Procédure devant la Cour :
Par un recours, enregistré le 7 octobre 2016, et des mémoires enregistrés le 21 septembre 2017 et le 11 avril 2019, le ministre de l'économie et des finances demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement n° 1512900 du 12 juillet 2016 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rétablir M. et Mme B...au rôle de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2008, à raison des droits et pénalités dont la décharge a été prononcée à tort par le tribunal ;
3°) d'ordonner la restitution de la somme de 2 000 euros indûment versée en exécution de ce jugement au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le ministre de l'économie et des finances soutient que :
- compte tenu de la nature des fonctions exercées par M. B... au sein du groupe Wendel et du caractère peu risqué de l'investissement réalisé, c'est à tort que le tribunal a considéré que le gain résultant de la cession, le 20 mai 2008, des titres CDO à la société Ofilux Finances était imposable selon le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières prévu par l'article 150-0 A du code général des impôts ;
- les moyens soulevés en première instance et en appel par M. et Mme B...ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense enregistrés les 27 février et 27 octobre 2017, 20 mars 2018, 28 mars et 18 avril 2019, M. et MmeB..., représentés par Me Sollier, demandent à la Cour de rejeter le recours du ministre de l'économie et des finances et de mettre à la charge de l'État une somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. et Mme A...B...soutiennent que :
- le service a méconnu les dispositions de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales ;
- les impositions ont été établies en méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;
- écartant implicitement l'acte de cession des titres à la société civile BJPG Assets, l'administration s'est nécessairement placée sur le terrain de l'abus de droit sans respecter les garanties attachées à la mise en oeuvre de la procédure de répression de l'abus de droit fiscal prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;
- le délai de reprise de l'administration était prescrit lorsque le service leur a adressé la proposition de rectification du 16 décembre 2011, dès lors que le supposé avantage salarial dont M. B... aurait bénéficié n'était imposable qu'au titre de l'année 2004 ;
- l'administration ne pouvait imposer le gain réalisé par la société civile BJPG Assets, société de personnes, qui n'était pas assujettie à l'impôt sur les sociétés, dans la catégorie des traitements et salaires ;
- la proposition de rectification adressée à la société civile BJPG Assets, qui constitue la décision infligeant les pénalités pour manquement délibéré, ne comporte pas le visa de l'inspecteur principal en méconnaissance de l'article L. 80 E du livre des procédures fiscales ;
- l'administration, qui n'établit pas le manquement délibéré reproché à M.B..., ne pouvait infliger aux contribuables les pénalités au taux de 40% prévues par l'article 1729, a) du code général des impôts ;
- les moyens soulevés par le ministre de l'économie et des finances ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Poupineau ;
- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public ;
- et les observations de Me Sollier, avocat de M. et MmeB....
Une note en délibéré, enregistrée le 3 juin 2019, a été présentée pour M. et MmeB....
Considérant ce qui suit :
1. La société Wendel Investissement a acquis le 30 septembre 2004 le groupe Editis, second groupe d'édition français, qu'elle a revendu le 30 mai 2008 au groupe espagnol Planeta. Parallèlement, elle a mis en place des instruments juridiques et financiers visant à associer à cette opération certains de ses cadres dirigeants, afin de leur permettre d'appréhender, au travers de prises de participations, une partie du gain réalisé lors de la revente d'Editis en 2008. M. B... a ainsi acquis, les 27 décembre 2004 et 16 novembre 2005, respectivement 7 500 et 2 000 actions de préférence de la société CDO, constituée à cet effet et conçue comme un véhicule d'investissement, pour un montant total de 190 000 euros. Le 27 juin 2007, il a cédé à leur prix de revient 2 500 de ces actions de préférence à la société civile BJPG Assets, qu'il avait créée avec son épouse le 7 février 2007 et dont il était le gérant. Par ailleurs, il a, le 18 avril 2008, fait donation à chacun de ses trois enfants de 1 200 actions et à son épouse de 1 400 actions, valorisée à 561,45 euros chacune. A l'issue de ces opérations, il ne détenait plus en propre que 2 000 actions de préférence de la société CDO.
