Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 juillet 2017 et 16 février 2018, la société Solaire Durance, représentée par Me B...et MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1607455 du 23 mai 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012 pour un montant de 8 915 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le taux de 5 % qu'elle a appliqué n'est pas excessif par rapport à celui que sa filiale aurait pu obtenir d'établissements financiers indépendants dans des conditions analogues, et qu'il correspond au taux du marché ; elle a obtenu d'établissements financiers indépendants des taux supérieurs à ceux appliqués aux avances en compte courant d'associé ; elle en apporte la preuve par un contrat de prêt en date du 30 juillet 2009, signé par sa filiale avec trois établissements bancaires pour le financement du même investissement ;
- la doctrine administrative publiée au BOI-IS-BASE-35-20-10, qui prévoit que l'administration ne peut exiger, de manière systématique, de l'emprunteuse la production d'une offre de prêt contemporaine aux opérations en litige, et considère qu'une telle offre de prêt peut constituer la preuve, parmi d'autres, que le taux pratiqué correspond à celui que lui aurait proposé un établissement ou organisme financier indépendant dans une situation analogue, s'applique ; elle est également fondée à se prévaloir de la doctrine administrative référencée BOI 4 H 8 07 ;
- les avances en comptes courants d'associés doivent être regardées comme des prêts à long terme ;
- l'existence d'un risque élevé justifie l'application d'un taux supérieur à celui défini au 3° de l'article 39-1-3° du code général des impôts, et les caractéristiques de maturité du prêt accordé à sa filiale pouvaient justifier un taux analogue à celui consenti par les trois organismes bancaires ayant prêté à sa filiale ;
- s'agissant de la déductibilité des charges d'intérêt en situation de sous-capitalisation, les montants reportés dans les liasses fiscales ont été correctement déterminés conformément aux dispositions du II de l'article 212 du code général des impôts.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 septembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par la société Solaire Durance ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lescaut,
- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Solaire Les Mées 1, intégralement détenue par la société mère Solaire Durance depuis 2011, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos au 31 décembre 2011 et 31 décembre 2012, à l'issue de laquelle la société Solaire Durance, société mère de l'EURL Solaire Les Mées 1 a été assujettie à des cotisations d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2011 et 2012 à raison de la réintégration dans les résultats de cette société filiale, au titre de chacun de ces deux exercices, de la fraction des intérêts dus à sa société mère, supérieure à la limite prévue par les dispositions précitées du I de l'article 212 du code général des impôts, et de la réduction, à hauteur de ces fractions, des charges d'intérêts déductibles versés à des entreprises liées en application du II de cet article. La société Solaire Durance fait appel du jugement en date du 23 mai 2017, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et intérêts de retard, de ces impositions.
Sur le bien fondé des impositions en litige :
En ce qui concerne les charges d'intérêt non-déductibles du résultat fiscal :
S'agissant de l'application de la loi fiscale :
2. Aux termes du I de l'article 212 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " I.-Les intérêts afférents aux sommes laissées ou mises à disposition d'une entreprise par une entreprise liée directement ou indirectement au sens du 12 de l'article 39 sont déductibles dans la limite de ceux calculés d'après le taux prévu au premier alinéa du 3° du 1 de l'article 39 ou, s'ils sont supérieurs, d'après le taux que cette entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues. " Aux termes du 1 de l'article 39 du même code dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) 3° Les intérêts servis aux associés à raison des sommes qu'ils laissent ou mettent à la disposition de la société, en sus de leur part du capital, quelle que soit la forme de la société, dans la limite de ceux calculés à un taux égal à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour des prêts à taux variable aux entreprises, d'une durée initiale supérieure à deux ans. ". En vertu du 12 de l'article 39 du code général des impôts, des liens de dépendance sont réputés exister entre deux entreprises lorsque l'une détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social de l'autre. Le taux prévu au premier alinéa du 3° du 1 de l'article 39 du même code est égal à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour des prêts à taux variable aux entreprises, d'une durée initiale supérieure à deux ans. Pour l'application du I de l'article 212 de ce code, il appartient en cas de litige à une entreprise ayant déduit des intérêts versés à une entreprise liée et dont le taux est supérieur à la limite prévue par ce texte de prouver qu'elle aurait pu obtenir le même taux d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues.
