Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 27 mars 2020, l'Institut du cerveau et de la moelle épinière, représenté par la société d'avocats Fidal, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1808675 du 28 janvier 2020 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la restitution partielle des impositions contestées, à hauteur de 96 039 euros au titre de l'année 2013, de 94 392 euros au titre de l'année 2014 et de 93 842 euros au titre de l'année 2015 ;
3°) de condamner l'Etat aux entiers dépens ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'ADREC était en droit, en application de l'article 231 ter du code général des impôts et de la doctrine administrative, d'être exonérée de la taxe litigieuse au titre des locaux spécialement aménagés pour l'exercice d'activité de recherche ainsi que pour les locaux affectés à l'enseignement et à l'archivage administratif, de sorte que la superficie soumise à la taxe en litige doit être ramenée à 1 187,76 mètres carrés ;
- l'administration a méconnu la doctrine référencée BOI-IF-AUT- 50-10.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable en ce qu'elle porte sur une demande de restitution partielle de la cotisation de taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux au titre de l'année 2013, dès lors que la réclamation du 15 décembre 2016 était tardive sur ce point ;
- aucun des moyens soulevés n'est fondé ;
- il entend solliciter en tant que de besoin une compensation sur le fondement de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales, dès lors que certaines surfaces n'ont pas été déclarées initialement par l'ADREC, sans justification ;
- les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat aux entiers dépens sont irrecevables car dépourvues d'objet.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Aggiouri ;
- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Gory, avocate de l'Institut du cerveau et de la moelle épinière.
Une note en délibéré, enregistrée le 9 septembre 2021, a été présentée par la société d'avocats Fidal pour l'Institut du cerveau et de la moelle épinière.
Considérant ce qui suit :
1. L'Association pour le développement de la recherche sur le cerveau et la moelle épinière (ADREC) est propriétaire de locaux situés 47 boulevard de l'Hôpital à Paris (75013) à raison duquel elle s'est acquittée, au titre des années 2013, 2014 et 2015, de la taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement prévue à l'article 231 ter du code général des impôts. Par une décision du 14 mars 2018, l'administration fiscale a rejeté la réclamation de l'ADREC tendant à la restitution partielle des cotisations de taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2013, 2014 et 2015. L'Institut du cerveau et de la moelle épinière, qui vient aux droits de l'ADREC, qu'elle a absorbée en 2016, relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la restitution partielle de ces impositions.
Sur la charge de la preuve :
2. Il résulte de l'instruction que les impositions litigieuses ont été établies d'après les bases indiquées dans les déclarations de l'ADREC, aux droits de laquelle vient l'Institut du cerveau et de la moelle épinière. Dès lors, il incombe à l'Institut du cerveau et de la moelle épinière, en application de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve du caractère exagéré des impositions en litige.
Sur l'application de la loi fiscale :
3. Aux termes de l'article 231 ter du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. - Une taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement annexées à ces catégories de locaux est perçue, dans les limites territoriales de la région d'Ile-de-France, composée de Paris et des départements de l'Essonne, des Hauts-de-Seine, de la Seine-et-Marne, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne, du Val-d'Oise et des Yvelines. / [...] III. - La taxe est due : / 1° Pour les locaux à usage de bureaux, qui s'entendent, d'une part, des bureaux proprement dits et de leurs dépendances immédiates et indispensables destinés à l'exercice d'une activité, de quelque nature que ce soit, par des personnes physiques ou morales privées, ou utilisés par l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements ou organismes publics et les organismes professionnels, et, d'autre part, des locaux professionnels destinés à l'exercice d'activités libérales ou utilisés par des associations ou organismes privés poursuivant ou non un but lucratif [...] / V. - Sont exonérés de la taxe : / [...] 2° Les locaux et les surfaces de stationnement appartenant aux fondations et aux associations, reconnues d'utilité publique, dans lesquels elles exercent leur activité, ainsi que les locaux spécialement aménagés pour l'archivage administratif et pour l'exercice d'activités de recherche ou à caractère sanitaire, social, éducatif ou culturel [...] ".