2. La société civile BJPG Assets a, le 20 mai 2008, cédé ses 2 500 actions de préférence de la société CDO à la société Ofilux Finances pour un montant total de 1 589 499 euros et a ainsi réalisé un gain net de 1 539 499 euros. M. et Mme B...ont mentionné dans la déclaration qu'ils ont souscrite au titre de l'année 2008 une moins-value d'un montant de 195 467 euros comprenant le gain réalisé par la société BJPG Assets. Le même jour, M. et Mme B...et leurs trois enfants ont cédé leurs actions de préférence de la société CDO à la société Ofilux Finances. Les gains correspondants ont été imposés, conformément aux déclarations souscrites par les contribuables, selon le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières prévu par l'article 150-0 A du code général des impôts.
3. M. et Mme B...ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle à l'issue duquel le service a d'abord écarté, comme étant constitutives d'un abus de droit, les donations des 5 000 actions de préférence de la société CDO effectuées par M. B...au profit de son épouse et de ses enfants et a imposé les gains résultant de leur cession à la société Ofilux Finances entre les mains de M.B.... Il a, ensuite, considéré que les gains de cession des actions détenues par M. B... et la société BJPG Assets, constituaient, pour partie, à concurrence de 63,54 % de leurs montants, un complément de salaire accordé à M. B... à raison des fonctions que celui-ci exerçait alors au sein du groupe Wendel, taxable, selon la procédure de rectification contradictoire, dans la catégorie des traitements et salaires. M. et Mme B...ont, en conséquence de ces rectifications, été assujettis à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu, assortie notamment de la majoration de 80 % pour abus de droit prévue par les dispositions du b) de l'article 1729 du code général des impôts et de pénalités pour manquement délibéré sur le fondement du a) du même article.
4. Par un jugement en date du 12 juillet 2016, le Tribunal administratif de Paris, faisant droit à la demande de M. et MmeB..., a prononcé la décharge de cette imposition et des pénalités correspondantes et mis à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le ministre de l'économie et des finances relève appel de ce jugement en tant seulement qu'il se rapporte à la taxation des gains réalisés par M. B...directement et indirectement, à travers la société BJPG Assets, lors de la cession de 4 500 titres de la société CDO à la société Ofilux Finances. Il demande, en conséquence, à la Cour de rétablir M. et Mme B...au rôle de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2008 à concurrence de la somme totale de 569 191 euros et d'ordonner la restitution des sommes allouées par les premiers juges aux intéressés au titre des frais d'instance.
Sur le motif de décharge retenu par les premiers juges :
5. Aux termes de l'article 79 du code général des impôts : " Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu. ". Aux termes de l'article 82 de ce code : " Pour la détermination des bases d'imposition, il est tenu compte du montant net des traitements, indemnités et émoluments, salaires, pensions et rentes viagères, ainsi que de tous les avantages en argent ou en nature accordés aux intéressés en sus des traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères proprement dits. (...) ". Aux termes du 1 du I de l'article 150-0 A du même code, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que des articles 150 UB et 150 UC, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux (...) de valeurs mobilières (...) sont soumis à l'impôt sur le revenu lorsque le montant de ces cessions excède, par foyer fiscal, (...) 25 000 euros pour l'imposition des revenus de l'année 2008 (...) ".
6. Ainsi qu'il a été dit au point 1, la société Wendel Investissement, qui a acquis le 30 septembre 2004 le groupe Editis et l'a revendu le 30 mai 2008 au groupe Planeta a élaboré et mis en place des instruments juridiques et financiers pour associer à cette opération certains de ses cadres dirigeants et leur permettre d'appréhender une partie du gain réalisé lors de cette revente. A cet effet, les cadres que la société Wendel Investissement a souhaité faire bénéficier de l'opération ont été regroupés au sein de la société CDO, créée par la société Ofilux Finances le 1er décembre 2004, elle-même entièrement détenue par la société Wendel Investissement et dont ils ont pu acquérir un nombre total de 50 000 actions de préférence au prix unitaire de 20 euros. Chacune de ces actions de préférence pouvait être convertie, à la date du changement de contrôle de la société Editis Holding ou, à défaut, lors de l'entrée de cette société en cotation sur un marché réglementé, et au plus tard, à la date du 15 décembre 2010, en un nombre prédéfini d'actions ordinaires selon une parité d'échange dépendant d'un multiple de valorisation fixé par les statuts de la société CDO. Par ailleurs, la société CDO a elle-même acheté, le 31 décembre 2004, 125 000 actions de la société Odyssée 3, dont la société Ofilux Finances était jusqu'alors la seule associée. Enfin, la société Odyssée 3 a acquis en 2007 des bons de souscription d'actions (BSA) dits Topco, émis par la société Odyssée Holding, société mère des sociétés opérationnelles du groupe Editis. L'exercice de ces BSA " Topco " devait permettre à la société Odyssée 3, si l'opération d'achat et de revente du groupe Editis présentait pour le groupe Wendel un taux de rentabilité interne (TRI) supérieur à 15%, de détenir jusqu'à 49,94 % du capital de la société Odyssée Holding lors de sa cession. Le 20 mai 2008, les 50 000 actions de préférence de la société CDO cédées aux cadres de la société Wendel Investissement ont été revendues à la société Ofilux Finances au prix unitaire de 642 euros. Ce prix a été déterminé compte tenu de la possibilité, d'une part, pour les propriétaires de ces actions, de convertir chacune d'entre elles en 14 actions ordinaires, conformément aux statuts de la société CDO, et d'autre part, pour la société Odyssée 3, d'exercer concomitamment la totalité des BSA " Topco " et d'acquérir, par voie de conséquence, près de la moitié du capital de la société mère des sociétés opérationnelles du groupe Editis.
