Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 19 novembre 2016, MmeB..., représentée par
Me Bories, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1604379/6-1 du 8 juillet 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 18 février 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, subsidiairement, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans le même délai et de la munir dans cette attente d'une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Elle soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée, entachée d'un vice de procédure et d'une erreur manifeste d'appréciation et a été prise en méconnaissance des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée et viole les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2017, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 11 octobre 2016
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dellevedove,
- et les observations de Me Bories pour MmeB....
1. Considérant que MmeB..., ressortissante nigériane, née le 22 avril 1974, est entrée en France le 13 août 2005 sous couvert d'un visa de court séjour ; qu'elle a bénéficié, de 2006 à 2009, d'un titre de séjour en qualité de conjoint de français, dont le renouvellement a été refusé, par un arrêté du 25 juin 2009, en raison de la séparation des époux ; qu'elle a sollicité,
le 13 novembre 2015, la délivrance d'un nouveau titre de séjour sur le fondement de l'article
L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 18 février 2016, le préfet de police a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination ; que Mme B...relève appel du jugement du 8 juillet 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) " ;
3. Considérant que les pièces produites par Mme B...prises dans leur ensemble, qui sont composées essentiellement de documents émanant d'administrations publiques, notamment préfectorale et fiscale, de contrats de travail et de bulletins de paye, de relevés de comptes bancaires, d'attestations de dépôt de demande et d'attribution de l'aide médicale de l'Etat, de comptes rendus et de quittances d'analyses médicales ou d'hospitalisations, de feuilles de soin de médecin ou de pharmacie et d'ordonnances médicales accompagnées de la preuve des achats en pharmacie, lesquelles n'ont pu être établies qu'en présence de l'intéressée, ont une valeur probante suffisante pour démontrer la réalité de sa résidence habituelle en France pour chacune des dix années précédant la date de la décision contestée ; que la lettre du 22 septembre 2010, invoquée par le préfet, émanant de son employeur, prononçant le licenciement de Mme B...en raison de son absence depuis le mois de mars 2010, n'est, en l'espèce, pas de nature à atténuer la cohérence et la valeur probante de l'ensemble du dossier réuni par l'intéressée ; que, dès lors, en application des dispositions précitées, le préfet de police était tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de prendre l'arrêté contesté ; qu'il s'ensuit que l'arrêté litigieux a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière et doit, par suite, être annulé ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral litigieux du 18 février 2016 ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, un délai d'exécution " ; qu'aux termes de l'article de L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé " ;
6. Considérant qu'eu égard aux motifs du présent arrêt, l'annulation de l'arrêté contesté implique seulement qu'il soit enjoint à l'autorité administrative de saisir la commission du titre de séjour et de réexaminer le droit au séjour de Mme B...; que, dès lors, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative précité, il y a lieu d'enjoindre au préfet de police de procéder à cette saisine et à ce réexamen, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, et de délivrer à l'intéressée, pendant ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur l'application des dispositions des articles L.761-1 du code de justice administrative et 34 de la loi du 10 juillet 1991 :
7. Considérant que Mme B...bénéficie de l'aide juridictionnelle totale ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me Bories, conseil de MmeB..., sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1604379/6-1 du 8 juillet 2016 et l'arrêté du préfet de police du 18 février 2016 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de saisir la commission du titre de séjour et de statuer à nouveau sur la situation de Mme B...à l'issue de cette saisine, dans un délai maximum de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de délivrer à l'intéressée une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me Bories, avocat de MmeB..., une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., épouseC..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police de Paris.
Délibéré après l'audience du 21 février 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- M. Dellevedove, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 21 mars 2017.
Le rapporteur,
E. DELLEVEDOVELe président,
B. EVENLe greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA03355