Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 22 juin 2017, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1707213 en date du 1er mai 2017 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande de M. A...tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 avril 2017.
Il soutient que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il ne pouvait être regardé comme ayant présenté une nouvelle demande d'asile lors de son audition en garde à vue après avoir précisé qu'il refuserait d'embarquer sur un vol et alors qu'il ne justifiait pas avoir entrepris les démarches auprès des instances compétentes pour obtenir un réexamen de sa demande d'asile.
La requête du préfet de police a été communiquée à M. A...qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Lescaut a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B...A..., ressortissant nigérian, est entré en France le 19 juillet 2015, selon ses déclarations. La demande d'asile qu'il a formée a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 mars 2016, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 5 août 2016. Par deux arrêtés du 27 avril 2017, le préfet de police a fait obligation à M. A...de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de douze mois. Le préfet de police relève appel du jugement en date du 1er mai 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé ces arrêtés.
2. Aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat (...). Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. La durée de validité de l'attestation est fixée par arrêté du ministre chargé de l'asile. La délivrance de cette attestation ne peut être refusée au motif que l'étranger est démuni des documents et visas mentionnés à l'article L. 211-1. (...) ". Aux termes de l'article L. 743-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. ". L'article L. 743-2 du même code dispose que : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : / (...) / 4° L'étranger n'a introduit une première demande de réexamen, qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité par l'office en application du 3° de l'article L. 723-11, qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement ; 5° L'étranger présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d'une première demande de réexamen / (...) ". Aux termes de l'article L. 723-11 du même code : " L'office peut prendre une décision d'irrecevabilité écrite et motivée, sans vérifier si les conditions d'octroi de l'asile sont réunies, dans les cas suivants : 1° Lorsque le demandeur bénéficie d'une protection effective au titre de l'asile dans un Etat membre de l'Union européenne ; 2° Lorsque le demandeur bénéficie du statut de réfugié et d'une protection effective dans un Etat tiers et y est effectivement réadmissible ; 3° En cas de demande de réexamen lorsque, à l'issue d'un examen préliminaire effectué selon la procédure définie à l'article L. 723-16, il apparaît que cette demande ne répond pas aux conditions prévues au même article / (...)". Et aux termes de l'article L. 723-16 du même code : " A l'appui de sa demande de réexamen, le demandeur indique par écrit les faits et produit tout élément susceptible de justifier un nouvel examen de sa demande d'asile. L'office procède à un examen préliminaire des faits ou des éléments nouveaux présentés par le demandeur intervenus après la décision définitive prise sur une demande antérieure ou dont il est avéré qu'il n'a pu en avoir connaissance qu'après cette décision (...) ".
3. Il ressort de ces dispositions combinées que l'autorité de police est tenue de transmettre au préfet et ce dernier d'enregistrer une demande d'admission au séjour lorsqu'un étranger, lors de son interpellation, formule une demande d'asile. Ces dispositions font dès lors obstacle à ce que le préfet fasse usage des pouvoirs que lui confère le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en matière d'éloignement des étrangers en situation irrégulière, avant d'avoir statué sur cette demande d'admission au séjour déposée au titre de l'asile. Dans l'hypothèse où une première demande d'asile a été antérieurement rejetée, le préfet peut toutefois décider, sur le fondement des dispositions de l'article L. 743-2 alinéas 4 et 5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité, l'éloignement d'un ressortissant étranger à la double condition que cet office ait rejeté la première demande de réexamen pour irrecevabilité et qu'elle n'ait été présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement.
4. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté la demande d'asile présentée par M.A... par décision du 31 mars 2016, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 5 août 2016. Contrairement à ce que soutient le préfet de police, il ressort des pièces du dossier que, lors de son audition par l'autorité de police consécutive à son interpellation du 27 avril 2017, M. A...a indiqué vouloir solliciter le réexamen de sa demande d'asile, qui n'a fait l'objet d'aucune décision d'irrecevabilité de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
5. La situation de M. A...n'entrait dès lors pas dans le champ du 4° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le préfet de police ne pouvait prononcer à l'encontre de l'intéressé une obligation de quitter le territoire français sans délai, fixer le pays de destination et lui interdire le retour sur le territoire français pour une durée de douze mois, sans que ne soit intervenue de décision statuant sur sa demande de réexamen.
6. Le préfet de police n'est, par suite, pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté en date du 27 avril 2017 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, et le pays de destination ainsi que, par voie de conséquence, la décision du même jour d'interdiction de retour sur le territoire.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...A....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président,
- Mme Poupineau, président assesseur,
- Mme Lescaut, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 mai 2019.
Le rapporteur,
C. LESCAUTLe président,
S-L. FORMERY
Le greffier,
C. RENÉ-MINELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA02128