7. Le service a constaté que l'ensemble de ces instruments, et en particulier les modalités de conversion en actions ordinaires des 50 000 actions de préférence de la société CDO, permettaient au propriétaire de ces actions, d'une part, de voir sa participation directe au capital de la société CDO passer de 25 à 82,35 % et, d'autre part, de voir sa participation indirecte au capital de la société Odyssée 3 passer de 7,15 à 19,61 %. La détermination du prix de cession de ces 50 000 actions par anticipation a permis aux cadres managers du groupe Wendel de réaliser un gain d'un montant total de 30,8 millions d'euros le 20 mai 2008, alors qu'ils n'avaient investi dans la société CDO qu'une somme totale d'un million d'euros. Il a, par ailleurs, considéré que le gain ainsi réalisé par les intéressés procédait, pour partie, de la mise en place d'un mécanisme d'intéressement destiné à les gratifier pour leur implication dans la réalisation de l'opération de cession du groupe Editis et qu'il constituait, à concurrence de 63,54 % de son montant, pourcentage correspondant à l'augmentation de leur participation théorique indirecte dans le capital de la société Odyssée 3, un complément de salaire, imposable dans la catégorie des traitements et salaires.
8. Il résulte de l'instruction que le groupe Wendel a souhaité gratifier ses cadres dirigeants pour leur contribution et leurs efforts à la réussite de l'opération d'achat et de revente du groupe Editis par la mise en place à leur seul bénéfice d'un mécanisme d'intéressement particulier, distinct de celui proposé sous forme de stock-options aux autres managers du groupe, et devant leur permettre de percevoir une partie du prix de cession du groupe Editis en 2008 en les regroupant au sein de la société CDO, conçue comme un véritable véhicule d'intéressement. A cet égard, conformément aux statuts de la société CDO, la souscription d'actions de préférence de cette société, et, par suite, le bénéfice du mécanisme ci-dessus décrit, étaient subordonnés à la qualité de salarié du groupe Wendel, les cadres intéressés ayant pris l'engagement, lors de l'acquisition de ces actions de préférence, dont le nombre était lié à l'importance de leurs fonctions ou à leur position au sein du groupe, de les revendre à la société Ofilux Finances à leur valeur nominale en cas de cessation de leurs fonctions. Dans ces conditions, le gain réalisé par M.B..., qui était directeur des investissements et membre du directoire de la société Wendel Investissement puis membre du comité opérationnel du groupe Wendel, doit être regardé comme trouvant son origine dans les fonctions salariées qu'il exerçait au sein de ce groupe.
