Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 29 août 2018, M. E..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner la commune de Villiers-sur-Marne à lui verser la somme globale de 104 425,88 euros, en réparation des préjudices financier et moral qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité fautive de l'arrêté du 31 janvier 2013 précité ;
3°) de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la sanction est fondée sur des faits qui ne sont pas établis et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'illégalité de la sanction est la cause directe des préjudices matériel et moral dont il a été victime ;
- s'agissant du grief relatif à la restructuration du réseau et du changement d'environnement "Microsoft", aucune faute de sa part n'est caractérisée dans le rapport de demande de sanction disciplinaire du 26 décembre 2012 ;
- s'agissant du grief relatif au marché de fournitures de consommables, le chef du service de la commande publique a considéré, par mail du 17 octobre 2012 adressé à la directrice générale des services, qu'il était exempt d'erreurs ;
- s'agissant du grief relatif à la vente d'ordinateurs au personnel, la directrice générale des services était au courant en temps réel de la cession des ordinateurs ; les "tensions et accusations d'inéquité à l'encontre des élus et de la direction" invoquées par le rapport précité sont le fait d'un seul agent représentant syndical, mécontent d'un refus d'attribution justifié ;
- s'agissant du grief relatif à la signature de contrat sans autorisation, la directrice générale des services, qui était au courant de la situation, ne l'a pas interpellé à ce sujet et il a agi au mieux des intérêts de la ville ;
- s'agissant du grief relatif à la télétransmission des actes administratifs, l'indisponibilité des secrétaires n'a pas permis la mise à jour des deux seules clés concernées ;
- s'agissant du grief relatif à la sécurité du réseau et des fichiers, le paramétrage préconisé par Microsoft n'était pas de sa compétence, alors en outre que le paramétrage à 180 jours qui était en service avait été demandé par la direction elle-même ;
- s'agissant du grief relatif à l'abandon des tickets de formation, il n'a pu utiliser ceux-ci en totalité en raison de sa suspension à compter du 15 octobre 2012 ;
- s'agissant du grief relatif au marché d'acquisition de matériel informatique, il a adressé le 10 août 2012 une proposition valide au chef du service commande publique qui ne l'a pas retenue ; concernant l'école Léon Dauer, le matériel qu'elle attendait n'était pas inclus dans le marché passé par la ville de Villiers-sur-Marne ;
- s'agissant du grief relatif au marché d'infogérance, la direction a validé en 2011 l'intervention de la société Urban informatique sans appel d'offres ni avenant au contrat existant et a pris systématiquement parti pour la société malgré ses méthodes douteuses ;
- son préjudice matériel doit être évalué à hauteur de la rémunération qu'il aurait dû percevoir pendant 45 jours, soit 4 425,88 euros ;
- les circonstances vexatoires de sa mise à l'écart et de sa suspension temporaire pendant quatre mois justifient une indemnité de 100 000 euros au titre du préjudice moral.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2019, la commune de Villiers-sur-Marne, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. E... de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... a été recruté par la commune de Villiers-sur-Marne à compter du 10 décembre 2007, en qualité de rédacteur territorial contractuel, par des contrats à durée déterminée successifs, en dernier lieu du 1er avril 2012 au 31 mars 2013. A compter du 16 avril 2009, il a occupé le poste de directeur du pôle Gestion des Systèmes d'Information (GSI). Par arrêté du 15 octobre 2012, le maire de Villiers-sur-Marne a suspendu M. E... de ses fonctions à compter du même jour. Par arrêté du 31 janvier 2013, il lui a infligé une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de quarante-cinq jours à compter du 15 février 2013. Cette décision a été annulée pour défaut de motivation par jugement du Tribunal administratif de Melun n° 1301636/5 du 8 juillet 2014, devenu définitif. Par une lettre du 16 octobre 2014, M. E... a demandé à la commune de Villiers-sur-Marne de lui verser une somme globale de 104 425,88 euros, en réparation des préjudices matériel et moral qu'il estimait avoir subis du fait de cette exclusion illégale. La commune a implicitement rejeté cette demande. M. E... relève appel du jugement du 5 juillet 2018 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Villiers-sur-Marne à lui verser la somme précitée.
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 36 du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale : " Tout manquement au respect des obligations auxquelles sont assujettis les agents publics, commis par un agent contractuel dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions est constitutif d'une faute l'exposant à une sanction disciplinaire, sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par le code pénal ". Aux termes de l'article 36-1 du même décret : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents non titulaires sont les suivantes : 1° L'avertissement ; 2° Le blâme ; 3° L'exclusion temporaire des fonctions avec retenue de traitement pour une durée maximale de six mois pour les agents recrutés pour une durée déterminée et d'un an pour les agents sous contrat à durée indéterminée ; 4° Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement ".
