Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 14 juin 2018, la société SERIP, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1706621 en date du 17 avril 2018 ;
2°) de transmettre au Conseil d'Etat les questions prioritaires de constitutionnalité qu'elle pose ;
3°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa demande était recevable, dès lors que l'adresse mentionnée sur l'envoi postal du 21 février 2014 était erronée ;
- en outre, l'administration était tenue de procéder à un second envoi en application d'un avis du Conseil d'Etat et de la doctrine fiscale ;
- une mention expresse constituant une réclamation contentieuse dirigée contre les impositions en litige figurait en annexe des comptes annuels de l'exercice clos le 31 décembre 2014, qui ont été reçus par l'administration fiscale avant le 31 décembre 2015 ;
- sa question prioritaire de constitutionnalité aurait dû être transmise au Conseil d'Etat, la circonstance que l'administration puisse se prévaloir d'une procédure d'imposition irrégulière constituant une méconnaissance du principe d'égalité ;
- la procédure d'imposition est irrégulière compte tenu d'un emport irrégulier de documents par le vérificateur ;
- elle a respecté les règles et principes comptables, notamment le principe de prudence ;
- les provisions remises en cause par l'administration étaient justifiées ;
- les dotations aux amortissements remises en cause par l'administration étaient justifiées ;
- le passif remis en cause par l'administration était justifié ;
- le déficit reporté remis en cause par l'administration était justifié.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 septembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête de la société SERIP.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Un mémoire a été présenté par la société SERIP le 4 mars 2019, après la clôture de l'instruction intervenue le 3 mars 2019 en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.
Un mémoire distinct relatif à des questions prioritaires de constitutionnalité a été présenté par la société SERIP le 4 mars 2019, après la clôture de l'instruction intervenue le 3 mars 2019 en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution,
- la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789,
- l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel,
- le décret n° 2010-148 du 16 février 2010 portant application de la loi organique n°2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution,
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Doré,
- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société anonyme SERIP exerce une activité d'ingénierie financière dans le cadre de transactions immobilières réalisées notamment par sa filiale, la société Festim. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a corrigé le déficit déclaré au titre de l'exercice clos en 2007 et assujetti la société à une cotisation primitive d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2008, majorée des intérêts de retard. La société SERIP, qui doit être regardée comme ayant demandé au tribunal la correction des erreurs commises par le service dans la détermination du résultat de l'exercice clos en 2007 et la décharge de la cotisation primitive d'impôt sur les sociétés mise en recouvrement au titre de l'exercice clos en 2008, fait appel du jugement du 17 avril 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme irrecevable.
Sur le refus de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité :
2. Aux termes de l'article R. 771-12 du code de justice administrative : " Lorsque en application du dernier alinéa de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, l'une des parties entend contester, à l'appui d'un appel formé contre la décision qui règle tout ou partie du litige, le refus de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité opposé par le premier juge, il lui appartient, à peine d'irrecevabilité, de présenter cette contestation avant l'expiration du délai d'appel dans un mémoire distinct et motivé, accompagné d'une copie de la décision de refus de transmission ".
3. Dans sa requête d'appel, la société SERIP conteste le refus du Tribunal administratif de Paris de transmettre au Conseil d'Etat les questions prioritaires de constitutionnalité qu'elle avait présentées devant lui. Toutefois, cette contestation, qui n'a pas été présentée devant la Cour par un mémoire distinct avant la clôture de l'instruction, est irrecevable.
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales : " Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial, selon le cas, de la direction générale des finances publiques ou de la direction générale des douanes et droits indirects dont dépend le lieu de l'imposition (...) ". Aux termes de l'article R. 199-1 de ce livre : " L'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur sa réclamation (...) ".
5. En premier lieu, en cas de retour à l'expéditeur du pli recommandé contenant la décision statuant sur la réclamation préalable du contribuable, celui-ci ne peut être regardé comme l'ayant reçu que s'il est établi qu'il a été avisé, par la délivrance d'un avis de passage, de ce que le pli était à sa disposition au bureau de poste dont il relève et n'a été retourné à l'expéditeur qu'après l'expiration du délai de mise en instance prévu par la réglementation en vigueur. Cette preuve peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve. Doit être regardé comme portant des mentions précises, claires et concordantes suffisant à constituer la preuve d'une notification régulière le pli recommandé retourné à l'administration auquel est rattaché un volet " avis de réception " sur lequel a été apposée par voie de duplication la date de vaine présentation du courrier, et qui porte, sur l'enveloppe ou sur l'avis de réception, l'indication du motif pour lequel il n'a pu être remis.
6. Par une décision en date du 21 février 2014, produite devant les premiers juges, l'administration fiscale a rejeté la réclamation préalable présentée par la société SERIP le 17 août 2013. Il résulte des mentions portées sur le pli contenant cette décision qu'il a été adressé au mandataire de la société SERIP, 4 rue de Bellefond à Paris (9ème), qu'il comporte les mentions " mandataire absent avisé ", " présenté / avisé le 25 février 2014 " et qu'il a été retourné avec la mention " non réclamé ". Si la société requérante fait valoir que son adresse était en réalité " SERIP s/c Helix Consulting 4/6 rue de Bellefond 75009 PARIS ", il résulte de l'instruction que l'administration a adressé le pli à l'adresse mentionnée dans la réclamation préalable du 17 août 2013. Dans ces conditions, la société requérante doit être regardée comme ayant été régulièrement avisée de sa mise en instance. A cet égard, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'administration, lorsque le contribuable, bien que régulièrement avisé, n'a pas réclamé auprès des services de la poste le pli qui lui a été adressé par lettre recommandée avec avis de réception, de procéder à un nouvel envoi de ce pli. La notification de la décision du 21 février 2014, qui comportait la mention des voies et délais de recours, est donc régulièrement intervenue le 25 février 2014.
7. En second lieu, la société SERIP soutient qu'elle a adressé, en même temps que sa liasse fiscale pour l'exercice clos le 31 décembre 2014, une réclamation contestant les impositions en litige. Pour en justifier, elle se borne, toutefois, à présenter une copie d'une lettre et d'une réclamation manuscrites, non datées, sans produire aucun document de nature à attester l'envoi de cette lettre et de cette réclamation que l'administration affirme n'avoir jamais reçues. En particulier, alors que la lettre manuscrite comporte la mention " lettre AR ", aucune pièce émanant des services postaux n'en justifie l'envoi ni, a fortiori, la réception par l'administration.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société SERIP n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a regardé sa demande comme tardive en application des dispositions précitées de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales et qu'elle l'a rejetée comme irrecevable. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administration ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société SERIP est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme SERIP et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris (direction de contrôle fiscal Île-de-France - Division juridique Ouest).
Délibéré après l'audience du 7 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Poupineau, président,
- Mme Lescaut, premier conseiller,
- M. Doré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 mars 2019.
Le rapporteur,
F. DORÉLe président,
V. POUPINEAU
Le greffier,
N. ADOUANE
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA02007