Par un arrêt n° 15PA02765 du 27 septembre 2016, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement.
Par une décision nos 405420 et 405462 du 22 octobre 2018, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté pour la société Financière Lucia, annulé l'arrêt susvisé du 27 septembre 2016 et renvoyé l'affaire devant la Cour.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 15 juillet 2015, le 4 février 2016, le 30 septembre 2016, 30 novembre 2018 et le 12 février 2019, la société Finamagri venant aux droits de la société Financière Lucia, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1410551 du Tribunal administratif de Paris en date du 12 mai 2015 ;
2°) d'ordonner la restitution, à son profit, de la somme de 141 096 euros, majorée des intérêts moratoires dus à compter du 11 octobre 2010, correspondant au crédit d'impôt recherche dont elle s'estime titulaire au titre de l'exercice clos le 30 juin 2010 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
- le refus de restitution du crédit d'impôt recherche est mal fondé, dès lors qu'elle a formulé sa demande de remboursement dès le 11 octobre 2010 et non pas en novembre 2013, de sorte que sa demande n'était pas tardive ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que lui incombait la charge de la preuve de la souscription de la déclaration spéciale n° 2069 A, le régime de la preuve objective étant applicable ;
- à la réception du relevé de solde d'impôt sur les sociétés, l'administration aurait dû l'inviter à régulariser sa déclaration n° 2069 A qui était annoncée en annexe ;
- elle a droit aux intérêts moratoires à compter du 11 octobre 2010.
Par des mémoires enregistrés les 3 décembre 2015, 5 septembre 2016, 23 novembre 2018 et le 7 février 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Doré,
- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., pour la société requérante.
Une note en délibéré, enregistrée le 17 mai 2019, a été présentée pour la société requérante.
Considérant ce qui suit :
Sur la demande de crédit d'impôt pour dépenses de recherche :
1. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt (...) ". Aux termes de l'article 199 ter B de ce code, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- Le crédit d'impôt pour dépenses de recherche défini à l'article 244 quater B est imputé sur l'impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l'année au cours de laquelle les dépenses de recherche prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt ont été exposées. L'excédent de crédit d'impôt constitue au profit de l'entreprise une créance sur l'Etat d'égal montant. Cette créance est utilisée pour le paiement de l'impôt sur le revenu dû au titre des trois années suivant celle au titre de laquelle elle est constatée puis, s'il y a lieu, la fraction non utilisée est remboursée à l'expiration de cette période. (...) / IV. Par exception à la troisième phrase du premier alinéa du I : / (...) 3° Le crédit d'impôt pour dépenses de recherche engagées au titre de l'année 2009 s'impute sur l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 2009 et l'excédent est immédiatement remboursable. / Les entreprises peuvent obtenir, sur demande, le remboursement immédiat d'une estimation de la différence positive entre, d'une part, le montant du crédit d'impôt calculé à raison des dépenses de recherche engagées au titre de l'année 2009 et, d'autre part, le montant de l'impôt sur le revenu dû au titre de 2009 (...) ".
2. Aux termes de l'article 49 septies M de l'annexe III au code général des impôts, dans sa rédaction issue du décret n° 2008-590 du 23 juin 2008 : " I. -Pour l'application des dispositions des articles 199 ter B, 220 B et 244 quater B du code général des impôts, les entreprises souscrivent une déclaration spéciale conforme à un modèle établi par l'administration. Les personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés déposent cette déclaration spéciale auprès du service des impôts avec le relevé de solde mentionné à l'article 360. S'agissant des sociétés relevant du régime des groupes de sociétés prévu à l'article 223 A du code général des impôts, la société mère dépose les déclarations spéciales pour le compte des sociétés du groupe. Elle les joint, y compris celle la concernant, au relevé de solde relatif au résultat d'ensemble du groupe (...). / II.- Une copie de la déclaration spéciale mentionnée au I est adressée, dans le même délai que celui qui est prévu pour le dépôt du relevé de solde ou de la déclaration de résultat, aux services relevant du ministère chargé de la recherche ". Aux termes de l'article 360 de la même annexe, dans sa rédaction applicable au litige : " La liquidation de l'impôt sur les sociétés mentionnée au 2 de l'article 1668 du code général des impôts est réalisée par le redevable et détaillée sur un relevé de solde dont le modèle est fourni par l'administration, daté et signé de la partie versante et indiquant la nature du versement, son échéance, les éléments de liquidation, ainsi que la désignation et l'adresse du principal établissement de l'entreprise (...). Les demandes de restitution de créances remboursables sont formulées sur ce relevé ". Aux termes de l'article 360 bis de cette même annexe : " (...) Le dépôt du relevé de solde est effectué au plus tard le 15 du quatrième mois qui suit la clôture de l'exercice (...) ".
3. Il résulte des dispositions citées aux points 2 et 3 ci-dessus que, pour les dépenses engagées au titre de l'année 2009, le dépôt de la déclaration spéciale " Crédit d'impôt en faveur de la recherche " (imprimé 2069 A) valait demande de remboursement immédiat du crédit d'impôt recherche. Dès lors, le délai de réclamation relatif à ce crédit d'impôt afférent aux dépenses engagées au titre de cette année ne pouvait courir qu'à compter de la date limite de dépôt du relevé de solde d'impôt sur les sociétés, auquel devait être jointe la déclaration spéciale relative au crédit d'impôt recherche. Par suite, le délai de réclamation dont disposait la société financière Lucia expirait le 31 décembre 2012.