4. L'Institut du cerveau et de la moelle épinière, qui est l'occupant des locaux en litige en vertu d'un bail conclu avec l'ADREC le 29 avril 2009, soutient qu'une partie de ces locaux doit être exonérée de la taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux en application des dispositions du 2° du V de l'article 231 ter du code général des impôts, dès lors qu'ils seraient spécialement aménagés pour l'exercice d'activités de recherche. Toutefois, en se bornant à se prévaloir de la convention d'occupation du domaine public conclue le 3 décembre 2004 entre l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) et l'ADREC pour l'occupation de l'emprise foncière correspondante, du bail en vertu duquel il occupe l'immeuble en cause et des plans des différents niveaux de l'immeuble, datant d'août 2010, qui ne comportent aucun relevé détaillé des superficies, l'Institut du cerveau et de la moelle épinière n'établit pas que, au titre des années 2013, 2014 et 2015, la surface de bureaux initialement déclarée par l'ADREC, à hauteur de 6 682 mètres carrés, serait erronée et comporterait, en particulier, des locaux spécialement aménagés pour l'exercice d'activités de recherche. A cet égard, si l'Institut du cerveau et de la moelle épinière produit un tableau, élaboré par ses soins, indiquant la répartition des superficies entre les différents espaces de l'immeuble, dont il conclut que seule une surface de 1 187 mètres carrés doit faire l'objet d'une imposition à la taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, elle n'apporte aucun élément de preuve au soutien de ses allégations, alors d'ailleurs que le ministre de l'économie, des finances et de la relance fait valoir, sans être contredit, que les valeurs qui figurent dans ce tableau sont contredites par celles figurant dans le tableau récapitulatif présenté le 27 juin 2017 par le président de la société d'architecture ayant construit l'immeuble. Et l'Institut du cerveau et de la moelle épinière, en se bornant à soutenir que les activités de recherche qu'il conduit, en application de ses statuts, ne sont pas nécessairement mises en œuvre au sein de laboratoires, n'apporte pas davantage de précision ou d'élément de preuve permettant d'établir qu'au sein de la surface de 6 682 mètres carrés initialement déclarée par l'ADREC, certaines surfaces seraient spécialement aménagées pour les activités de recherche. Ainsi, ce moyen doit être écarté.
5. En deuxième lieu, si l'Institut du cerveau et de la moelle épinière soutient que certaines surfaces ont été aménagées pour l'exercice d'activités à caractère éducatif, de sorte qu'elles devraient être exonérées de la taxe en litige, en application des dispositions du 2° du V de l'article 231 ter du code général des impôts, il ne l'établit pas en se bornant à faire état de l'existence, au sein de l'immeuble en cause, d'un amphithéâtre et de salles de conférences, alors qu'il n'est pas allégué que des enseignements seraient dispensés au sein de l'immeuble en litige. Ce moyen doit donc être écarté.
6. En troisième lieu, si l'Institut du cerveau et de la moelle épinière fait état de locaux destinés à l'archivage administratif, qui, en application des dispositions du 2° du V de l'article 231 ter du code général des impôts, ne seraient pas imposables à la taxe sur les locaux à usage de bureaux, il n'apporte aucune précision au soutien de ses allégations, et n'établit pas que certaines surfaces consacrées à l'archivage administratif auraient été déclarées à tort par l'ADREC au titre des années 2013 à 2015. Ainsi, le moyen doit être écarté.
7. Par suite, et alors qu'au demeurant le ministre de l'économie, des finances et de la relance fait valoir, sans être contredit, que l'ADREC a omis de déclarer diverses surfaces imposables ainsi que des espaces de stationnement annexés à l'immeuble en cause, l'Institut du cerveau et de la moelle épinière n'est pas fondé à se prévaloir des exonérations prévues par les dispositions précitées du 2° du V de l'article 231 ter du code général des impôts.
Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :
8. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa version alors en vigueur : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente [...] ".
9. Alors que l'ADREC n'a fait l'objet d'aucun rehaussement d'impositions antérieures, l'Institut du cerveau et de la moelle épinière, qui vient aux droits de cette association, n'est pas fondée à invoquer, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la doctrine administrative référencée BOI-IF-AUT-50-10.
10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie, des finances et de la relance, que l'Institut du cerveau et de la moelle épinière n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les dépens :
11. La présente instance n'ayant occasionné aucun des frais prévus par l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les conclusions présentées par l'Institut du cerveau et de la moelle épinière tendant à ce que soient mis à la charge de l'Etat les dépens de l'instance doivent être rejetées, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Sur les frais liés à l'instance :
12. L'Etat n'étant pas la partie perdante, les conclusions de l'Institut du cerveau et de la moelle épinière présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'Institut du cerveau et de la moelle épinière est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'Institut du cerveau et de la moelle épinière et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 2 septembre 2021, où siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 septembre 2021.
Le rapporteur,
K. AGGIOURILa présidente,
H. VINOT
La greffière,
F. DUBUY-THIAM
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA01104