3. Si toute illégalité, même formelle, qui entache une décision constitue en principe une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration qui l'a prise, une telle faute ne peut donner lieu à la réparation des préjudices subis par son destinataire lorsque les circonstances de l'espèce étant de nature à justifier légalement la décision prise, les préjudices allégués ne peuvent être regardés comme la conséquence du vice dont cette décision est entachée.
4. Il résulte de l'instruction que, pour prendre à l'encontre de M. E... la sanction d'exclusion temporaire de fonctions de quarante-cinq jours précitée, le maire de
Villiers-sur-Marne s'est fondé sur un rapport en date du 26 décembre 2012, conjointement signé par la directrice générale des services de la commune, le directeur des services techniques et du développement urbain, le directeur général adjoint aux prestations et à la population et le directeur général adjoint à la cohésion sociale. M. E... conteste l'ensemble des griefs invoqués à son encontre dans ce rapport, en soutenant notamment que les faits qui les fondent ne sont pas établis.
5. En premier lieu, le rapport précité évoque un manque d'anticipation et de rigueur dans l'élaboration des documents et la mise en oeuvre des procédures nécessaires à la passation des marchés publics dont il n'est pas contesté que M. E... avait la charge, à savoir un marché d'achat de consommables informatiques et un marché d'acquisition de matériel informatique. Il résulte de l'instruction qu'alors qu'il n'est pas contesté que ces marchés auraient dû être passés en juillet 2011, compte tenu des échéances des précédents marchés, les courriels produits par la commune, échangés tant entre le pôle GSI et le service de la commande publique qu'à l'intérieur de ce dernier service, en date des 20 février 2012, 22 février 2012, 21 mars 2012, 6 septembre 2012, 10 septembre 2012 et 11 septembre 2012, sont de nature à établir que M. E... a fait preuve d'inertie et de négligence dans la définition des besoins correspondant à ces marchés, la préparation des documents contractuels et le suivi de la procédure, relatif en particulier, s'agissant du marché de consommables, aux réponses urgentes à apporter aux candidats. Il est résulté de ces retards et négligences une attribution tardive de ces marchés au regard des besoins des utilisateurs, responsable d'un dysfonctionnement des services, ainsi que d'une pénurie prolongée de matériel tant dans les services municipaux qu'au sein des écoles de la commune, notamment l'école Dauer, également concernées par ces marchés. En se bornant à soutenir, s'agissant du marché de consommables, que la commune n'aurait pas eu de politique définie concernant ce marché, qu'il aurait mis en place à cet égard un logiciel de suivi de la consommation des services et que les affirmations du rapport relatives aux erreurs qu'il aurait commises dans la rédaction du cahier des charges seraient inexactes, M. E... ne contredit pas utilement les constatations qui précèdent ni les conclusions du rapport précité. En outre, en faisant valoir, sans l'établir, que la directrice générale des services aurait consenti à attendre un an avant de passer un nouveau contrat d'achat de matériel au motif d'un retard dans le déploiement des postes relatif au précédent marché et que, si l'école Dauer était en attente de six ordinateurs pour la rentrée 2012-2013, ceux-ci n'étaient pas inclus dans le marché passé par la ville, le requérant ne contredit pas davantage les conclusions de ce rapport. Par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir que ce premier grief ne serait pas établi.
6. En second lieu, le rapport du 26 décembre 2012 invoque la circonstance selon laquelle, alors que M. E... devait initier la mise en oeuvre d'un marché d'infogérance visant à l'administration du nouveau réseau informatique, dont l'attribution était prévue pour janvier 2012, celui-ci a sollicité, à partir de décembre 2010, la société Urban Informatique pour effectuer des prestations d'intégration et de maintenance sur ce réseau. Toutefois, alors que cette société ne devait intervenir que pour un temps limité dans l'attente du lancement du marché précité, celle-ci a effectué, à la demande de M. E..., des prestations tout au long de l'année 2011, pour un montant total de 50 000 euros, ainsi que des interventions quasiment hebdomadaires durant le premier semestre 2012, en dehors de toute procédure de mise en concurrence et sans engagement écrit, M. E... n'ayant disposé pour sa part d'aucune autorisation d'engagement de dépenses de sa hiérarchie concernant ce prestataire et n'ayant pas répondu à ses devis relatifs aux prestations demandées, tout en acceptant ces dernières. Il résulte en outre de l'instruction que malgré de nombreuses relances de la direction de la ville, M. E... n'a jamais fourni les pièces relatives à l'analyse des besoins des services, nécessaires au lancement de la procédure de passation du marché d'infogérance. Si M. E... fait valoir, sans l'établir, qu'il n'est pas à l'origine de l'engagement de la société Urban Informatique et que les interventions de celle-ci sans recours à une procédure de mise en concurrence ont été validées par la direction de la ville, tant en 2011 qu'en 2012, il ne conteste pas utilement les conclusions du rapport du 26 décembre 2012 selon lesquelles, à défaut de contractualisation et de gestion des interventions de l'infogérant, dont la responsabilité lui incombait, au moins partiellement, il a fait perdre à la commune de Villiers-sur-Marne la maîtrise de son réseau informatique tout à la rendant très dépendante de ce prestataire, lui a fait courir un risque technologique important et l'a mise en difficulté sur un plan juridique du fait du non-respect des exigences du code des marchés publics. Par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir que ce deuxième grief ne serait pas établi.