9. Le tribunal a considéré cependant que le gain en litige ne présentait pas le caractère d'un complément de salaire, dès lors qu'il avait nécessité un investissement préalable important et que cet investissement avait été aléatoire et risqué. Mais, ainsi qu'il a été dit au point 6, il résulte de l'instruction que les cadres dirigeants ont bénéficié de conditions très favorables lors de la souscription au capital de la société CDO puisqu'ils ont acquis les actions de préférence de cette société au même prix unitaire de 20 euros que les actions ordinaires, alors que ces dernières n'ouvraient pas droit à une possibilité de conversion. L'acquisition des BSA " Topco ", pour un montant total de 16,5 millions d'euros, n'a été financée que de façon très marginale par les cadres, les fonds résultant de leur entrée au capital de la société CDO ne s'élevant qu'à un million d'euros. Par ailleurs, l'exercice de ces BSA, qui a permis, lors du débouclage de l'opération, d'augmenter la participation de la société Odyssée 3 dans la société Odyssée Holding et donc la valeur des titres de la société CDO détenus par les cadres dirigeants de Wendel, a été réalisé grâce à un emprunt obligataire émis par la société Odyssée 3 et souscrit par le groupe Wendel, c'est-à-dire sans que les cadres associés de la société CDO n'aient à effectuer un investissement supplémentaire et à supporter le risque lié à cet investissement.
10. Par ailleurs, il résulte des stipulations des statuts de la société CDO, qu'en l'absence, à la date du 15 décembre 2010, de cession du groupe Editis ou d'entrée de la société Odyssée Holding en cotation sur un marché réglementé, les actions de préférence des cadres du groupe Wendel auraient été, à cette même date, automatiquement converties en actions ordinaires selon un taux de conversion de une pour vingt. Ce taux de conversion, le plus favorable des taux prévus par les statuts de la société CDO, leur aurait permis, en dépit de l'échec de l'opération d'achat et de revente à court terme du groupe Editis, de détenir 87 % du capital de la société CDO, nettement valorisée par la détention indirecte des BSA " Topco ". Enfin, dans l'hypothèse peu probable d'une cession du groupe Editis dans des conditions défavorables avant le 15 décembre 2010, qui les aurait amenés à devoir supporter une parité d'échange peu avantageuse, les cadres du groupe Wendel auraient néanmoins été assurés de récupérer au minimum leur investissement d'origine, correspondant au prix d'acquisition des actions de préférence de la société CDO, dès lors que ces actions auraient été mécaniquement valorisées par la détention d'une partie du capital de la société Odyssée 3 et par l'exercice par cette société des BSA " Topco ". A cet égard, le ministre relève également, à juste titre, que le groupe Editis devait continuer à se développer entre 2004 et 2008 en procédant à l'acquisition de sept importantes maisons d'édition, le secteur de l'édition étant alors caractérisé par des perspectives plutôt favorables. Le ministre ajoute enfin que les statuts de la société CDO ne s'opposaient pas, en tout état de cause, à ce que, dans l'hypothèse d'une conversion défavorable des actions de préférence en actions ordinaires donnant lieu à une diminution du nombre d'actions et entrainant une réduction du capital de la société CDO, ses associés, soit le groupe Wendel, via la société Ofilux Finances, et ses propres cadres managers, décidassent le remboursement des apports effectués par ceux-ci, prime d'émission incluse. Ainsi, l'ensemble des garanties caractérisant le mécanisme élaboré par le groupe Wendel pour ses cadres dirigeants ont permis à ces derniers de réaliser, sur une courte période, des gains substantiels avec des apports limités sans supporter aucun risque d'investisseur, leur investissement initial étant en effet sécurisé en toutes hypothèses.
11. Il résulte de tout ce qui précède qu'en l'absence de risque et alors que le gain en litige se rattache exclusivement aux fonctions exercées par M. B... au sein de la société Wendel Investissement, c'est à bon droit que le service a imposé dans la catégorie des traitements et salaires la partie du gain en litige. Le ministre est, dès lors, fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a considéré que cette partie du gain n'était pas imposable dans cette catégorie et qu'il a, pour ce motif, prononcé la décharge de l'imposition supplémentaire mise à la charge de M. et Mme B...à raison de la cession par M. B... et la société BJPG Assets de 4 500 actions de préférence de la société CDO.
12. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme B...tant devant elle que devant le Tribunal administratif de Paris.
Sur les autres moyens soulevés par M. et MmeB... :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
13. En premier lieu, aux termes de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales : " A l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu (...), lorsque des rectifications sont envisagées, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou dans la notification mentionnée à l'article L. 76, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces rectifications. Lorsqu'à un stade ultérieur de la procédure de rectification contradictoire l'administration modifie les rehaussements, pour tenir compte des observations et avis recueillis au cours de cette procédure, cette modification est portée par écrit à la connaissance du contribuable avant la mise en recouvrement, qui peut alors intervenir sans délai. (...) ".
