Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 août 2017 et
17 octobre 2017, M. D...et MmeE..., représentés par MeB..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1619396/3-3 du
27 juin 2017 ;
2°) de faire droit à leur demande d'indemnisation en condamnant l'Etat à leur verser une somme de 28 832,62 euros, sauf à parfaire, outre les intérêts à compter de la réception par l'administration de leur demande préalable, eux-mêmes capitalisés ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors, d'une part, qu'il n'est pas établi que la minute du jugement dont il est relevé appel aurait été signée conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative et, d'autre part, qu'il est entaché d'une omission à statuer en ce que les premiers juges ne se sont pas prononcés sur les conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires eux-mêmes capitalisés ;
- l'illégalité de l'arrêté du 24 décembre 2014 est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
- cette illégalité est à l'origine d'un préjudice financier, commercial et moral s'élevant à la somme totale de 28 832,62 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 février 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail,
- le code de la santé publique,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme d'Argenlieu,
- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,
- et les observations de Me B...pour M. D...et MmeE....
Considérant ce qui suit :
1. M. D...et MmeE..., exploitent un bar-restaurant sous l'enseigne le
" Miz-Miz " dans le 11ème arrondissement de Paris. Par un arrêté du 24 décembre 2014 pris sur le fondement de l'article L. 3332-15 2° du code de la santé publique, le préfet de police a fermé cet établissement pour une durée de neuf jours. Par un jugement du 27 juin 2017 dont les requérants relèvent appel, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à leur verser une somme de 1 800 euros au titre des préjudices subis du fait de l'illégalité fautive dont serait entaché l'arrêté du 24 décembre 2014.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué comporte, conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier de l'audience. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement méconnaîtrait ces dispositions doit être écarté comme manquant en fait.
3. En second lieu, dans leur demande présentée devant le Tribunal administratif de Paris, M. D...et Mme E...ont sollicité la condamnation de l'Etat à leur verser les intérêts moratoires afférents aux indemnités réclamées à compter de la réception de leur demande préalable, ainsi que leur capitalisation. Les premiers juges ont omis de statuer sur ces conclusions. Le jugement doit, dès lors, dans cette mesure être annulé.
4. Il y a donc lieu d'évoquer et de se prononcer immédiatement sur la demande de M. D... et Mme E...tendant aux versements d'intérêts eux-mêmes capitalisés, et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions.
Sur la responsabilité de l'Etat :
En ce qui concerne la faute commise :
5. Par un jugement du 24 juin 2015 devenu définitif, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 24 décembre 2014 au motif que la réalité des faits ayant justifié la fermeture de l'établissement n'était pas établie et, qu'ainsi, le préfet de police avait entaché sa décision d'une erreur dans la qualification juridique des faits. Le préfet de police a donc commis une illégalité constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat. Cette responsabilité doit être engagée pour une période de sept jours, l'arrêté en litige ayant été suspendu par une ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Paris, à compter du 2 janvier 2015.
En ce qui concerne les préjudices subis :
6. En premier lieu, M. D...et Mme E...demandent la condamnation de l'Etat à indemniser le préjudice résultant de la perte d'exploitation subie pendant la fermeture de l'établissement. Il résulte de l'instruction et plus particulièrement du compte de résultat de l'exercice 2014 produit en première instance que sur une période d'activité de 11 mois et une semaine, le résultat d'exploitation s'élève à 2 402 euros soit, environ, 50 euros correspondant aux 7 jours de fermeture. Il résulte, par ailleurs, de l'instruction et notamment de la quittance de loyer allant du
1er juillet au 30 septembre 2014 et de la facture annuelle d'électricité, produites en première instance, que les charges de loyer et d'électricité peuvent être respectivement évaluées à 900 euros et à 50 euros sur la période concernée. Le montant des autres charges fixes, à savoir les cotisations Urssaf, les salaires et les achats de marchandises effectués à perte, n'étant pas établi. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de la perte d'exploitation subie, en l'espèce, en la fixant à la somme de 1 000 euros.
7. En second lieu, M. D...et Mme E...demandent également la condamnation de l'Etat à indemniser le préjudice commercial et le préjudice d'image résultant de la fermeture illégale de leur établissement, très favorablement noté par certains sites internet spécialisés. Il ressort des termes de l'article 3 de l'arrêté litigieux que la mesure est publique et doit être apposée sur la devanture de l'établissement durant toute la durée de la fermeture administrative de l'établissement. Par suite, cette fermeture doit être regardée comme ayant porté atteinte à la notoriété de l'établissement. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 1 000 euros.
8. Dans ces conditions, il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à demander que l'indemnité fixée par le jugement dont ils relèvent appel soit portée à la somme de 2 000 euros .
Sur les intérêts et leur capitalisation :
9. M. D...et Mme E...ont droit aux intérêts légaux afférents à la somme allouée par la Cour, à compter du 2 août 2016, date de réception de leur demande préalable par l'administration. Ces intérêts ouvrent droit à capitalisation à compter de la date à laquelle ils auront été dus pour au moins une année, soit le 2 août 2017.
Sur les frais de justice :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1619396/3-3 du 27 juin 2017 est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les intérêts légaux et leur capitalisation.
Article 2 : La somme que l'Etat a été condamné à verser à M. D...et Mme E...est portée à 2 000 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 2 août 2016. Ces intérêts seront capitalisés au 2 août 2017, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 3 : Le jugement du 27 juin 2017 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera M. D...et Mme E...la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D..., à Mme A...E..., au préfet de police et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 28 septembre, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, premier conseiller,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 octobre 2018.
Le rapporteur,
L. d'ARGENLIEULe président,
B. EVENLe greffier,
S. GASPARLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°17PA02930