Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 janvier 2020 et un mémoire en réplique enregistré le
27 août 2020, Mme F... représentée par Me A... demande à la Cour :
- d'annuler le jugement du 6 novembre 2019 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a limité la condamnation de l'Etat à la somme de 8 000 euros et au montant net de la somme brute de 23 733,36 euros pour l'indemnisation de ses préjudices ;
- de condamner l'Etat à lui verser la somme de 215 000 euros, sauf à parfaire en réparation de ses préjudices, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa demande préalable et capitalisation des intérêts à compter de la date anniversaire de cet évènement et à chacune des échéances annuelles successives postérieures ;
- de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'un défaut de visa et de réponse à sa demande de réparation de son préjudice financier qui n'a été analysée que sous l'angle de la perte de chance d'obtenir une promotion au grade d'attaché d'administration hors classe ;
- son comportement n'était pas de nature à exonérer l'Etat de sa responsabilité ; contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la circonstance qu'elle n'ait pas relancé le ministère de la culture dans l'objectif d'une affectation entre 2003 et 2011 ne saurait exonérer l'Etat d'une partie de sa responsabilité dès lors qu'elle avait entrepris de nombreuses démarches qui ont toutes été rejetées ; les deux propositions de postes étaient dépourvues de sérieux ; le ministère de la culture a refusé de l'affecter aux postes vacants auxquels elle a candidaté ; subsidiairement la part de responsabilité de l'Etat devra être rehaussée ;
- le déroulement de sa carrière l'aurait conduite au 9ème échelon du grade d'attachée principale en 2004 et elle a été privée d'une chance sérieuse d'obtenir une promotion au grade d'attaché d'administration hors classe à compter du 2 octobre 2013 eu égard à sa manière de servir et de ses capacités professionnelles ; cette perte de gain sur 15 ans représente au moins 20 000 euros ;
- le préjudice de carrière du fait de la privation d'accès à des postes de direction, avec les honneurs et avantages qui s'y attachent, devra être indemnisé à hauteur de 15 000 euros ;
- si les premiers juges ont reconnu que le calcul de sa pension de retraite aurait dû intégrer l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires (IFTS) dont elle a été privée sur le fondement de l'article 2 du décret du 18 juin 2004 relatif à la retraite additionnelle de la fonction publique, ils n'en ont pas tiré les conséquences ; sa perte de chance d'obtenir une pension de retraite plus élevée devra donc être indemnisée à hauteur de 100 000 euros ;
- compte tenu de l'absence d'exonération de l'Etat d'une partie de sa responsabilité, elle devra percevoir l'intégralité de l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires (IFTS), soit 47 466,71 euros bruts ;
- elle a vécu comme une profonde humiliation son maintien sans aucune affectation pendant 15 ans ; elle a enduré un préjudice d'anxiété lié à sa crainte de ne jamais retrouver d'affectation ; l'arrêté infâmant du 28 novembre 1997 prononçant sa décharge des fonctions de conservateur régional des monuments historiques qui demeure publié et accessible sur le site internet Légifrance, a jeté un trouble sur son honorabilité et lui a nui dans le cadre de ses recherches d'emploi ; les suites médicales marquées par un état dépressif chronique et un risque suicidaire doivent être indemnisées ; le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence doivent être indemnisés par une somme de 30 000 euros ;
Par un mémoire en défense et d'appel incident enregistré le 14 mai 2020, le ministre de la culture conclut à l'annulation du jugement attaqué et à titre principal au rejet des conclusions de Mme F... relatives au préjudice moral et aux troubles dans les conditions d'existence et à une majoration de l'exonération de la responsabilité de l'Etat quant aux préjudices financiers, subsidiairement, à une majoration de l'exonération de la responsabilité de l'Etat sur l'ensemble des préjudices retenus, à titre infiniment subsidiaire, à une majoration de l'exonération de la responsabilité de l'Etat quant au préjudice moral et aux troubles dans les conditions d'existence ;
Il soutient que :
- la requête est tardive ;