7. En troisième lieu, le rapport conjointement signé par quatre directeurs des services de la ville invoque la circonstance que M. E... " a vendu en novembre 2011 au personnel des postes de travail désaffectés au mépris de toutes les règles alors que la directrice générale les lui avait rappelées " et que " l'opacité créée par cette initiative n'a pas manqué de créer des tensions et des accusations d'inéquité à l'encontre des élus et de la direction par les syndicats et le personnel ". M. E..., qui ne conteste pas avoir vendu à des agents du personnel les ordinateurs désaffectés, les agents ayant été invités à les retirer à la fin de l'année 2011, fait valoir que la directrice générale des services était informée de la cession de ces ordinateurs, que l'arrêté de mise à la réforme de ce matériel ne lui a jamais été transmis et que les tensions et accusations évoquées ne sont pas établies, un seul agent, représentant syndical, à qui il avait refusé la cession d'un ordinateur destiné à une école, s'étant plaint auprès de cette directrice. Il résulte toutefois de l'instruction, notamment des courriels échangés entre M. E... et la directrice générale des services, en date des 1er août 2011, 22 novembre 2011 et 29 novembre 2011, que le requérant n'a reçu de cette dernière l'autorisation de ne vendre qu'un seul ordinateur et que, s'agissant des autres, celle-ci lui a expressément précisé que, avant de les vendre, il convenait d'en faire la liste, de les sortir de l'inventaire par arrêté de mise à la réforme et de faire voter un tarif en conseil municipal. M. E... a, dès lors, vendu ces ordinateurs en méconnaissance de ces instructions hiérarchiques. En outre, il résulte de l'attestation du premier maire-adjoint de Villiers-sur-Marne, en date du 15 mars 2013, que le maire de la ville a accordé, le 11 octobre 2012, une audience, à laquelle cet adjoint a assisté, aux membres du bureau du syndicat SDU, qui avait été saisi par le personnel municipal d'une contestation relative à l'attribution des ordinateurs désaffectés à certains membres du personnel, sans publicité préalable et sans information à l'ensemble de celui-ci des critères de choix des agents bénéficiaires. Par suite, les faits constitutifs du grief ci-dessus mentionné étant corroborés par les pièces de l'instruction, M. E... n'est pas fondé à soutenir que ce troisième grief ne serait pas établi.
8. Enfin, le rapport précité invoque la circonstance qu'en septembre 2011, M. E... a engagé la commune de Villiers-sur-Marne pour une dépense de 17 794,68 euros HT, correspondant au montant d'un contrat de crédit-bail portant sur du matériel de télécommunications, conclu avec la société Orange sans autorisation de sa hiérarchie. M. E..., qui ne conteste pas ces faits, ne peut à cet égard utilement faire valoir que la directrice générale des services, informée dès janvier 2012, selon lui, des différents courriels, dont elle recevait copie, échangés avec la société Orange pour le paramétrage de ce matériel, ne l'a pas interpellé à ce sujet, dès lors qu'il résulte de la copie du contrat produite par la commune que celui-ci a été conclu le 12 septembre 2011, soit antérieurement aux échanges précités. La circonstance invoquée en outre par M. E... selon laquelle il aurait fait réaliser à la commune de Villiers-sur-Marne, grâce à ce contrat, une économie de 4 738 euros sur son abonnement mensuel, à la supposer établie, est en tout état de cause également sans incidence au regard de la faute qui lui est reprochée. Par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir que ce quatrième grief ne serait pas établi.
9. Il résulte de l'instruction que les quatre griefs susmentionnés, qui ne reposent pas sur des faits matériellement inexacts, suffisaient à justifier légalement la sanction d'exclusion temporaire de fonctions de quarante-cinq jours prise à l'encontre de M. E..., laquelle n'est pas, compte tenu des fonctions et des responsabilités de l'intéressé, disproportionnée. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres fautes qui lui sont reprochées, les préjudices matériel et moral dont M. E... entend se prévaloir ne peuvent être regardés comme étant la conséquence du vice de forme dont la sanction qui lui a été infligée est entachée.
10. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Villiers-sur-Marne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. E... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de M. E... le versement à la commune de Villiers-sur-Marne de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par cette dernière et non compris dans les dépens de la présente instance.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : M. E... versera à la commune de Villiers-sur-Marne une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E... et à la commune de
Villiers-sur-Marne.
Délibéré après l'audience du 30 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
- Mme A..., président,
- M. B..., premier conseiller,
- Mme Mach, premier conseiller.
Lu en audience publique le 13 novembre 2020.
Le rapporteur,
P. B...
Le président,
M. A... Le greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA02928