4. La société Financière Lucia devenue la société Finamagri, en sa qualité de société mère d'un groupe fiscalement intégré dont faisait également partie la société Agram, a déposé le 15 octobre 2013 une demande de remboursement d'un crédit d'impôt recherche afférent à des dépenses engagées par cette dernière, au cours de l'exercice clos le 30 juin 2010, pour un montant de 141 096 euros.
5. La société Financière Lucia soutient toutefois qu'elle a adressé à l'administration fiscale, avant le 15 octobre 2010, la déclaration spéciale " Crédit d'impôt en faveur de la recherche " (imprimé 2069 A) datée du 11 octobre 2010 dont le dépôt est prévu par les dispositions de l'article 49 septies M de l'annexe III au code général des impôts citées au point 3 ci-dessus, qui était jointe au relevé de solde de l'impôt sur les sociétés qu'elle a déposé au titre de l'exercice clos le 30 juin 2010. Il résulte de l'instruction que sur ce relevé de solde, que l'administration ne conteste pas avoir reçu dès le mois d'octobre 2010, la société requérante a fait apparaître la somme de 141 096 euros correspondant au crédit d'impôt recherche dont elle estimait devoir bénéficier à la case ID-23, qui précise " joindre l'imprimé 2069 A ". L'administration se borne à affirmer que cette déclaration spéciale n'était pas jointe au relevé de solde, sans faire état de démarches qu'elle aurait entreprises pour inviter la société requérante à régulariser sa déclaration. Dans ces conditions, la société requérante doit être regardée comme ayant déposé, le 15 octobre 2010, la déclaration spéciale " Crédit d'impôt en faveur de la recherche " (imprimé 2069 A), ce qui valait demande de remboursement immédiat du crédit d'impôt recherche. La société requérante n'était, contrairement à ce que soutient le ministre en défense, pas tenue de renouveler, avant le 31 décembre 2012, cette demande qui constituait une réclamation contentieuse. La société requérante est ainsi fondée à soutenir que l'administration ne pouvait rejeter comme tardive sa demande de remboursement de la somme de 141 096 euros en date du 15 octobre 2013.
6. Dès lors, c'est à tort que le tribunal a rejeté comme irrecevable la demande dont il était saisi et le jugement attaqué doit donc être annulé. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Financière Lucia.
7. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. Les entreprises industrielles et commerciales (...) imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. (...) / II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : a) Les dotations aux amortissements des immobilisations, créées ou acquises à l'état neuf et affectées directement à la réalisation d'opérations de recherche scientifique et technique, y compris la réalisation de prototypes ou d'installations pilotes. (...) / b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations. (...) c) Les autres dépenses de fonctionnement exposées dans les mêmes opérations ; (...) ". Aux termes de l'article 49 septies F de l'annexe III au même code : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : (...) c) Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté ".
8. Il résulte de ces dispositions que des opérations consistant à perfectionner des matériels ou procédés existants ou à en développer des fonctionnalités particulières et qui se traduisent par des améliorations non substantielles de techniques déjà existantes ne caractérisent pas des opérations de développement expérimental présentant un caractère de nouveauté.
9. Il appartient au juge de l'impôt d'apprécier, au vu de l'instruction et compte tenu des différents éléments produits par les parties, si le contribuable remplit les conditions auxquelles les dispositions de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts subordonnent le bénéfice du crédit d'impôt prévu par l'article 244 quater B du même code.
10. Les dépenses au titre desquelles le crédit d'impôt a été demandé ont été engagées par la société AGRAM, qui a pour activité la construction de chargeurs agricoles frontaux monobras pour équiper les tracteurs, dans le cadre du développement de trois machines permettant, pour la première, " d'aérer le fourrage pour le faner et procéder à l'andainage ", pour la deuxième, " d'andainer tout type de fourrage, mais surtout les graminées à petites feuilles et les légumineuses " et, pour la troisième, " d'aérer les andains de fourrage avant d'être ensilés ou enrubannés ".
11. Il résulte de l'instruction que les dépenses en cause correspondent à la mise au point de machines plus simples et plus efficaces, par la combinaison de techniques existantes, à savoir l'association de moteurs hydrauliques à des rotors à axe horizontal. Il ne résulte pas de l'instruction que les améliorations ainsi apportées à des machines déjà commercialisés aient excédées la simple utilisation de l'état des techniques existantes. La circonstance que deux des prototypes testés n'aient finalement pas été commercialisés en raison d'incertitudes techniques n'est pas suffisante pour établir qu'il s'agissait d'améliorations substantielles. Par suite, l'administration est fondée à considérer que les dépenses afférentes au développement de ces machines ne pouvaient être regardées comme des dépenses éligibles au crédit d'impôt en faveur de la recherche prévu par les dispositions précitées de l'article 244 quater B du code général des impôts.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de la société Finamagri doit être rejetée, y compris les conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires.
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Finamagri demande au titre des frais qu'elle a exposés.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1410551 du Tribunal administratif de Paris en date du 12 mai 2015 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société SAS Finamagri devant le Tribunal administratif de Paris et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Finamagri, venant aux droits de la SAS Financière Lucia, et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris (Pôle fiscal parisien 1 - service du contentieux d'appel déconcentré).
Délibéré après l'audience du 16 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Poupineau, président assesseur,
- M. Doré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 juin 2019.
Le rapporteur,
F. DORÉ Le président,
S.-L. FORMERY
Le greffier
N. ADOUANE
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA03443