Procédure devant la Cour :
Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif, enregistrés les 12 décembre 2017 et 6 mars 2018, M.B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1716162 du 8 novembre 2017 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris en tant que, par ce jugement, celui-ci a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 octobre 2017 du préfet de police ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 9 octobre 2017 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police d'enregistrer sa demande d'asile dans le délai de trois jours et de lui délivrer une attestation de demande d'asile en application de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à MeA..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le premier juge a méconnu le principe du contradictoire ;
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé dès lors notamment qu'il n'est pas en mesure de connaître le critère de détermination retenu par le préfet de police pour déterminer l'Italie comme étant le pays responsable de sa demande d'asile alors que celui-ci avait également adressé une demande de prise en charge aux autorités allemandes en février 2017 ; cet arrêté ne mentionne pas la réponse des autorités allemandes à la demande du préfet de police ;
- le préfet de police a méconnu l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013, dès lors que les brochures en langue arabe lui ont été remises, que l'entretien individuel a été mené en langue oromo et qu'il a été assisté à l'audience par un interprète en langue amharique ; le premier juge " n'a pas tiré les conséquences de ces mentions contradictoires " ;
- l'arrêté contesté est entaché d'un détournement de pouvoir destiné à le priver de son droit de solliciter l'asile dès lors qu'il a été conduit au centre d'examen de situation administrative où il a été incité à ne pas déposer de demande d'asile ;
- le préfet de police a méconnu l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 5 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Doré a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que M.B..., ressortissant érythréen, né en 1993, entré en France selon ses déclarations le 20 février 2017, s'est présenté le 27 février 2017 au centre d'examen de situation administrative où ses empreintes digitales ont été relevées. La consultation du fichier Eurodac a révélé que celles-ci avaient déjà été relevées par les autorités allemandes le 28 juillet 2016. Ces dernières ont refusé, le 1er mars 2017, de prendre en charge la demande d'asile de M. B...au motif qu'elles avaient adressé une demande de prise en charge aux autorités italiennes le 30 août 2016 qui était restée sans réponse. Le 19 avril 2017, M. B...s'est présenté au guichet unique des demandeurs d'asile de Paris et a été mis en possession d'une attestation de demande d'asile sur le fondement des articles L. 741-1 et L. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 2 mai 2017, les autorités italiennes ont été saisies d'une demande de prise en charge de la demande d'asile de M.B.... En application du 7 de l'article 22 du règlement du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 susvisé, un accord implicite est intervenu. Par un arrêté en date du 9 octobre 2017, le préfet de police a ordonné le transfert de M. B...aux autorités italiennes responsables de sa demande d'asile. M. B...fait appel du jugement du 8 novembre 2017 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris en tant que, par ce jugement, celui-ci a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si M. B...soutient que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a méconnu le principe du contradictoire, ce moyen n'est assorti d'aucune précision permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, ce moyen doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, aux termes de l'alinéa 2 de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. ". Aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
4. D'une part, s'il résulte effectivement du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et de la décision du 7 juin 2016 (C-63-15) de la Cour de justice de l'Union européenne qu'" (...) un demandeur d'asile peut invoquer, dans le cadre d'un recours exercé contre une décision de transfert prise à son égard, l'application erronée d'un critère de responsabilité énoncé au chapitre III dudit règlement (...) ", aucune disposition, ni aucun principe n'impose à l'autorité préfectorale de mentionner les critères de détermination de l'État responsable qu'elle a retenus tels qu'ils figurent aux articles 7 à 15 du chapitre III du règlement précité pour considérer que les autorités d'un autre État membre étaient responsables de la demande d'asile. En outre, alors même qu'une telle mention ne figurerait pas dans la décision attaquée, il est toujours possible au demandeur d'asile placé en " procédure Dublin " de critiquer, à l'appui d'un recours devant le juge administratif le bien-fondé de la décision préfectorale et ainsi le préfet devra nécessairement exposer devant ce juge les critères et les modalités de leur mise en oeuvre qui l'ont conduit à estimer que tel État membre était responsable de la demande d'asile et d'obtenir l'annulation de la décision de transfert dans l'hypothèse où l'administration s'est livrée à une application erronée de ces critères, de sorte que l'absence d'une telle mention ne méconnaît pas le droit au recours effectif de l'intéressé et ne le prive d'aucune garantie.
5. D'autre part, la décision portant transfert de M. B...aux autorités italiennes vise notamment le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Elle indique la date et le lieu de naissance du requérant et précise que l'attestation de demande d'asile en procédure Dublin a été remise à l'intéressé le 19 avril 2017. La décision indique en particulier que les autorités italiennes ont été saisies le 2 mai 2017 d'une demande de prise en charge sur le fondement des dispositions du 1 de l'article 18 du règlement UE n° 604/2013, lequel concerne l'hypothèse où le demandeur a présenté une demande auprès d'un autre État membre, et que ces autorités ont implicitement accepté le 3 juillet 2017 leur responsabilité concernant la demande d'asile de M.B.... La décision contestée mentionne également que l'ensemble des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de l'intéressé ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3 paragraphe 2 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013. Enfin, il ressort des mentions de la décision contestée que le préfet de police a examiné la situation de M. B...au regard des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a conclu à l'absence de risque personnel de nature à constituer une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités de l'État responsable de la demande d'asile. Par suite, la décision du préfet de police portant transfert de M. B...en Italie est suffisamment motivée, nonobstant la circonstance qu'elle n'expose pas les éléments qui l'ont amené, au regard des critères énoncés aux articles 7 à 15 du règlement (UE) n° 604/2013 et des conditions de leur mise en oeuvre, à considérer que l'Italie était responsable de l'examen de la demande d'asile et non l'Allemagne.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel (...) ".
7. Si le compte-rendu de l'entretien du 19 avril 2017 mentionne l'oromo dans la case " langue comprise ", il en ressort également que l'entretien s'est déroulé par l'intermédiaire d'un interprète en langue arabe. Or, s'il fait valoir qu'il a bénéficié à l'audience d'un interprète en langue amharique, M. B...ne conteste pas comprendre la langue arabe. Il n'est dès lors pas fondé à soutenir que les stipulations précitées de l'article 5 du règlement susvisé du 26 juin 2013 ont été méconnues.
8. En troisième lieu, M. B...ne justifie pas avoir sollicité l'asile en France lors de son entretien au centre d'examen des situations administratives le 27 février 2017. Par suite, le moyen tiré de ce que l'administration aurait commis un détournement de procédure en refusant de l'enregistrer ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.
9. En dernier lieu, si M. B...soutient que l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et qu'il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, ces moyens ne sont assortis d'aucune précision permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, ils doivent être écartés.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 9 octobre 2017. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Poupineau, président assesseur,
- M. Doré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 décembre 2018.
Le rapporteur,
F. DORÉLe président,
S.-L. FORMERY
Le greffier,
C. RENÉ-MINE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 17PA03781 5