Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 14 mai 2021, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- l'arrêté ne méconnait pas les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les autres moyens soulevés dans la demande de première instance ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à M. A... qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Mantz a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen né le 6 février 1987, entré en France au mois d'août 2017 selon ses déclarations, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 11 octobre 2019. Par un arrêté en date du 30 janvier 2020, le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Le préfet de police fait appel du jugement du 20 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.
Sur le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :
2. Aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 425-9 de ce code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
3. Pour annuler l'arrêté du 30 janvier 2020 par lequel le préfet de police a rejeté la demande de titre de séjour formée par M. A..., les premiers juges ont estimé, au vu notamment des certificats médicaux produits par l'intéressé, que la pathologie dont il souffrait nécessitait un traitement dont le défaut aurait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. A cet égard, il ressort des pièces du dossier que, par un avis du 8 janvier 2020, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a considéré que, si l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale, son défaut ne devrait pas, en revanche, entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Le requérant s'est prévalu en première instance de ce qu'il aurait été " profondément marqué " par les mauvais traitements subis en Guinée en raison de son orientation sexuelle et du décès de son compagnon survenu par noyade lors de son périple pour rejoindre l'Europe. Toutefois, les certificats qu'il a produits du docteur N., généraliste, des 21 février 2020 et 5 mars 2021, faisant état d'un " syndrome de stress post-traumatique très envahissant secondaire à des violences subies dans son pays " et de " symptômes caractéristiques d'un syndrome dépressif majeur ", ainsi que ceux du docteur M., psychiatre, en date des 19 mars 2020 et 5 mars 2021, aux termes desquels le requérant serait menacé de mort par son père adoptif et souffre d'un état de stress post-traumatique, sont insuffisamment circonstanciés pour permettre de regarder comme établis les sévices et traumatismes que l'intéressé allègue, alors que sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'OFPRA du 25 janvier 2019, confirmée par la CNDA le 29 août 2019, ni au demeurant, à les supposer établis, de les regarder comme étant survenus en Guinée. Par suite, ces certificats, du reste tous établis postérieurement à la décision attaquée, ne peuvent à eux seuls remettre en cause l'avis du collège de médecins précité, non plus d'ailleurs, pour les mêmes motifs, que l'attestation établie par Mme P., psycho-praticienne, le 21 février 2021, faisant état de ce que M. A... " présente une grande fragilité psychologique, en lien avec les traumatismes vécus dans son pays d'origine ", et celle de la présidente de l'association ARDHIS (Association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles et trans à l'immigration et au séjour) en date du 23 novembre 2019. En outre, s'il ressort des certificats susmentionnés que l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale combinant un traitement médicamenteux à base de Paroxétine Biogaran à raison de 40 mg par jour et d'Hydroxyzine Arrow 25mg, avec un suivi régulier dans un service psychiatrique, le préfet de police justifie de la disponibilité en République de Guinée, tant de traitements médicamenteux de substitution, comme la Fluoxétine et le Diazépam, possédant des substances équivalentes, que de structures médicales permettant la prise en charge et le suivi psychologiques de l'intéressé. A cet égard, si M. A... invoque des difficultés d'accès aux soins en Guinée, la seule production d'un rapport de l'International Médical Corps, publié en décembre 2015 faisant état, en des termes généraux, d'une carence du système de santé en Guinée, ainsi que d'un extrait de la liste nationale des médicaments essentiels établie par le ministère de la santé et de l'hygiène publique en 2012, au demeurant peu récente et incomplète, ne permet pas de l'établir, alors que M. A... ne produit en tout état de cause aucun élément relatif à sa situation personnelle et qu'ainsi qu'il a été dit, le traitement dont il bénéfice en France est disponible sous forme générique en République de Guinée. Par suite et à supposer même que l'état de santé de M. A... doive être regardé comme nécessitant une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pourrait, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Guinée, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Dès lors, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté attaqué, le tribunal s'est fondé sur la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur.
4. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.
Sur les autres moyens invoqués par M. A... :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
5. En premier lieu, par un arrêté n° 2019-00999 du 31 décembre 2019, régulièrement publié au bulletin officiel de la ville de Paris du 7 janvier 2020, le préfet de police a donné délégation à Mme C... B..., cheffe du 9ème bureau à la sous-direction de l'administration des étrangers à la direction de la police générale à la préfecture de police, pour signer tous actes, arrêtés et décisions dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi qu'elles n'étaient pas absentes ou empêchées. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté contesté manque en fait.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code, alors en vigueur : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...). Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...)". Et aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 visé ci-dessus : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : (...) / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
7. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le préfet de police a produit l'avis du 8 janvier 2020 du collège de médecins de l'OFII, composé de trois médecins désignés par le directeur général de l'OFII par décision du 18 novembre 2019 régulièrement publiée. Le collège a émis son avis au vu du rapport médical établi par un médecin qui ne siégeait pas en son sein. En outre, il ressort de l'examen de cet avis, qui s'est prononcé sur la demande de M. A..., qu'il porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) émet l'avis suivant " et est en outre revêtu des signatures des trois médecins précités. Cette mention du caractère collégial de l'avis fait foi jusqu'à preuve du contraire, laquelle n'est pas rapportée. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse serait entachée d'un vice de procédure en l'absence d'avis du collège des médecins de l'OFII et du fait de l'absence de collégialité de la délibération de ce collège doit être écarté.
8. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, il ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du même code, alors en vigueur, sur le fondement desquelles il n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. Enfin, M. A... invoque les dispositions et stipulations qui précèdent, en se prévalant de son insertion en France et des liens personnels qu'il y a tissés. Il produit notamment plusieurs attestations établies par son entourage faisant état des liens d'amitié noués par lui ainsi que diverses attestations évoquant son investissement en tant que bénévole dans différentes associations telles que l'association de la Paroisse Saint-Bernard-de-la-Chapelle, l'ARDHIS ou l'association Emmaüs. Il verse également un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) en cuisine daté du 5 juillet 2019 et un certificat de formation numérique. Toutefois, si ces éléments révèlent la volonté certaine d'intégration du requérant, ils ne permettent de justifier ni de liens d'une particulière intensité ni d'une véritable insertion professionnelle, alors en outre qu'il soutient sans l'établir vivre en couple avec M. K. Enfin, l'intéressé, qui est célibataire sans charges de famille en France, n'établit pas être isolé dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de trente ans et où résident notamment ses parents ainsi que ses frères et sœurs. Par suite, le préfet de police n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni n'a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, il résulte des motifs qui précèdent que M. A... n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.
12. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 5 à 7, M. A... n'est pas fondé à invoquer les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte et du vice de procédure au regard de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur ;
13. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que M. A... n'établit pas entrer dans le champ d'application des dispositions qui précèdent. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
14. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 10, la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
15. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
16. M. A... soutient qu'il encourt des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine eu égard à son état de santé, faute de traitement approprié à sa pathologie, et à son orientation sexuelle. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le requérant n'établit pas que son état de santé s'opposerait à son renvoi dans son pays d'origine. En outre, l'intéressé, dont la demande d'asile a fait l'objet de deux décisions de rejet successives par l'OFPRA et la CNDA ne justifie pas qu'il serait personnellement exposé à des menaces en cas de retour en Guinée par la seule production d'une attestation de l'association ARDHIS. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues.
17. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 30 janvier 2020. Dès lors, il y a lieu d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2103176/3-1 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 22 avril 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, présidente,
- M. Mantz, premier conseiller,
- Mme Portes, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 mars 2022.
Le rapporteur,
P. MANTZLa présidente
M. HEERS
La greffière,
V. BREME
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA02667