Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 mars et 22 octobre 2021, et un mémoire de production de pièces enregistré le 20 décembre 2021, Mme B..., représentée par Me Luce, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1911514 du 16 septembre 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2019 du préfet du Val-de-Marne ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 10 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour le temps de l'instruction, dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 10 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Luce de la somme de 1 600 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de la régularité du jugement :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
S'agissant du bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'incompétence de son signataire ;
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen individuel et approfondi de sa situation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas produit de mémoire.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 15 février 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de cette loi ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G...,
- et les observations de Me Luce, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., née le 8 août 1987 à Dakar (Sénégal), a demandé au tribunal administratif de Montreuil l'annulation de l'arrêté du 21 novembre 2019 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'issue de ce délai. Mme B... relève appel du jugement du 16 septembre 2020 ayant rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Contrairement à ce que Mme B... soutient, le tribunal, qui a répondu à tous les moyens soulevés devant lui, y compris celui tiré de la méconnaissance par l'arrêté attaqué des dispositions de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, aux points 17 et 18 du jugement, a suffisamment motivé son jugement. Par ailleurs, la critique du bien-fondé du jugement, s'agissant notamment de ce que le tribunal aurait à tort retenu la compétence du signataire de l'arrêté litigieux, en se référant à un arrêté déléguant audit signataire la compétence pour signer des décisions de transferts, et non pas des obligations de quitter le territoire français, est sans incidence sur la régularité du jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, M. F..., directeur des migrations et de l'intégration à la préfecture du Val-de-Marne, qui a signé l'arrêté attaqué, bénéficiait d'une délégation de signature du préfet du Val-de-Marne en date du 5 août 2019, régulièrement publiée au recueil spécial des actes administratifs le même jour, notamment à l'effet de signer " (...) / - les décisions d'obligation de quitter le territoire français / (...) ". Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée ".
6. L'arrêté du 21 novembre 2019 vise notamment le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier l'article L. 511-1-I 6° sur le fondement duquel l'obligation de quitter le territoire français a été prise, ainsi que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier ses articles 3 et 8. Il est mentionné que la demande d'asile de Mme B... a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 7 juin 2019, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 27 septembre 2019. Il est également indiqué que la décision qui lui est opposée ne contrevient pas aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Val-de-Marne n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation de la requérante, s'agissant en particulier des éléments relatifs à sa vie privée et familiale.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Et aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
9. Mme B... se prévaut de ces stipulations, en faisant valoir que depuis leur mariage religieux le 20 août 2017, elle vit avec M. A... C..., ressortissant guinéen en situation régulière en France, avec lequel elle a eu un fils, D..., né le 12 juin 2018, et dont elle était également enceinte d'un deuxième enfant à la date de l'arrêté litigieux. Toutefois, à supposer même que la production de l'acte de naissance H... D... et d'une attestation d'hébergement du Samu social en date du 12 février 2020 suffise à établir la réalité de la vie commune avec M. C..., la requérante n'établit pas que celle-ci ne pourrait pas se poursuivre au Sénégal, pays dans lequel elle n'établit pas être dépourvue d'attaches privées et familiales et où elle a vécu jusqu'à l'âge de 30 ans, ou en Guinée, pays origine de M. C.... Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par la décision litigieuse de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté. Pour les mêmes raisons, et à supposer que Mme B... ait entendu reprendre ce moyen en appel, la requérante, qui n'établit pas la réalité et l'intensité des liens qu'elle aurait noués avec ses deux frères Aboubacar et Djibril B..., qui résident régulièrement en France, et qui ne fait état d'aucun élément attestant d'une intégration particulière, n'est pas fondée à soutenir que la décision litigieuse méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui la décision fixant le pays de renvoi :
10. En premier lieu, la décision fixant le pays de renvoi constitue, en vertu des dispositions alors codifiées au premier alinéa de l'article L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une décision distincte de l'obligation de quitter le territoire français, qui fait l'objet d'une motivation spécifique. La décision en litige, qui relève que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne sont pas méconnues est, en l'espèce, suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
11. En deuxième lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision faisant obligation à Mme B... de quitter le territoire français doit être écarté. Par suite, les conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi ne peuvent qu'être rejetées.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fins d'annulation doivent être rejetées de même que, par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction, et celles présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 6 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Cécile Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 janvier 2022.
La rapporteure,
C. G...La présidente,
H. VINOT
La greffière,
F. DUBUY-THIAM
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA01528 2