Par un jugement n° 2100035 du 8 janvier 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 15 janvier 2021, M. D... représenté par Me Simon, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2100035 du 8 janvier 2021 du tribunal administratif de Montreuil rejetant sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2020 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;
3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la décision d'obligation de quitter le territoire français :
- elle n'a pas été signée par un agent compétent ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
S'agissant de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :
- elle n'est pas motivée et entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur de droit.
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est illégale par la voie de l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
S'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans :
- elle est illégale par la voie de l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2021, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme F... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant égyptien né le 25 juillet 1987, a fait l'objet d'un contrôle d'identité le 22 décembre 2020, à la suite duquel le préfet des Hauts-de-Seine, par un arrêté du 22 décembre 2020, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. D... fait appel du jugement n° 2100035 du 8 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, il résulte de l'arrêté n° 2019-42 du préfet du 22 juillet 2019, publié au recueil n° spécial PCI du 31 juillet 2019 des actes administratifs de la préfecture des Hauts-de-Seine, consultable sur le site https://www.hauts-de-seine.gouv.fr, que la signataire de la décision attaquée, Mme A... C..., attachée adjointe au chef du bureau des examens spécialisés et de l'éloignement bénéficie d'une délégation de signature, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme E... H..., pour signer les décisions portant obligation de quitter le territoire, fixant le délai de départ volontaire, le pays de destination et celles d'interdiction de retour sur le territoire français. Contrairement aux affirmations du requérant, cette délégation de signature qui constitue un acte règlementaire et est librement consultable par tout public est régulière. Dès lors, le moyen tiré du défaut de délégation de signature de Mme C... ne peut qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; (...) ".
4. M. D... se prévaut de sa présence continue en France depuis 2013. Toutefois, il n'établit pas, par la seule production de deux bulletins de paye de l'année 2020 et des avis de
non-imposition au titre des années 2014 à 2020, avoir travaillé plus deux mois durant la seule année 2020 au cours de l'ensemble de cette période. Par ailleurs, il ne démontre aucune intégration sociale ou professionnelle particulière alors qu'il a demandé la présence d'un interprète en langue arabe et a déclaré lors de son interpellation pour un contrôle d'identité le 22 décembre 2020 ne pas comprendre la langue française. Si le requérant soutient que sa femme et ses deux enfants vivent en France, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est séparé de son épouse et que celle-ci s'est vu délivrer le 13 avril 2017 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Nanterre une ordonnance de protection au vu des violences commises par M. D... à son encontre et pour lesquelles il a été pénalement condamné en août et novembre 2016. Si les deux enfants de l'intéressé, nés en 2013 et 2015, vivent en France, le juge aux affaires familiales de Nanterre a, par une ordonnance du 13 avril 2017, confié l'autorité parentale de manière exclusive à leur mère, et il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant aurait recouvré tout ou partie de son autorité parentale. En outre, il ne ressort ni des pièces du dossier que M. D... participerait de manière effective à l'entretien et à l'éducation de ses enfants, et en particulier de sa fille handicapée, alors que, compte tenu notamment de son comportement, seul un droit de visite une fois par quinzaine sur le lieu d'accueil des enfants lui a été accordé par le juge aux affaires familiales en avril 2017. A l'audience de première instance, M. D... a indiqué ne pas avoir rendu visite à son fils depuis janvier 2020 et à sa fille depuis 5 mois, même s'il affirme qu'il se tient informé de l'évolution de l'état de santé de cette dernière. Enfin, si le requérant se prévaut du traumatisme qu'il a vécu en raison de l'assassinat en France de son frère et de la procédure d'indemnisation en cours au regard de son statut de victime, cette circonstance, aussi dramatique soit-elle, n'est pas de nature à permettre de considérer que l'intéressé aurait fixé le centre de ses intérêts privés et familiaux en France. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'obligation de quitter le territoire français porterait au droit de M. D... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Elle n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
5. Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ".
6. Ainsi qu'il a été dit au point 4, M. D... n'établit pas participer de manière effective à l'entretien et l'éducation de ses enfants, ni même exercer le droit de visite, une fois par quinzaine, que lui a octroyé le juge aux affaires familiales en avril 2017. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant aurait chercher à recouvrer tout ou partie de l'autorité parentale alors que ses enfants ont fait l'objet de placements et de mesures d'assistance éducative. Enfin, l'état de santé préoccupant de la fille du requérant nécessite qu'elle demeure en France. Dans ces conditions, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Sur la légalité de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :
7. En premier lieu, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté, et du défaut d'examen de la situation de M. D..., par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 6 du jugement attaqué.
8. En second lieu, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur de fait par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 7 du jugement attaqué.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
9. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 2 à 6, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination serait entachée d'illégalité par la voie de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire doit être écarté.
Sur la légalité de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 6 que le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans serait illégale par la voie de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire doit être écarté.
11. En deuxième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
12. Il résulte de la décision attaquée que, pour interdire à M. D... de retourner sur le territoire français pendant deux ans, le préfet des Hauts-de-Seine s'est fondé sur l'absence de preuve de l'ancienneté et le caractère irrégulier du séjour en France du requérant, sur le fait qu'il n'a jamais demandé de titre de séjour et a déclaré qu'il refuserait de se conformer à l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre et enfin sur la circonstance qu'il n'établissait pas être marié à une compatriote séjournant régulièrement sur le territoire français ni subvenir à l'entretien de leurs deux enfants. cette motivation est suffisante au regard des dispositions alors codifiées au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et n'est pas révélatrice d'un défaut d'examen sérieux de la situation du requérant.
13. En dernier lieu, si le préfet des Hauts-de-Seine a fait également mention de l'obligation de quitter le territoire dont l'intéressé a fait l'objet le 16 octobre 2019 alors que cette mesure a été annulée par jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 25 mars 2020, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée dès lors qu'il ressort des pièces du dossier qu'après avoir réexaminé la situation de M. D... conformément à l'injonction donnée par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, le préfet des Hauts-de-Seine a décidé de reprendre une obligation de quitter le territoire français à l'encontre de l'intéressé. Par suite, et compte tenu des motifs invoqués au point 6 du présent arrêt, la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans n'est pas entachée d'erreur d'appréciation.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.
Délibéré après l'audience du 2 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme F..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 septembre 2021.
La rapporteure,
I. F...Le président,
H. VINOT
La greffière,
F. DUBUY-THIAM
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA00230