) n° 604/2013 ;
- l'arrêté porte atteinte à son droit au recours effectif en méconnaissance des dispositions de l'article 28 du règlement (UE) n° 604/2013 et des stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement ;
- l'arrêté a été pris en méconnaissance de l'autorité de la chose jugée.
La requête a été communiquée au préfet de police qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris du 22 décembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les observations de Me A..., avocat de M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant afghan, né le 13 septembre 1997, a présenté le 17 septembre 2019 au guichet unique des demandeurs d'asile à Paris une demande de protection internationale. Par arrêté du 15 octobre 2020, le préfet de police a décidé son transfert aux autorités autrichiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile. M. C... relève appel du jugement du 16 novembre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'appréciation des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président (...) ".
3. Par décision du 22 décembre 2020, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris a admis M. C... à l'aide juridictionnelle totale. Il n'y a dès lors plus lieu de statuer sur sa demande d'admission provisoire.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et les mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membre par un ressortissant de pays tiers ou apatride : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".
5. Il ressort des pièces du dossier que par un arrêté du 28 octobre 2019, le préfet de police a décidé de transférer M. C... aux autorités autrichiennes pour l'examen de sa demande de protection internationale. Le délai de six mois prévu par les dispositions précitées a été interrompu par l'introduction, par M. C..., d'un recours contre cet arrêté et un nouveau délai de six mois a commencé à courir à compter de la notification à l'administration, le 10 janvier 2020, du jugement du Tribunal administratif de Paris du 24 décembre 2019. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'autorité préfectorale aurait décidé de porter à un an ou dix-huit mois le délai de transfert après avoir constaté que l'intéressé aurait été emprisonné ou aurait pris la fuite. Dès lors, en application de l'article 29 paragraphe 2 du règlement précité, la France est devenue responsable de l'examen de la demande de protection internationale de M. C... à compter du 10 juillet 2020. Le préfet de police ne pouvait dès lors, sans méconnaître les dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, édicter à son encontre le 15 octobre 2020 un nouvel arrêté de transfert aux autorités autrichiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile. Il y a lieu en conséquence d'annuler cette décision.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué non plus que les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".
8. Il résulte de ce qui précède que les autorités françaises sont responsables de l'examen de la demande d'asile de M. C.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de police de procéder à l'enregistrement de cette demande dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que M. C... a été admis à l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me A..., avocat de M. C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me A... de la somme de 1 000 euros.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire de M. C....
Article 2 : Le jugement n° 2017741/8 du 16 novembre 2020 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police du 15 octobre 2020, sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de procéder à l'enregistrement de la demande d'asile de M. C... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale.
Article 4 : L'Etat versera à Me A..., avocat de M. C..., sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C..., à Me A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 26 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme B..., président de chambre,
- Mme D..., présidente assesseure,
- Mme Mach, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2021.
La rapporteure,
M. D...Le président,
M. B...
Le greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA04016