Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 2 février 2018, M. et MmeB..., représentés par Me A..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1509037 du 7 décembre 2017 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010, à concurrence d'une somme globale de 96 640 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Les requérants soutiennent que :
- la procédure d'imposition est entachée d'un vice substantiel dès lors que l'administration a méconnu l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales et le principe du respect des droits de la défense, à défaut d'information sur la teneur des renseignements obtenus et la nature des documents remis en réponse au droit de communication ; si ces documents correspondent aux attestations délivrées par la société Electricité de France (EDF), ces attestations jointes en annexe à la proposition de rectification ne sont pas datées et sont signées " pour ordre " sans que le signataire puisse être identifié ; les dates d'exercice du droit de communication mentionnées dans la proposition de rectification sont différentes de celles mentionnées sur les attestations d'EDF ; ils sont fondés à se prévaloir des énonciations du paragraphe 210 de l'instruction BOI-CF-PGR-30-10 ;
- la motivation de la proposition de rectification est donc insuffisante au regard des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, ce qui constitue un vice substantiel en application des dispositions de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ; elle n'indique pas à quel moment, dans quel cadre et selon quelle procédure le service a obtenu les attestations de la société EDF ; aucune information n'a été donnée sur les sociétés auprès desquelles le service a exercé son droit de communication ;
- les attestations fournies par la société Electricité de France sont dépourvues de valeur probante dès lors qu'elles sont signées " pour ordre " sans qu'il soit permis de déterminer si le signataire détenait une habilitation pour établir de telles attestations ;
- la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies B du code général des impôts est acquise l'année où l'investissement productif est livré ; en l'espèce, les centrales photovoltaïques ont été livrées avant le 31 décembre 2010 et étaient en capacité de fonctionner à cette date ; l'article 21 de la loi n° 2013-1278 de finances pour 2014 prévoit que le fait générateur de la réduction d'impôt pratiquée est celui au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est mis en service ;
- ils sont fondés à se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction référencée 5 B-2-07 du 30 janvier 2007.
- les investissements doivent être regardés comme ayant été réalisés au titre de l'année 2010, dès lors que, compte tenu de l'intervention du moratoire institué par le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010, qui a suspendu temporairement l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil, les demandes de raccordement enregistrées le 11 mars 2011 doivent être considérées comme déposées en 2010.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. et Mme B...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lescaut,
- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B...ont imputé sur leur impôt sur le revenu au titre de l'année 2010, sur le fondement des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, une réduction d'impôt résultant d'investissements productifs réalisés outre-mer par les sociétés en participation (SEP) Sunra Fluide 1145, Sunra Fluide 1146 et Sunra Fluide 1147 dont ils étaient associés, consistant en l'acquisition de centrales photovoltaïques, mises en location auprès de sociétés exploitantes locales. Cette réduction d'impôt a été remise en cause par l'administration fiscale au motif que les investissements dans les centrales photovoltaïques ne pouvaient pas être considérés comme réalisés au 31 décembre 2010. M. et Mme B...relèvent appel du jugement du 7 décembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et en pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ".
3. Pour être régulière au regard des dispositions précitées, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.
4. Il ressort des mentions de la proposition de rectification du 26 septembre 2013 adressée à M. et Mme B...que le service y a exposé, en particulier, les motifs sur lesquels il s'est fondé pour remettre en cause la réduction d'impôt pratiquée par les requérants, et a relevé que la date de réalisation des investissements était postérieure au 31 décembre 2010, que le dossier de raccordement n'avait pas été déposé auprès de la société EDF à cette date et que les centrales n'avaient pas reçu d'attestation de conformité à la réglementation en vigueur avant la fin de l'année 2010. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit être écarté.
5. En deuxième lieu, en application de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisées pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Cette obligation s'impose à l'administration pour les seuls renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications.
6. Il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 13 décembre 2013, que l'administration a exercé son droit de communication auprès d'Electricité de France (EDF), afin d'obtenir des informations sur les dates de dépôt des demandes de raccordement complètes, de réception du certificat de conformité du comité national pour la sécurité des usagers de l'électricité (Consuel) et de mise en production effective des centrales photovoltaïques acquises par les sociétés dont M. et Mme B... étaient associés. Et il ressort des mentions de la proposition de rectification que l'administration y a indiqué l'origine ainsi que la nature des informations recueillies auprès de cette société sur lesquelles elle s'est fondée pour remettre en cause la réduction d'impôt en litige. Les renseignements ainsi portés à la connaissance des contribuables étaient d'une précision suffisante. Etaient par ailleurs annexées à la proposition de rectification, les copies des documents intitulés " attestations " obtenus de la société EDF par l'administration en réponse à l'exercice de son droit de communication. L'administration, qui n'était pas tenue d'indiquer les modalités d'exercice du droit de communication, s'est dès lors acquittée de son obligation d'information prévue par l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, tant en ce qui concerne la teneur que l'origine des renseignements utilisés. Les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de la circonstance qu'une erreur matérielle ait pu, le cas échéant, être commise par la société EDF quant à la date de la demande de communication mentionnée sur les attestations, cette erreur étant sans incidence sur l'obligation d'information à laquelle est tenue le service. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté comme non fondé.