3. La société Solaire Les Mées 1 dont le capital est intégralement détenu par la société Solaire Durance a, dans le cadre de deux protocoles d'accords en compte courant d'associés signés en 2007 et en 2009, puis par convention signée le 7 février 2011, souscrit un prêt d'un montant total de 10 815 238,99 euros par avances en compte courant auprès de sa société mère, la SAS Solaire Durance, pour le financement du développement et de la construction d'un projet de centrale photovoltaïque situé sur la commune des Mées. La société Solaire Les Mées 1 a déduit de son bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés, au titre des deux exercices clos en 2011 et 2012, les intérêts servis à sa société mère au taux de 5 %, pour des montants respectifs de 526 263 euros et 485 091 euros. A l'issue des opérations de contrôle, le service a cependant estimé que les intérêts sur comptes courants entre entreprises liées rémunérés au taux de 5 % excédaient la limite mentionnée à l'article 212 du code général des impôts, et ne pouvaient être admis en déduction que dans la limite des taux de 3,99 % au titre de 2011 et de 3,39 % au titre de 2012 correspondant à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens des établissements de crédit pour les entreprises dont l'exercice comptable coïncide avec les années litigieuses. Il a, par voie de conséquence, considéré que la fraction d'intérêts de 106 305 euros et de 159 541 euros facturés au-delà de ces taux au titre respectivement des exercices clos en 2011 et 2012, ne pouvait être admise en déduction du résultat fiscal de ces deux exercices de la société Solaire Les Mées 1, en application des dispositions du 3° du 1 de l'article 39 du code général des impôts.
4. Il résulte de l'instruction, en particulier de l'annexe 1 de la convention de compte courant signée le 7 février 2011, que le prêt consenti sous forme d'avances en compte courant d'associé par la société Solaire Durance à sa filiale était décomposé en une première avance de 2 275 215,95 euros destinée à financer le développement de ce projet, et en une seconde avance de 7 998 858,66 euros pour le financement des travaux de construction de cette centrale. La convention du 7 février 2011 prévoyait que jusqu'au 31 décembre 2010, l'avance en compte courant d'associé serait rémunérée aux taux d'intérêts mentionnés en Annexe 1, soit 3,5 % par an pour le financement du développement du projet de centrale éolienne, et 5 % par an pour le financement de sa construction, et qu'à compter du 1er janvier 2011, le taux d'intérêt annuel appliqué serait de 5 %.
5. Pour contester la réintégration, au bénéfice imposable des exercices clos en 2011 et 2012 de la société Solaire Les Mées 1, de la fraction considérée par le service comme excédentaire des intérêts déductibles, la société Solaire Durance soutient que le taux de 5 % appliqué dans le cadre de la convention du 7 février 2011 est équivalent à ceux qui lui ont été consentis par des établissements financiers indépendants dans des conditions analogues, et qu'il correspondrait ainsi au taux du marché, dès lors qu'en particulier, cette avance en compte courant d'associé de 10 815 238,90 euros a été mise en place en complément d'un prêt de 50 097 354 euros contracté auprès des organismes bancaires Natixis Bail, OSEO financement, et Crédit coopératif. Elle produit le contrat de prêt en date du 30 juillet 2009 passé par la société Solaire Les Mées 1 avec ces trois organismes bancaires, dont il ressort qu'en effet, la société Solaire Durance était contractuellement tenue, en tant qu'unique associée de la société Solaire Les Mées 1, d'apporter, soit par apport en compte courant d'associé, soit en capital effectivement versé, une somme de 10 274 339 euros correspondant à l'autofinancement à hauteur de 20 % du montant estimé de l'investissement à réaliser pour la construction de la centrale photovoltaïque, objet de l'avance en compte courant d'associé et du contrat de prêt souscrit auprès des organismes bancaires susmentionnés.
6. Il ressort également de ce contrat de prêt que le montant emprunté en 2009 correspondait, d'une part, à un prêt à long terme d'une durée de 18 ans pour le financement des travaux d'investissement dénommé " tranche A " de 41 097 354 euros au taux effectif global annuel de 6,27 % s'agissant de Natixis Bail, de 5,20 % pour OSEO, et de 5,899 % pour le Crédit coopératif, et d'autre part, à un prêt de 9 000 000 euros, dit " tranche B ", pour le financement à court terme sur 24 mois de la seule taxe sur la valeur ajoutée, consenti au taux d'intérêt, selon les banques, de 2,90 %, de 2,50 % et 2,70 %. Ainsi, et dès lors que l'avance en compte courant d'associé avait pour unique objet de financer des travaux de construction, de même que le financement apporté par ces organismes pour les travaux de la tranche A, le taux de 5 % ne pouvait être comparé, comme le fait valoir la société requérante, aux taux consentis pour le financement à court terme qui ne portait que sur le préfinancement de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à la construction du parc solaire, objet du programme d'investissement.