- le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation de l'indemnisation retenue par le tribunal du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence de Mme F... qui étaient insuffisamment caractérisés pour permettre une telle indemnisation ;
- compte tenu en particulier de la durée de plus de huit ans pendant laquelle Mme F... n'a entrepris aucune démarche aux fins de retrouver un emploi, l'Etat doit être exonéré de sa responsabilité à hauteur d'au moins 70% du préjudice indemnisable tant financier que moral ;
- la promotion au grade d'attaché d'administration hors classe n'est pas de droit et la perte de chance à ce titre n'est pas établie ;
- le préjudice de carrière allégué ne peut être retenu dès lors que le corps interministériel des attachés d'administration de l'Etat ne comprend pas de missions de direction ;
- le montant de l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires (IFTS) ne pouvait être intégré à la liquidation de sa pension civile de retraite ;
- le préjudice d'atteinte à sa réputation, allégué par la requérante et qui résulterait de la publication sur le site Légifrance de l'arrêté du 28 novembre 1997 prononçant sa décharge des fonctions de conservateur régional des monuments historiques qu'elle n'a pas contesté, n'est pas établi ;
- le lien entre la profonde dépression qu'elle allègue et le comportement fautif de l'administration n'est pas établi par les certificats médicaux produits ; dans un avis du
16 avril 2002, le comité médical supérieur a estimé que les faits qui lui étaient soumis n'étaient pas imputables au service ; la dépression dont souffre Mme F... était préexistante et sans lien avec son absence d'affectation ; le quantum de la condamnation retenu par le tribunal au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence est excessif.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n°2004-569 du 18 juin 2004 relatif à la retraite additionnelle de la fonction publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public ;
- les observations de Me A... pour Mme F....
Considérant ce qui suit :
1. Mme F..., attachée principale des services déconcentrés du ministère de la culture et de la communication, a été détachée en 1990 dans l'emploi de conservateur régional des monuments historiques de Franche-Comté. Par un arrêté en date du 28 novembre 1997, le ministre de la culture et de la communication lui a retiré son emploi fonctionnel dans l'intérêt du service et par un second arrêté du même jour, a prononcé la suspension de l'intéressée, laquelle était simultanément avertie de l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre. Par un arrêté en date du 27 mars 1998, le ministre lui a infligé une sanction de déplacement d'office. Par un jugement du 28 décembre 2000, le Tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté du 28 novembre 1997 prononçant la suspension de Mme F... et l'arrêté du 27 mars 1998 lui infligeant la sanction du déplacement d'office et rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 28 novembre 1997 lui retirant son emploi fonctionnel dans l'intérêt du service. Elle a été placée en congé de longue maladie, non reconnu imputable au service, puis placée, par arrêté du 3 juillet 2001, en instance d'affectation à la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) de Franche-Comté et, par arrêté du 7 juin 2011, en instance d'affectation au secrétariat général du ministère de la culture avant d'être admise à faire valoir ses droits à la retraite le 25 décembre 2016. Elle a présenté une demande au ministre de la culture, reçue le 25 octobre 2017, tendant au versement d'une somme de 240 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de son absence d'affectation sur un poste. Par le jugement du 6 novembre 2019, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à Mme F... la somme de 8 000 euros ainsi que le montant net de la somme brute de 23 733,36 euros, sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du 25 octobre 2017 et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation de ses préjudices. Elle relève appel de ce jugement en tant qu'il a limité le montant de ses indemnisations. Le ministre de la culture a présenté des conclusions incidentes tendant à titre principal à l'annulation du jugement attaqué et au rejet de la demande de Mme F... et, à titre subsidiaire, à la diminution de sa part de responsabilité et du montant des indemnisations retenues par le tribunal.
Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête :
2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R.751-3 et R.751-4 (...) " et aux termes de l'article R. 751-3 du même code : " Sauf disposition contraire, les décisions sont notifiées le même jour à toutes les parties en cause et adressées à leur domicile réel, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier qu'il n'est pas possible de déterminer la date à laquelle le jugement attaqué a été notifié à Mme F..., dès lors que si l'accusé de réception du pli contenant le jugement, retourné le 16 novembre 2019 au greffe du tribunal, a bien été signé par son destinataire, il ne comporte aucune date de présentation. Par suite, en l'absence de date certaine de notification du jugement attaqué, le point de départ du délai d'appel ne peut être déterminé et la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête doit être écartée.
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. Mme F... soutient, d'une part, que le jugement attaqué est entaché d'un défaut de visa et de réponse à sa demande de réparation de son préjudice financier qui n'a été analysée que sous l'angle de la perte de chance d'obtenir une promotion au grade d'attachée d'administration hors classe. Il ressort toutefois du jugement attaqué que ses visas comportent les mentions suivantes d'une part : " - elle a subi un préjudice financier lié à l'absence d'augmentation de sa rémunération au cours de sa période d'instance d'affectation évalué à 17 280 euros ; " et d'autre part : " - elle a subi une perte sérieuse de bénéficier de l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires évaluée à 75 000 euros ; " et que le tribunal a répondu aux points 6 à 12 de façon circonstanciée à l'argumentation de la requérante sur ses perspectives de carrière et sur la prise en compte de l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires, justifiant à ses yeux l'indemnisation de préjudices financiers.
5. Le ministre de la culture soutient, d'autre part, que le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation de l'indemnisation retenue par le tribunal au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis par Mme F.... Toutefois, en retenant une somme globale et forfaitaire de 16 000 euros, comme il pouvait le faire au titre de ces préjudices, le tribunal a implicitement mais nécessairement répondu aux objections du ministre relatives aux preuves apportées par la requérante pour justifier de son état de santé et d'une atteinte à sa réputation, dès lors qu'il n'a retenu ni l'existence d'un préjudice médical, ni celle d'un préjudice de réputation. Par suite, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'une insuffisance de motivation.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Sur la responsabilité de l'Etat :
6. Sous réserve de dispositions statutaires particulières, tout fonctionnaire en activité tient de son statut le droit de recevoir, dans un délai raisonnable, une affection correspondant à son grade. En maintenant Mme F... sans affectation effective pendant la période du
1er juillet 2001 au 25 décembre 2016, date à laquelle elle a été admise à faire valoir ses droits à la retraite, le ministre de la culture et de la communication a méconnu cette règle. Cette illégalité a constitué une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat. Par suite, Mme F... est en droit d'obtenir réparation du préjudice direct et certain qui a pu en résulter pour elle.
7. Toutefois, il incombait à Mme F..., eu égard à son niveau dans la hiérarchie administrative et à la durée de la période durant laquelle elle a perçu un traitement sans exercer aucune fonction, d'entreprendre les démarches nécessaires et réitérées en vue de recevoir une affectation. Il résulte de l'instruction que Mme F... a, par courrier du 20 août 2001 adressé au directeur régional des affaires culturelles de Franche-Comté, suggéré la réalisation d'un projet en vue de célébrer le tricentenaire de la ville de Saint-Pétersbourg puis, par lettre du
27 octobre 2002, a proposé sa candidature au poste de conservateur régional des monuments historiques de Franche-Comté. A compter de 2011, Mme F... a régulièrement sollicité le ministère en vue d'obtenir un poste et a proposé à plusieurs reprises sa candidature qui n'a néanmoins pas été retenue. En revanche, si Mme F... s'est rendue à deux entretiens les
6 novembre 2008 et 31 mars 2011 proposés par le service des ressources humaines du ministère de la culture pour évoquer sa situation, elle ne justifie d'aucune démarche entre 2003 et 2011, soit pendant une période de huit ans et a refusé deux propositions d'affectation présentées par l'administration par courrier en date du 7 février 2012, l'un au moins de ces deux postes correspondant à son grade et à ses compétences. Dans ces conditions, c'est à juste titre que le tribunal a considéré que le comportement de Mme F... était de nature à exonérer l'Etat de la moitié de sa responsabilité. Le délai raisonnable dont disposait l'administration pour proposer à l'intéressée une nouvelle affectation pouvant être fixé à une année, la responsabilité de l'Etat s'étend à compter d'un an suivant la date du premier arrêté plaçant Mme F... en instance d'affectation à la DRAC de Franche-Comté jusqu'à la veille de sa radiation des cadres de l'administration et son placement à la retraite, soit du 3 juillet 2002 au 24 décembre 2015, soit pendant une période de 13 ans, 5 mois et 21 jours.
