Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 24 août 2015, Mme C...A..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Melun du 24 mars 2015 ;
2°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étudiant, dans un délai de trente jours à compter de la notification du présent arrêt ;
3°) d'enjoindre au préfet, dans l'attente de cette délivrance, de lui accorder une autorisation provisoire de séjour sous quinzaine ;
4°) d'enjoindre au préfet, dans l'hypothèse où l'arrêté contesté ne serait annulé qu'en tant qu'il emporte obligation de quitter le territoire, qu'il lui accorde un délai de départ volontaire de trente jours, une autorisation provisoire de séjour sous huit jours et qu'il fixe le pays de destination ;
5°) de condamner l'Etat à verser à Me B...la somme de 1 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de son renoncement à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;
Elle soutient que :
- le refus de séjour n'est pas motivé dès lors qu'il ne vise pas l'accord franco-ivoirien et notamment son article 9 ;
- cette décision est entachée d'une erreur de droit dans la mesure où elle aurait du être prise sur le fondement de l'article 9 de l'accord franco-ivoirien et non en application de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la substitution de base légale à laquelle ont procédé les premiers juges est illégale dans la mesure où l'article 9 de l'accord franco-ivoirien et l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'offrent pas les mêmes garanties au demandeur ;
- cette décision est entachée d'une erreur d'appréciation dans la mesure où Mme A...justifie de la réalité et du sérieux des études de droit qu'elle poursuit depuis son arrivée en France en 2007 ;
- l'obligation de quitter le territoire est illégale puisqu'elle repose sur un refus de séjour qui l'est également ;
- la décision fixant un délai de départ volontaire à trente jours est illégale puisqu'elle ne résulte pas d'un examen particulier de la demande par le préfet ;
- elle est entachée d'une erreur de droit puisque le préfet s'est senti en situation de compétence liée pour fixer à trente jours le délai de départ volontaire ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation puisqu'en limitant à trente jours le délai pour quitter la France, le préfet empêche Mme A...de mener à bien sa préparation à l'examen d'entrée au centre régional de formation à la profession d'avocat.
La requête a été communiquée au préfet de Seine-et-Marne qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
MmeA... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 10 juillet 2015.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n° 95-436 du 14 avril 1995 portant publication de la convention entre le gouvernement de la République Française et le gouvernement de la République de Côte d'Ivoire relative à la circulation et au séjour des personnes signées à Abidjan le 21 septembre 1992 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme d'Argenlieu a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme C...A..., ressortissant ivoirienne née en 1984, entrée en France en 2007, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour obtenu en qualité d'étudiant ; que par un arrêté du 5 mars 2014, le préfet de Seine-et-Marne a refusé de faire droit à cette demande de renouvellement, lui a fait obligation de quitter le territoire sous trente jours et a fixé le pays de destination ; que par un jugement du 24 mars 2015, dont Mme A...relève appel, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la légalité du refus de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée comporte l'énoncé des éléments de droit et de fait qui la fondent ; que la circonstance qu'elle ne mentionne pas l'article 9 de la convention susvisée signée entre la France et la Côte d'Ivoire ne saurait caractériser une insuffisante motivation dès lors que le préfet n'a pas entendu faire application de ce texte pour justifier son refus ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 9 de la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Côte d'Ivoire du 21 septembre 1992 : " Les ressortissants de chacun des États contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation de niveau supérieur sur le territoire de l'autre État doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi, ou d'une attestation d'accueil de l'établissement où s'effectue le stage, ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants. / Les intéressés reçoivent un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite effective des études ou du stage et de la possession de moyens d'existence suffisants. / Ces dispositions ne font pas obstacle à la possibilité d'effectuer dans l'autre État d'autres types d'études ou de stages de formation dans les conditions prévues par la législation applicable. " ; qu'en outre, l'article 14 de la même convention stipule que : " Les points non traités par la convention en matière d'entrée et de séjour des étrangers sont régis par les législations respectives des deux États " ; d'autre part, qu'aux termes du I de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement (...) porte la mention "étudiant". " ;
