Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 février 2017, la société Fontenay Invest et la société Arthur Wilson, représentées par MeC..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Melun nos 1404675-1500138 du
9 décembre 2016 ;
2°) d'annuler la délibération du conseil municipal de la commune de Fontenay-Tresigny du 14 mars 2014 dénonçant la promesse de vente conclue le 4 mars 2013 ;
3°) de condamner la commune de Fontenay-Tresigny à leur verser la somme de
1 679 331,98 euros ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Fontenay-Tresigny le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la délibération du conseil municipal de la commune de Fontenay-Tresigny du 14 mars 2014 dénonçant la promesse de vente conclue le 4 mars 2013 est entachée de détournement de pouvoir dès lors qu'elle a eu pour but de permettre la vente à la société Scadif ;
- la commune a engagé sa responsabilité à l'égard des deux sociétés, en n'ayant pas respecté les clauses de la promesse de vente relatives au versement de l'indemnité d'immobilisation et à la purge des recours visant le plan local d'urbanisme ;
- elle a également engagé sa responsabilité pour défaut de loyauté dans les relations contractuelles ;
- elles ont subi, du fait de la non réalisation de la vente, un préjudice financier à hauteur de la somme totale de 1 679 331,98 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2017, la commune de Fontenay-Tresigny, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement la somme de 5 000 euros soit mis à la charge des requérantes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le litige relève de la compétence du seul juge administratif ;
- la société Arthur Wilson ne justifie d'aucun intérêt à agir compte tenu de la subrogation dans ses droits de la société Fontenay Invest ;
- les autres moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, le 20 novembre 2018, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'incompétence du juge administratif pour statuer sur les conclusions indemnitaires des requérantes.
Par un mémoire enregistré le 5 décembre 2018, la commune de Fontenay-Tresigny a répondu à cette communication.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hamon,
- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,
- les observations de Me A...pour les sociétés Fontenay Invest et Arthur Wilson,
- et les observations de Me B...pour la commune de Fontenay-Trésigny.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Fontenay-Trésigny (Val-de-Marne) a signé le 4 mars 2013 une promesse de vente, valable jusqu'au 27 décembre 2013, au profit de la société Arthur Wilson, à laquelle s'est ensuite substituée la société Fontenay Invest, portant sur deux parcelles de terrains nus contigües dans la perspective de la construction d'un ensemble immobilier. Par une première délibération du 16 décembre 2013, le conseil municipal de la commune a décidé de dénoncer cette promesse. Le Tribunal administratif de Melun ayant suspendu l'exécution de cette délibération par une ordonnance du 20 février 2014, le conseil municipal a, par une seconde délibération du
14 mars 2014, retiré la première délibération, mais a de nouveau dénoncé la promesse de vente du
4 mars 2013. Les sociétés Fontenay Invest et Arthur Wilson font appel du jugement du
9 décembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leurs demandes tendant, d'une part, à l'annulation de cette dernière délibération et, d'autre part, à la condamnation de la commune à les indemniser des préjudices résultant de la non réalisation de la vente à leur profit.
Sans qu'il soit besoin de statuer sur l'intérêt à agir de la société Arthur Wilson :
2. La contestation par une personne privée de l'acte, délibération ou décision du maire, par lequel une commune ou son représentant, gestionnaire du domaine privé, initie avec cette personne, conduit ou termine une relation contractuelle, quelle qu'en soit la forme, dont l'objet est la valorisation ou la protection de ce domaine et qui n'affecte ni son périmètre ni sa consistance, ne met en cause que des rapports de droit privé et relève, à ce titre, de la compétence du juge judiciaire.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
3. Aux termes de l'article L. 3211-14 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics cèdent leurs immeubles ou leurs droits réels immobiliers, dans les conditions fixées par le code général des collectivités territoriales. ". L'article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales dispose que : " Le conseil municipal délibère sur la gestion des biens et les opérations immobilières effectuées par la commune, sous réserve, s'il s'agit de biens appartenant à une section de commune, des dispositions des articles L. 2411-1 à L. 2411-19. (...)Toute cession d'immeubles ou de droits réels immobiliers par une commune de plus de 2 000 habitants donne lieu à délibération motivée du conseil municipal portant sur les conditions de la vente et ses caractéristiques essentielles. Le conseil municipal délibère au vu de l'avis de l'autorité compétente de l'Etat. Cet avis est réputé donné à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la saisine de cette autorité. ".
4. En premier lieu, la délibération du 14 mars 2014 portant renonciation à une promesse de vente de deux parcelles du domaine privé de la commune affecte le périmètre de ce domaine. Par suite, la contestation de sa légalité relève de la compétence du juge administratif.
5. En second lieu, pour soutenir que la délibération du 14 mars 2014 serait entachée de détournement de pouvoir, les requérantes font valoir que la promesse de vente consentie à leur profit par la commune a été dénoncée dans le but de permettre la vente des mêmes parcelles immobilières à la société Scadif, avec laquelle la commune était entrée en pourparlers pendant la durée de validité de cette promesse. A les supposer établis, ces faits ne sont pas de nature à établir que le conseil municipal aurait fait usage de ses pouvoirs, par cette délibération, qui ne désigne au demeurant aucun nouveau bénéficiaire pour la signature d'une nouvelle promesse de vente, dans un but autre que celui pour lequel les dispositions précitées des codes généraux de la propriété des personnes publiques et des collectivités territoriales lui ont conféré ces pouvoirs. Par suite, le moyen tiré de l'existence d'un détournement de pouvoir ne peut qu'être écarté.
Sur les conclusions indemnitaires :
6. A l'appui de leurs conclusions indemnitaires, les requérantes se bornent à invoquer le non respect par la commune de deux clauses de la promesse de vente à laquelle elles sont partie, à savoir celle relative aux modalités de versement de l'indemnité d'immobilisation et celle relative à la purge de tout recours dirigé contre le plan local d'urbanisme applicable aux terrains, ainsi qu'un défaut de loyauté de la commune dans leurs relations contractuelles compte tenu des pourparlers entrepris avec une société tierce. A les supposer établies, en l'absence de toute clause exorbitante ces fautes ne sont pas détachables de la conduite des relations contractuelles de droit privé entre les requérantes et la commune. En conséquence, ces conclusions indemnitaires doivent être regardées comme ayant été portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
7. Dès lors il y a lieu d'annuler le jugement en tant qu'il a statué sur ces conclusions et, par la voie de l'évocation, de rejeter cette demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
8. Il résulte de tout ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leurs demandes.
Sur les conclusions présentées au titre des frais de justice :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Fontenay-Trésigny qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que les requérantes demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Fontenay Invest et de la société Arthur Wilson, chacune, une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Fontenay-Trésigny sur le fondement des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Melun nos 1404675-1500138 du
9 décembre 2016 est annulé en tant qu'il a statué sur la requête n° 1500138 des sociétés Fontenay Invest et Arthur Wilson.
Article 2 : La demande indemnitaire présentée par les sociétés Fontenay Invest et Arthur Wilson devant le Tribunal administratif de Melun, ainsi que leurs conclusions présentées en appel sont rejetées.
Article 3 : La société Fontenay Invest versera à la commune de Fontenay-Trésigny une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La société Arthur Wilson versera à la commune de Fontenay-Trésigny une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Fontenay Invest, à la société Arthur Wilson et à la commune de Fontenay-Trésigny.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 janvier 2019.
Le rapporteur,
P. HAMONLe président,
B. EVENLe greffier,
S. GASPARLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA00754