Sur les préjudices :
8. En premier lieu, il résulte de l'instruction que si le traitement de Mme F... a été maintenu, elle a été privée d'indemnités à compter du 1er janvier 2012 par décision du 26 décembre 2011 du ministère de la culture. Si elle a ainsi droit en principe à une indemnité calculée en tenant compte de la différence entre les sommes qu'elle a perçues et la rémunération qui aurait été la sienne si elle avait reçu une affectation correspondant à son grade, elle ne peut, en revanche, prétendre à être indemnisée au titre de rémunérations ou d'indemnités liées à l'exercice effectif de fonctions. Elle peut dès lors prétendre pour la période en cause au bénéfice de l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires qui n'est pas lié à l'exercice effectif de ces fonctions. Il y a lieu de retenir comme base de calcul pour l'évaluation de ce préjudice la somme trimestrielle de 7 558 francs bruts, correspondant à l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires perçue par Mme F... en décembre 1997, soit 1 152 euros pour le trimestre et 384 euros bruts mensuels, de fixer en conséquence l'indemnisation de ce préjudice à la somme totale de 62 207 euros bruts pour la période de 13 ans, 5 mois et 21 jours, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 31 104 euros bruts après application du partage de responsabilité retenu au point 7. Il y a lieu de renvoyer à l'administration le calcul de la somme nette due à Mme F... à ce titre.
9. En deuxième lieu, Mme F... soutient qu'ayant atteint le 6ème échelon de son grade d'attaché principale en septembre 1996 et le plafond de ce grade en septembre 2004, elle a été privée, eu égard à sa manière de servir et à ses capacités professionnelles, d'une chance sérieuse d'obtenir une promotion au grade d'attaché d'administration hors classe à compter du
2 octobre 2013 et que cette perte de gain représente au moins 20 000 euros. Toutefois et alors qu'elle estimait ce chef de préjudice à la somme de 17 280 euros sur une période de 15 ans en première instance, elle n'établit pas par la seule production de courriers d'élus et d'autorités administratives datant de la seule année 1998 témoignant de la qualité de son travail, l'existence d'une chance sérieuse d'être promue au grade d'attaché d'administration hors classe au cours de la période du 2 octobre 2013 au 25 décembre 2016. Il y a lieu d'écarter la demande présentée par Mme F... pour ce chef de préjudice.
10. En troisième lieu, Mme F... n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait subi un préjudice de carrière du fait de la privation d'accès à des postes de direction, " avec les honneurs et avantages qui s'y attachent, décorations, logement et voiture de fonction ", devant être indemnisé à hauteur de 15 000 euros dès lors qu'elle n'établit par aucune pièce du dossier qu'elle aurait eu des chances sérieuses d'accéder à un poste de direction au sein de l'administration centrale du ministère de la culture ou des services déconcentrés qui lui sont rattachés, ainsi qu'au centre des monuments historiques. Il y a également lieu d'écarter la demande présentée par Mme F... pour ce chef de préjudice.
