Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 10 décembre 2019 et le
3 septembre 2020, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;
2°) d'annuler le jugement n° 1919207 du 16 octobre 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;
3°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 12 août 2019 ;
4°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une attestation de demande d'asile ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation administrative dans le délai de deux semaines à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, à défaut, de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B... soutient que :
- la situation de fuite n'est pas constituée ;
- le jugement attaqué est irrégulier, le premier juge ayant omis d'examiner des moyens ;
- le préfet de police n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation personnelle ;
- le préfet de police a méconnu le deuxième alinéa de l'article 3 du règlement du
26 juin 2013 et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet de police a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet de police aurait dû faire application de la clause discrétionnaire prévue par l'article 17 du règlement du 26 juin 2013.
Par un courrier du 18 mai 2020, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision de la Cour était susceptible d'être fondée sur un moyen d'ordre public tiré de l'existence d'un non-lieu à statuer dans la mesure où l'arrêté du 12 août 2019 n'est plus susceptible d'exécution.
Par des mémoires enregistrés le 22 mai 2020 et le 3 septembre 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Le préfet de police soutient que :
- il y a lieu de statuer, le délai de six mois durant lequel l'arrêté de transfert doit être exécuté ayant été porté à dix-huit mois en raison de l'état de fuite de l'intéressé ;
- les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris du 18 décembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les observations de Me A..., avocat de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant ivoirien, est entré irrégulièrement sur le territoire français et a présenté une demande d'asile au guichet unique des demandeurs d'asile de Paris le 19 juin 2019. La consultation du système " Eurodac " a permis d'établir que ses empreintes digitales avaient été relevées par les autorités italiennes le 24 juillet 2017, lors du dépôt d'une première demande d'asile. Le préfet de police a saisi les autorités italiennes le 20 juin 2019 d'une demande de reprise en charge de l'intéressé, laquelle a été implicitement acceptée le 5 juillet 2019. Le préfet de police a alors décidé, par un arrêté du 12 août 2019, de remettre M. B... aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile. M. B... fait appel du jugement du
16 octobre 2019 par lequel magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions tendant à l'admission à l'aide juridictionnelle :
2. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris du 18 décembre 2019. Ses conclusions tendant à obtenir le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont ainsi dépourvues d'objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'État membre requérant vers l'État membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'État membre requérant, après concertation entre les États membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ". L'article 2 de ce règlement précise : " Aux fins du présent règlement, on entend par (...) n) " risque de fuite ", dans un cas individuel, l'existence de raisons, fondées sur des critères objectifs définis par la loi, de craindre la fuite d'un demandeur, un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui fait l'objet d'une procédure de transfert. ".
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre État peut faire l'objet d'un transfert vers l'État responsable de cet examen (...) ". Aux termes de l'article L. 742-5 du même code : " (...) La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est vu remettre en mains propres le
12 août 2019 une convocation en vue de l'exécution de l'arrêté du même jour par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités italiennes, lui demandant de se présenter dans les locaux de la préfecture de police les 14 et 21 octobre 2019. Toutefois, M. B... a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté et le tribunal n'a statué que par un jugement du 16 octobre 2019, notifié par un pli distribué le 2 décembre 2019 au requérant. Dans ces conditions, dès lors que la décision de transfert ne pouvait pas être exécutée conformément aux dispositions de l'article L. 742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de police ne pouvait déclarer M. B... en fuite, au motif qu'il ne s'était pas présenté aux convocations précitées. Par suite, le délai de transfert n'a pas été porté à dix-huit mois et la décision de transfert est devenue caduque à l'expiration du délai de
six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'État requis et a recommencé à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif a statué au principal sur la demande.
Les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 août 2019 et du jugement du tribunal administratif de Paris sont ainsi devenues sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
6. Les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par M. B... ne peuvent qu'être rejetées, dès lors que le présent arrêt, qui se borne à constater qu'il n'y a plus lieu de statuer, n'appelle aucune mesure d'exécution.
Sur les frais liés au litige :
7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'État le versement de la somme demandée par le conseil de M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle et à l'annulation du jugement n° 1919207 du 16 octobre 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris et de l'arrêté du 18 novembre 2019 du préfet de police.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- M. C..., président-assesseur,
- Mme Marion, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 octobre 2020.
Le rapporteur,
F. C...Le président,
S.L. FORMERY
La greffière,
F. DUBUY-THIAM
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA03999