14. M. et Mme B...reprochent à l'administration d'avoir, postérieurement à l'expiration du délai de reprise, dans la lettre valant réponse aux observations des contribuables du 10 décembre 2012, modifié à la hausse les conséquences financières des rehaussements, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, et mis en recouvrement des sommes supérieures à celles mentionnées dans la proposition de rectification du 16 décembre 2011, sans leur avoir cependant accordé un nouveau délai pour présenter leurs observations.
15. Toutefois, il résulte de l'instruction, que, pour le calcul des droits et pénalités mentionnés dans la proposition de rectification, le service a omis de tenir compte du montant des revenus de source étrangère perçus par M. B...au cours de l'année 2008. Par la lettre précitée en date du 10 décembre 2012, il a rectifié cette erreur et porté à la connaissance des intéressés les nouvelles conséquences financières des rehaussements en tenant compte, cette fois, de leurs revenus de source étrangère. Ainsi, la modification du montant des droits mis à la charge de M. et Mme B... ne résulte pas d'une correction à la hausse des montants des rectifications mentionnés dans la proposition de rectification mais de la prise en compte, à une date à laquelle le délai de reprise n'avait en tout état de cause pas encore expiré dans la mesure où il avait été interrompu par la notification régulière de la proposition de rectification du 16 décembre 2011, de revenus initialement déclarés par les contribuables que le service n'avait pas intégrés dans le calcul de l'impôt dû au titre de l'année 2008. Dès lors, les moyens doivent être écartés.
16. En second lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ".
17. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, d'informer le contribuable, avec une précision suffisante, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition, afin de permettre à l'intéressé, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements, soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable en fait la demande à l'administration, celle-ci est tenue, lorsqu'elle en dispose, de lui communiquer avant la mise en recouvrement des impositions les documents ou copies de documents contenant les renseignements qu'elle a obtenus auprès de tiers et qui lui sont opposés. Il en va ainsi, sauf dans le cas d'informations librement accessibles au public, alors même que le contribuable a pu avoir connaissance de ces renseignements ou de certains d'entre eux, afin notamment de lui permettre d'en vérifier, et le cas échéant d'en discuter, l'authenticité et la teneur.
18. Il résulte de l'instruction que, dans leurs observations en date du 20 février 2012, antérieures à la mise en recouvrement de l'imposition en litige, présentées en réponse à la proposition de rectification du 16 décembre 2011, M. et Mme B...ont sollicité la communication de l'ensemble des pièces citées dans cette proposition de rectification et de tous renseignements et copies de documents obtenus de tiers sur lesquels le service s'était fondé pour établir cette imposition, que ces documents aient été obtenus dans le cadre d'un droit de communication ou d'un droit de visite et de saisie.
19. M. et Mme B...soutiennent que la proposition de rectification du 16 décembre 2011 ne comporte aucune information sur l'origine des renseignements contenus dans l'acte du 20 mai 2008 relatif au rachat par le Groupe Wendel, par le biais de la société Ofilux Finances, de l'intégralité des actions de la société CDO aux cadres dirigeants du groupe wendel. Ils reprochent, également, au service de ne pas leur avoir communiqué ce document en dépit de leur demande. Il résulte, toutefois, de l'instruction que les informations relatives au rachat des actions de la société CDO par la société Ofilux Finances sont issues non pas de l'acte dont se prévalent les intimés, mais du projet de fusion du 24 avril 2008 entre les sociétés CDO et Odyssée 3. Ce document, qui, ainsi qu'il est précisé dans la proposition de rectification, a été obtenu par l'administration en usant de son droit de communication auprès de l'INPI, a été joint en annexe à la réponse aux observations des contribuables du 10 décembre 2012. La circonstance que le projet de fusion ne mentionnerait pas la date de réalisation de la cession des titres de la société CDO n'est pas susceptible d'établir que les informations précitées reportées dans la proposition de rectification proviendraient d'un autre document et, notamment, du ou des actes de cession du 20 mai 2008.