7. Il ressort, par ailleurs, de la lettre de blocage de taux en date du 6 octobre 2009 que les taux, marges comprises, de chaque banque intervenante pour le prêt à long terme de 18 ans accordé pour le financement des travaux d'investissement de la tranche A, ont été définitivement arrêtés à 6,11 % par Natixis Bail, à 5,617 % par OSEO financement, et à 5,91 % par le Crédit coopératif, dès cette date du 6 octobre 2009, soit moins de trois mois après la signature du contrat de prêt le 30 juillet 2009, et que ces taux, qui correspondent à un taux moyen d'intérêt de 5,617 %, ont été appliqués à compter de la mobilisation de ce prêt au cours de l'année 2010 et ce, pour la durée de son remboursement.
8. Toutefois, et contrairement à ce que soutient la société Solaire Durance concernant la structuration de son risque qui serait, selon elle, plus élevé par rapport à celui de la dette " séniors " des organismes bancaires précités pour la dette à long terme de 18 ans, compte tenu de risques de pertes et d'impayés liés, notamment, aux aléas météorologiques importants pesant sur la production d'électricité, il résulte des conditions particulières du contrat d'achat d'énergie conclu le 4 octobre 2010 entre la société Electricité de France et la société Solaire Les Mées 1 que le taux d'intérêt de 5 % a été déterminé en fonction du tarif d'achat d'électricité garanti par le contrat d'achat d'énergie et du niveau du gisement solaire déterminé préalablement par expertise. La société soutient également que les caractéristiques de maturité du prêt accordé à sa filiale pouvaient justifier un taux analogue à celui consenti par les trois organismes bancaires susmentionnés. Cependant, et si la convention de compte courant d'associé prévoit expressément que l'avance consentie à la filiale de la société requérante doit être remboursée dans un délai de vingt ans, étant adossée à un contrat d'achat d'électricité conclu avec Electricité de France pour assurer la rentabilité de la construction du programme d'éolienne, ce contrat d'achat prévoit qu'il peut être résilié à tout moment sous réserve de respecter un préavis de trois mois. Et il résulte de la convention de compte courant d'associé, qui ne met en place aucun échéancier de remboursement de cette avance sur cette période de vingt ans, que les avances en cause étaient remboursables, en principe, à tout moment, contrairement aux prêts consentis par les organismes bancaires dans le cadre du contrat du 30 juillet 2009, la société Solaire Les Mées 1 ayant d'ailleurs, ainsi que cela résulte des rapports de son commissaire aux comptes, procédé au remboursement de cette avance pour un montant de 513 634 euros dès l'exercice 2011, et à hauteur de 2 250 000 euros, dont 1 824 838 euros en capital, à la clôture de l'exercice 2012. La société Solaire Durance n'est pas, dans ces conditions, fondée à soutenir que les caractéristiques de maturité de l'avance octroyée à sa filiale étaient équivalentes à celles du prêt à long terme de 41 097 354 euros consenti par les organismes bancaires indépendants précités pour le financement des travaux d'investissement de la tranche A, ni à faire valoir que l'avance en compte courant d'associé a été consentie dans des conditions analogues à celles auxquelles ces mêmes organismes indépendants ont accordé à sa filiale cet emprunt de 41 097 354 euros. La société requérante n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que l'administration fiscale ne pouvait réintégrer à ses bénéfices imposables la fraction excédentaire des intérêts déductibles régulièrement calculés par les services fiscaux, au titre des exercices clos en 2011 et 2012.
S'agissant de l'application de l'interprétation administrative de la loi :
9. La société Solaire Durance n'est pas fondée à se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction fiscale publiée sous la référence 4 H 8-07 du 31 décembre 2007 et reprise au BOI sous la référence BOI-IS-BASE-35-20-10, qui ne comporte pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt.
En ce qui concerne la déductibilité des charges en situation de sous-capitalisation :
10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 8 ci-dessus que la société Solaire Durance n'est pas fondée à demander la réintégration dans les résultats des exercices clos en 2011 et 2012 de la fraction des intérêts versés par sa filiale Solaire Les Mées 1, excédant la limite prévue par les dispositions précitées du I de l'article 212 du code général des impôts, pour des montants de 106 305 euros et de 159 541 euros. Elle ne peut, par voie de conséquence, demander que soient réintégrés ces mêmes montants au titre de la déduction des charges d'intérêts versés à des entreprises liées du résultat de ces exercices 2011 et 2012.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Solaire Durance n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et intérêts de retard, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012. Ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être également rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Solaire Durance est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Solaire Durance et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur général des finances publiques, direction du contrôle fiscal Île-de-France (division juridique ouest).
Délibéré après l'audience du 17 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Lescaut, premier conseiller,
- M. Doré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 février 2019.
Le rapporteur,
C. LESCAUTLe président,
S.-L. FORMERY
Le greffier,
C. RENÉ-MINE
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA02495