7. M. et Mme B...ne sont, enfin, pas fondés à se prévaloir de la doctrine administrative référencée BOI-CF-PGR-30-10 relative à la procédure d'imposition et qui ne comporte, en tout état de cause, pas d'interprétation de la loi fiscale au sens de l'article L 80 A du livre des procédures fiscales.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
8. Aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy, dans les îles Wallis-et-Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises, dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34/ (...) La réduction d'impôt prévue au premier alinéa est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé ". Aux termes de l'article 95 K de l'annexe II au même code : " Les investissements productifs neufs réalisés dans les départements et territoires d'outre-mer (...) qui ouvrent droit à la réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts sont les acquisitions ou créations d'immobilisations corporelles, neuves ou amortissables, affectées aux activités relevant des secteurs éligibles en vertu des dispositions du I de cet article. ". Et aux termes de l'article 95 Q de la même annexe : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée ou est mise à sa disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail (...) ".
9. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B est la date de la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé ou de sa livraison effective dans le département d'outre-mer. Dans ce dernier cas, la date à retenir est celle à laquelle l'entreprise, disposant matériellement de l'investissement productif, peut commencer son exploitation effective et, dès lors, en retirer des revenus. Par suite, s'agissant de l'acquisition de centrales photovoltaïques installées sur les toits des habitations des particuliers et données en location à des sociétés en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique, la date à retenir est celle du raccordement des installations au réseau public d'électricité, dès lors que ces centrales, dont la production d'électricité a vocation à être vendue par les sociétés exploitantes, ne peuvent être effectivement exploitées et par suite productives de revenus qu'à compter de cette date.
10. Il résulte de l'instruction et, en particulier, des renseignements obtenus auprès de la société EDF, qu'aucune des centrales photovoltaïques au titre desquelles a été pratiquée la réduction d'impôt litigieuse n'avait fait l'objet d'un raccordement au réseau public d'électricité au 31 décembre 2010. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'administration a pu légalement se fonder sur les informations contenues dans les attestations qu'elle a régulièrement obtenues auprès de cette société dans le cadre de l'exercice de son droit de communication. La circonstance que ces documents aient été signés par le chef de service commercial et clientèle à EDF, sans mention de l'habilitation dont cet agent a pu bénéficier, n'est pas, en elle-même, de nature à remettre en cause la valeur probante de ces documents. En se bornant à faire valoir que les demandes complètes de raccordement des centrales photovoltaïques auraient été déposées avant la fin de l'année 2010 et que la société EDF a suspendu toutes les demandes de raccordement en raison du moratoire suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil, instauré par le décret du 9 décembre 2010, les requérants n'apportent aucun élément de nature à infirmer le constat de fait sur lequel s'est appuyé le service pour estimer que les investissements en litige n'étaient pas réalisés au 31 décembre 2010. Par suite, et dès lors qu'il n'est pas contesté que l'électricité produite par les installations n'avait pas vocation à être consommée et stockée par les sociétés exploitantes, l'administration était fondée, pour ce seul motif, à remettre en cause la réduction d'impôt imputée par M. et Mme B...sur leur impôt sur le revenu de l'année 2010. Dans ces conditions, les requérants, qui ne sauraient se prévaloir des dispositions de l'article 21 de la loi n° 2013-1278 portant loi de finances pour 2014, postérieures au présent litige, ne sont pas fondés à soutenir qu'ils ont été, en méconnaissance des dispositions rappelées ci-dessus, privés de la réduction d'impôt qu'ils revendiquaient au titre de l'année 2010.
En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :
11. Il ne ressort pas des énonciations de l'instruction fiscale BOI 5 B-2-07 du 30 janvier 2007 que l'administration ait entendu donner, en ce qui concerne le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts, une interprétation de la loi fiscale qui soit différente de celle qui figure au point 10 ci-dessus, qui lui serait opposable sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
12. Il résulte de tout ce qui précède, que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande. Leurs conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris (pôle fiscal parisien 1).
Délibéré après l'audience du 6 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Poupineau, président,
- Mme Lescaut, premier conseiller,
- M. Doré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 décembre 2018.
Le rapporteur,
C. LESCAUTLa présidente,
V. POUPINEAULe greffier,
C. RENÉ-MINE
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA00382