20. Par ailleurs, la réponse adressée aux contribuables à la suite de leurs observations à la proposition de rectification mentionne que le rapport public de l'année 2004 de la société Wendel Investissement émane du groupe Wendel et que la décision de la société Wendel du 26 juin 2007, prise en qualité d'associé unique et de président de la société Odyssée Holding a été obtenue par l'administration grâce à l'exercice de son droit de communication auprès de l'INPI. L'obligation d'information à laquelle était tenue l'administration en vertu de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, ne s'étendait pas aux tableaux d'actif du bilan de clôture de l'exercice 2004 de la société par actions simplifiée Odyssée Holding, qui avaient été transmis au greffe du tribunal de commerce en application de l'article L. 232-23 du code de commerce, pour être annexés au registre du commerce et des sociétés, ce qui les rendait accessibles au public. L'ensemble de ces documents a, en outre, été communiqué aux contribuables par un courrier du 13 avril 2013.
21. Enfin, contrairement à ce que soutiennent les intimés, les informations contenues dans les statuts de la société Compagnie de l'Audon et les déclarations 2074 et 2075 souscrites par la société BJPG Assets, n'ont pas été utilisées par le service pour remettre en cause la nature des gains en litige ou les donations effectuées par M. B...au profit de son épouse et de ses enfants, et n'ont ainsi pas fondé ou conforté les rectifications contestées. Par ailleurs, les déclarations 2074 et 2075 ont été transmises au service par les contribuables par lettre du 9 novembre 2011 et ne peuvent, dès lors, être regardées comme ayant été obtenues de tiers au sens de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.
22. Ainsi, le service n'ayant pas, pour établir les impositions, exploité des informations obtenues auprès de tiers, dont il aurait omis de préciser l'origine et la teneur ou qu'il n'aurait pas communiquées aux contribuables, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B doit être écarté.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
S'agissant du gain correspondant aux actions cédées par la société BJPG ASSETS :
23. Aux termes de l'article 8 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. (...) Il en est de même, sous les mêmes conditions : 1° Des membres des sociétés civiles qui ne revêtent pas, en droit ou en fait, l'une des formes de sociétés visées à l'article 206 1 et qui, sous réserve des exceptions prévues à l'article 239 ter, ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 ; (...) ". Aux termes de l'article 238 bis K de ce code : " (...) II. Dans tous les autres cas, la part de bénéfice ainsi que les profits résultant de la cession des droits sociaux sont déterminés et imposés en tenant compte de la nature de l'activité et du montant des recettes de la société ou du groupement ".
24. Il résulte de l'instruction que la société civile BJPG Assets, dont M. et Mme B...étaient les associés et à laquelle M. B...a cédé, le 27 juin 2007, 2 500 actions de préférence de la société CDO pour leur valeur d'origine, n'a pas opté pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés. Elle n'était, par nature, pas salariée du groupe Wendel ni d'aucun autre employeur. Par suite, le service, qui n'a pas entendu écarter l'interposition de la société civile BJPG Assets comme ne lui étant pas opposable, sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, au motif qu'elle présentait un caractère fictif ou que sa création répondait à un but exclusivement fiscal en vue d'une application littérale de textes ou de décisions à l'encontre des objectifs de leurs auteurs, ne pouvait pas requalifier en complément de salaire une partie du gain résultant de la cession par cette société des titres de la société CDO à la société Ofilux Finances, et ce, alors même que M. B..., qui contrôlait et dirigeait la société civile BJPG Assets, exerçait lui-même une activité salariée au sein de la société Wendel. En conséquence, c'est à tort que le service a requalifié une fraction de ce gain en complément de salaires et qu'il l'a, par suite, imposée entre les mains de ses associés dans la catégorie des traitements et salaires.
S'agissant du gain correspondant aux actions cédées par M.B... :
25. En vertu de l'article 156 du code général des impôts, un revenu est imposable à l'impôt sur le revenu au titre de l'année au cours de laquelle le foyer fiscal en a eu la disposition.
26. M. et Mme B...soutiennent que l'imposition du complément de salaire aurait dû être établie au titre de l'année 2004, laquelle est prescrite, dès lors que le gain taxable correspond à la minoration du prix d'acquisition des titres de la société CDO.
27. Il résulte, toutefois, de l'instruction que l'administration a entendu imposer uniquement le gain réalisé par M. B... lors de la cession, le 20 mai 2008, des titres de la société CDO à la société Ofilux Finances et non, ainsi que le soutiennent M. et MmeB..., l'avantage allégué résultant d'une supposée minoration du prix d'acquisition de ces titres en 2004. Ce gain ayant été mis à la disposition de M. B... au cours de l'année 2008, c'est à bon droit que le service l'a imposé au titre de cette année dans la catégorie des traitements et salaires. Par suite, le moyen tiré de ce que l'administration aurait commis une erreur dans la détermination de l'année d'imposition qui serait couverte par la prescription doit être écarté.
