Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 21 janvier 2018, la société BTD Blanchisserie Duval, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1603474 du 15 novembre 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations primitive et supplémentaire d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que l'autorité de la chose jugée par ce même tribunal le 21 janvier 2015 faisait obstacle à la recevabilité de sa demande tendant à la décharge des impositions sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice 2010, dès lors que l'application du taux en matière d'impôt sur les sociétés relève de la procédure d'imposition et non du bien fondé des impositions en litige ;
- l'administration a procédé à l'emport irrégulier de documents comptables, dès lors que le vérificateur s'est livré à un détournement irrégulier de copies de ses documents comptables enregistrées sur son appareil personnel ; n'ayant pas été informée de la nature et du nombre des informations ainsi détournées, le principe du contradictoire n'a pas été respecté ; une enquête doit être ordonnée auprès de l'administration dont les conclusions devront lui être communiquées ;
- l'avis de mise en recouvrement n° 05146 du 5 février 2014 est entaché d'irrégularité, aux motifs qu'il renvoie à une proposition de rectification du 7 septembre 2012 inexistante, et qu'il aurait dû faire apparaître le montant de l'impôt au taux réduit de 15 % et celui au taux normal ;
- la procédure d'établissement de la pénalité pour manquement délibéré est irrégulière dès lors que la lettre du 11 juillet 2013 lui notifiant les nouvelles conséquences financières de la majoration prévue par l'article 1729 du code général des impôts aurait dû être visée par un agent ayant au moins le grade d'inspecteur principal ou d'inspecteur divisionnaire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société BTD Blanchisserie Duval ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lescaut,
- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société BTD Blanchisserie Duval, qui exploite un fonds de commerce de blanchisserie et de teinturerie à Paris (8e), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010, à l'issue de laquelle lui ont été notifiés, selon la procédure de rectification contradictoire, une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2009 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010, et selon la procédure de taxation d'office prévue par les dispositions du 2° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales pour déclaration tardive après mise en demeure, une cotisation primitive d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2010. Les cotisations d'impôt sur les sociétés ont été assorties des intérêts de retard, de la majoration prévue par le a) de l'article 1729 du code général des impôts pour les rehaussements intervenus au titre de l'exercice clos en 2009 et de la majoration de 40 % prévue par le b) du 1 de l'article 1728 du même code pour ceux concernant l'exercice clos en 2010. La société BTD Blanchisserie Duval relève régulièrement appel du jugement du 15 novembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.
2. Il ressort, en premier lieu, des termes du précédent jugement n° 1406583 du 21 janvier 2015 du Tribunal administratif de Paris devenu définitif, que dans l'instance qui a donné lieu à ce jugement, les premiers juges ont statué sur le bien-fondé des impositions en litige, la société n'ayant soulevé aucun moyen se rattachant à la procédure d'imposition. C'est, dès lors, à juste titre que le tribunal a considéré, au point 2 de son jugement du 15 novembre 2017, que la demande de la requérante tendant à obtenir la décharge de l'imposition sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2010, par un moyen tiré de la contestation du bien-fondé de cette imposition motif pris de l'absence d'application des dispositions du b) du I de l'article 219 du code général des impôts prévoyant l'imposition du bénéfice à un taux réduit à 15 %, et celle de la prise en compte, dans le calcul du montant de l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice clos en 2010, des montants des acomptes déjà versés, reposait sur un moyen se rattachant aux mêmes causes juridiques que celles soulevées dans sa demande précédente.
3. En deuxième lieu, la prise ou la conservation par le vérificateur de photocopies de documents comptables ne peut en principe être considérée comme un emport irrégulier. Si la société BTD Blanchisserie Duval soutient que le vérificateur aurait procédé à un emport irrégulier de pièces comptables, au motif que le vérificateur se serait livré à un détournement irrégulier de copies de ses documents comptables enregistrées sur son appareil personnel, et qu'elle n'a pas été informée de la nature et du nombre des informations ainsi détournées, l'administration fait valoir, sans être contredite, que seules des copies de ces pièces lui ont été remises. Si, par ailleurs, la société entend faire valoir qu'aucun débat oral et contradictoire n'aurait eu lieu sur ces pièces, elle n'établit pas que le vérificateur se serait refusé à un tel débat. Ce moyen, ainsi que ceux tirés de la méconnaissance du secret professionnel et du principe du contradictoire doivent, par suite, être écartés.
4. Aux termes, en troisième lieu, de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications. (...). ".
5. Il résulte de l'instruction que l'avis de mise en recouvrement du 5 février 2014 indique que l'impôt dû a pour origine le dépôt de la déclaration de l'année 2010 effectué le 7 septembre 2012. Par suite, la société BTD Blanchisserie Duval n'est pas fondée à soutenir que cet avis renvoie de manière erronée à une proposition de rectification inexistante du 7 septembre 2012.
6. La société BTD Blanchisserie Duval fait également valoir que l'avis de mise en recouvrement de l'impôt sur les sociétés du 5 février 2014 devait faire apparaître de manière distincte le montant de l'impôt sur les sociétés dû au taux réduit de 15 %, et celui dû au taux de 33, 1/3 au titre des exercices en litige. Il ressort des mentions de l'avis de mise en recouvrement rectificatif du 5 février 2014 que, conformément au premier alinéa de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, sont mentionnés la nature de l'impôt, et le montant global des droits, pénalités et intérêts de retard faisant l'objet de cet avis. Et il ne résulte d'aucune disposition de ce même livre que l'avis de mise en recouvrement des impositions en litige devait procéder à une telle distinction.
7. Aux termes, en quatrième lieu, de l'article L. 80 E du livre des procédures fiscales, " La décision d'appliquer les majorations et amendes prévues aux articles 1729, 1732 et 1735 ter du code général des impôts est prise par un agent de catégorie A détenant au moins un grade fixé par décret qui vise à cet effet le document comportant la motivation des pénalités ". Aux termes de l'article R. 80 E-1 du même livre, " La décision d'appliquer les majorations et amendes mentionnées à l'article L. 80 E est prise par un agent ayant au moins le grade d'inspecteur divisionnaire ".
8. Il ressort des mentions de la proposition de rectification du 22 octobre 2012, qui comporte la motivation de la pénalité pour manquement délibéré mise en recouvrement à l'encontre de la société requérante au titre de l'exercice 2009, qu'elle a été visée par un agent ayant le grade d'inspecteur principal, lequel est supérieur à celui d'inspecteur départemental. Par ailleurs, et contrairement à ce que soutient la société requérante, la lettre du 11 juillet 2013 l'informant, à la suite de l'avis du 6 juin 2013 de la commission départementale des impôts directs, des nouvelles conséquences financières comprenant la majoration prévue par l'article 1729 du code général des impôts, ne modifie ni la base légale, ni la qualification, ni les motifs de la pénalité mentionnée dans la proposition de rectification du 22 octobre 2012. Elle n'avait ainsi pas à être visée selon les modalités définies à l'article L. 80 E précité du livre des procédures fiscales.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la société BTD Blanchisserie Duval n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent par voie de conséquence qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société BTD Blanchisserie Duval est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée BTD Blanchisserie Duval et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris (Pôle fiscal Parisien 1, service du contentieux d'appel déconcentré).
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Poupineau, président assesseur,
- Mme Lescaut, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 décembre 2018.
Le rapporteur,
C. LESCAUTLe président,
S.-L. FORMERY
Le greffier,
C. RENÉ-MINE
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA00247