11. En quatrième lieu, Mme F... soutient que si les premiers juges ont reconnu que le calcul de sa pension de retraite aurait dû intégrer, sur le fondement de l'article 2 du décret du 18 juin 2004 relatif à la retraite additionnelle de la fonction publique, l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires (IFTS) dont elle a été privée, ils n'en ont pas tiré les conséquences et que sa perte de chance d'obtenir une pension de retraite plus élevée devra être indemnisée à hauteur de 100 000 euros. Si le ministre de la culture fait en effet valoir que l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires est prise en compte au titre de la retraite additionnelle de la fonction publique dans la limite de 20%, il y a lieu, compte tenu de l'absence de tout élément au dossier permettant le calcul du préjudice de la requérante, de renvoyer à l'administration le soin de communiquer à la caisse de retraite de cette dernière les éléments pour le calcul de ses droits à la retraite additionnelle intégrant le montant de l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires tel que calculé au point 8.
12. En cinquième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 9 que Mme F... n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait perçu une pension de retraite plus importante que celle qu'elle perçoit compte tenu de ses chances sérieuses de promotion au grade d'attachée d'administration hors classe.
13. Enfin, Mme F... soutient qu'elle a vécu comme une profonde humiliation son maintien sans aucune affectation pendant 15 ans, qu'elle a enduré un préjudice d'anxiété lié à sa crainte de ne jamais retrouver d'affectation, que l'arrêté du 28 novembre 1997 prononçant sa décharge des fonctions de conservateur régional des monuments historiques toujours accessible sur le site internet Légifrance, a jeté un trouble sur son honorabilité et lui a nui dans le cadre de ses recherches d'emploi, qu'enfin, elle établit par les attestations médicales qu'elle produit son état dépressif chronique et un risque suicidaire en lien avec la faute commise par l'administration. Si Mme F... n'établit pas l'existence d'une faute de la part de l'administration du fait de la publication sur le site Légifrance d'un arrêté dont la légalité a été confirmée par la juridiction administrative, elle apporte les preuves des conséquences psychologiques négatives de son maintien sans aucune affectation pendant 15 ans. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, eu égard à la durée de la faute commise par l'administration et des répercussions directes subies par Mme F..., de porter l'indemnisation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence de cette dernière à la somme de 20 000 euros. Compte tenu du partage de responsabilité retenu au point 7, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 10 000 euros et de réformer le jugement attaqué sur ce point.
14. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de condamner l'Etat à verser à Mme F... la somme de 10 000 euros ainsi que le montant net de la somme brute de 31 104 euros. La pension de retraite additionnelle de Mme F... intègrera le montant brut de 31 104 euros, correspondant à l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires perçue pour la période du 3 juillet 2002 au 24 décembre 2015, dans les conditions réglementaires qu'il reviendra à l'administration de calculer.
Sur les intérêts et la capitalisation :
15. Les sommes mentionnées au point 14 du présent arrêt porteront intérêt au taux légal à compter du 25 octobre 2017, date de réception de la demande d'indemnisation de Mme F... par le ministre de la culture. Ces intérêts porteront eux-mêmes intérêts à compter du 25 octobre 2018, ainsi qu'à chaque échéance annuelle de cette date.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, la somme de 1 500 euros à verser à Mme F... en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : L'Etat est condamné à verser à Mme F... la somme de 10 000 euros ainsi que le montant net de la somme brute de 31 104 euros, qu'il reviendra à l'administration de calculer. Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du
25 octobre 2017. Les intérêts seront capitalisés à la date du 25 octobre 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : La pension de retraite additionnelle de Mme F... intègrera le montant brut de 31 104 euros, correspondant à l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires perçue pour la période du 3 juillet 2002 au 25 décembre 2015, dans les conditions réglementaires qu'il reviendra à l'administration de calculer.
Article 3 : Le jugement n° 1801462 du 6 novembre 2019 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Mme F... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme F... et les conclusions incidentes du ministre de la culture sont rejetés.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... F... et à la ministre de la culture.
Délibéré après l'audience du 11 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme B..., président,
- Mme C..., président assesseur,
- Mme Mach, premier conseiller.
Lu en audience publique le 25 septembre 2020.
La rapporteure,
M. C...Le président,
M. B...Le greffier,
A. BENZERGUA
La République mande et ordonne au ministre à la culture en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à 1'exécution du présent jugement.
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N° 20PA00095