En ce qui concerne les pénalités :
S'agissant de la régularité de la procédure d'établissement des pénalités :
28. Aux termes de l'article L. 80 E du livre des procédures fiscales : " La décision d'appliquer les majorations et amendes prévues aux articles 1729, 1732 et 1735 ter du code général des impôts est prise par un agent de catégorie A détenant au moins un grade fixé par décret qui vise à cet effet le document comportant la motivation des pénalités. ". Aux termes de l'article R. 80 E-1 de ce livre : " La décision d'appliquer les majorations et amendes mentionnées à l'article L. 80 E est prise par un agent ayant au moins le grade d'inspecteur divisionnaire ".
29. Il ressort des mentions de la proposition de rectification du 16 décembre 2011 adressée à M. et MmeB..., qui comporte la motivation de la pénalité pour manquement délibéré infligée aux intéressés sur le fondement des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts, qu'elle a été visée par un agent ayant le grade d'inspecteur principal, conformément aux exigences des articles L. 80 E et R. 80 E-1 du livre des procédures fiscales qui n'ont ainsi pas été méconnus contrairement à ce que soutiennent M. et MmeB.... Dès lors, la circonstance alléguée que la proposition de rectification adressée à la société civile BJPG Assets ne comporte pas le visa prévu à l'article L. 80 E est sans incidence sur la régularité des pénalités en litige.
S'agissant du bien-fondé des pénalités :
30. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ".
31. Pour justifier l'application des pénalités pour manquement délibéré, le service s'est fondé sur la circonstance que M. B... avait participé à la mise en place du projet de restructuration interne et de réorganisation du groupe Wendel, qu'il avait également participé au transfert, le 30 mai 2008, au profit de la société Odyssée 3 du contrôle d'environ 50 % du groupe Editis, qu'il avait pris connaissance du rapport publié en 2004 par le groupe Wendel, qui prévoyait l'association des cadres de Wendel selon le mécanisme d'intéressement litigieux et qu'il était ainsi parfaitement informé des opérations visant à l'intéressement des managers. Il en a déduit que M. B... ne pouvait ignorer que l'opération de rachat des titres de la société CDO par la société Ofilux Finances ne constituait pas une opération d'intéressement classique mais qu'elle visait à dissimuler l'existence d'un avantage salarial imposable dans la catégorie des traitements et salaires. Il a enfin relevé l'importance de l'imposition éludée. En se fondant sur ces éléments, l'administration doit être regardée comme établissant l'intention délibérée de M. et Mme B... de minorer l'impôt dont ils étaient redevables et, par suite, le bien-fondé de la majoration contestée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts doit être écarté.
32. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge de la fraction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle M. et Mme B... ont été assujettis au titre de l'année 2008, résultant de la taxation du gain correspondant à la cession des 2 500 actions de la société CDO par la société civile BJPG Assets à la société Ofilux Finances, ainsi que des pénalités correspondantes.
33. En revanche, le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal a prononcé la décharge de l'imposition mise à la charge de M. et Mme B... à raison de la cession des 2 000 titres de la société CDO que M. B... détenait à titre personnel, ainsi que des intérêts de retard et des pénalités correspondants.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
34. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
35. D'une part, le ministre de l'action et des comptes publics, qui tient du décret du 29 décembre 1962 le pouvoir d'émettre un titre exécutoire à l'effet d'obtenir le remboursement des sommes mises en première instance à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, n'est pas recevable à demander à la Cour la restitution des sommes ainsi versées. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. et Mme B...présentées sur le fondement de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu résultant de la taxation, au titre de l'année 2008, du gain réalisé par M. B... lors de la cession à la société Ofilux Finances des 2 000 titres de la société CDO qu'il détenait à titre personnel est remise à la charge de M. et Mme B..., ainsi que les intérêts de retard et la majoration correspondants.
Article 2 : Le jugement n° 1512900 du 12 juillet 2016 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du ministre de l'économie et des finances est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de M. et Mme B...présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à M. et Mme A...B....
Délibéré après l'audience du 29 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Poupineau, président assesseur,
- M. Doré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 juin 2019.
Le rapporteur,
V. POUPINEAULe président,
S.-L. FORMERY
Le greffier,
C. RENÉ-MINELa République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA03029