4. Considérant que le droit au séjour des ressortissants ivoiriens en France en qualité d'étudiant est intégralement régi par les stipulations de l'article 9 de la convention signée entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Côte d'Ivoire le 21 septembre 1992 ; que, dès lors, compte tenu des stipulations de l'article 14 de la même convention, les dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas applicables à ces ressortissants désireux de poursuivre leurs études en France ; qu'il suit de là, que le refus de renouveler le titre de séjour de Mme A...ne pouvait trouver son fondement dans ces dispositions, mentionnées par l'arrêté contesté ; que, toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ; qu'une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur la substitution envisagée ;
5. Considérant que le pouvoir d'appréciation dont dispose l'autorité administrative en vertu des stipulations de l'article 9 de la convention franco-ivoirienne du 21 septembre 1992 est le même que celui dont elle dispose en application de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que les garanties dont sont assorties ces textes sont similaires ; que les parties ont été informées par lettre du 29 janvier 2015 de la substitution de base légale à laquelle le tribunal a procédé par le jugement attaqué ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont substitué les stipulations de l'article 9 de la convention franco-ivoirienne du 21 septembre 1992 aux dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour fonder le refus de renouvellement litigieux ;
6. Considérant, en troisième lieu, que, par l'arrêté attaqué du 5 mars 2014, le préfet de Seine-et-Marne a refusé à Mme A...le renouvellement de sa carte de séjour temporaire en qualité d'étudiante en se fondant sur l'absence de caractère réel et sérieux des études poursuivies par l'intéressée qui était inscrite pour la troisième année consécutive, en 2013-2014, à l'institut d'études judiciaires de Paris XI pour préparer l'examen d'entrée au centre régional de formation à la profession d'avocat (CRFPA) ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeA..., entrée en France le 10 novembre 2007 pour y poursuivre des études, a obtenu en 2009 un premier master de droit privé en deux ans, avec la mention passable ; qu'elle a obtenu un second master de droit privé en 2011, en deux ans également, toujours avec une mention passable ; que pour les années universitaires 2011/2012 et 2012/2013, elle a été inscrite à l'institut d'études judiciaires de Paris XI en vue de l'obtention de l'examen d'entrée au CRFPA ; qu'elle a été ajournée à deux reprises à cet examen ; qu'elle s'est inscrite une troisième fois à ce même institut d'études judiciaires pour l'année universitaire 2013/2014 ; que pour preuve du sérieux de son projet, elle produit une attestation d'inscription à une préparation privée à cet examen ; que, toutefois, l'intéressée qui n'a obtenu que deux diplômes de master 2 en sept ans, ne fait donc pas preuve d'une progression significative dans son cursus ; qu'en outre, elle n'a obtenu qu'une moyenne très basse à l'examen d'entrée au CRFPA, qui a encore diminué d'une année sur l'autre ; que si elle fait valoir que durant ces sept années, elle a effectué deux stages et qu'elle se prépare très sérieusement pour être en mesure de passer, pour la troisième et dernière fois, l'examen d'entrée au CRFPA, ces seuls éléments ne suffisent pas à infirmer l'appréciation portée par le préfet sur le caractère réel et sérieux des études poursuivies par MmeA... ; que, dans ces conditions, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant, à la date à laquelle il s'est prononcé, que les études poursuivies par Mme A...ne revêtaient pas un caractère réel et sérieux et en refusant, par suite, de renouveler sa carte de séjour temporaire en qualité d'étudiant ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire :
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de renouvellement de titre de séjour présenté à l'appui des conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté ;
Sur la légalité du délai de départ volontaire :
9. Considérant que Mme A...n'allègue pas s'être prévalue auprès de l'administration de circonstances nécessitant que, à titre exceptionnel, un délai supérieur à trente jours lui fut accordé ; qu'il ne ressort pas des pièces et notamment des termes de l'arrêté attaqué que le préfet se serait senti en situation de compétence liée ou se serait abstenu de procéder à l'examen personnel de la situation de Mme A...en assortissant l'obligation de quitter le territoire d'un délai de départ volontaire de trente jours ; qu'enfin, il résulte de ce qui a été dit au point 6 ; que Mme A...n'est pas fondée à soutenir qu'en fixant à trente jours le délai de départ volontaire, le préfet aurait entaché sa décision d'éloignement d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de MmeA... ;
10. Considérant qu'il résulte de tout de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 mars 2014 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 2 février 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 février 2016.
Le rapporteur,
L. d'ARGENLIEULe président,
B. EVEN Le greffier,
A-L CALVAIRE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA03389