Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 29 juin 2018 et 4 février 2019, M.A..., représenté par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1712322 du 2 mai 2018 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des cotisations primitives de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012, 2013 et 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que le tribunal ne s'est pas prononcé sur les charges locatives considérées comme non déductibles au niveau de la Société Wingate et imposées entre ses mains en tant que revenus réputés distribués ; le tribunal n'a pas non plus répondu à son moyen tiré de ce que les sommes portées au crédit de son compte courant d'associé ne pouvaient correspondre en totalité à des rémunérations dès lors qu'elles correspondaient en partie à des dépenses engagées pour les besoins de la société Wingate et à des apports effectués pour les besoins en trésorerie de celle-ci ; les premiers juges n'ont enfin pas examiné sa note en délibéré enregistrée le 19 avril 2018 ;
- la procédure d'imposition est irrégulière s'agissant des rectifications en matière de salaires, dès lors qu'il a été privé d'un débat oral et contradictoire lors des opérations de contrôle ;
- certaines écritures enregistrées sur son compte courant d'associé ne correspondent pas à des rémunérations, mais à des apports effectués pour les besoins en fonds de roulement de la société, ainsi qu'à divers paiements correspondant à des dépenses engagées pour les besoins de celle-ci dès lors qu'elle ne dispose pas de carte de crédit ;
- les charges locatives ont été engagées dans l'intérêt de la société Wingate et elles étaient justifiées ;
- les indemnités kilométriques étant justifiées par son activité professionnelle, elles ne pouvaient être imposées comme avantages occultes ;
- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 janvier 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lescaut,
- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant M.A....
Une note en délibéré, enregistrée le 10 mai 2019, a été présentée pour M.A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A...détient 85 % du capital de la société Wingate dont il est également le gérant. A l'issue d'une vérification de comptabilité de cette société et d'un contrôle sur pièces, l'administration a rehaussé les revenus déclarés par ce dernier des sommes non déclarées dans la catégorie des traitements et salaires, au titre de chacune des années 2012, 2013 et 2014. Elle a également et notamment estimé que les frais de location versés par la société Wingate pour l'occupation d'une partie du domicile de M. A...pour des montants de 60 000 euros au titre de chacune des années en litige, et les remboursements de frais de déplacements que cette société lui a versés en 2013 et 2014 devaient être regardés comme des rémunérations et avantages occultes imposables entre ses mains, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts. M. A...relève appel du jugement du 2 mai 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012, 2013 et 2014, et des pénalités y afférentes.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. M. A...soutient que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité pour ne pas avoir examiné sa note en délibérée enregistrée le 19 avril 2018 au greffe du Tribunal administratif de Paris. Toutefois, et dès lors que le dégrèvement des pénalités pour manquement délibéré mises à la charge de la société Wingate prononcé par le tribunal dans son jugement n° 1712293 du 17 avril 2018 n'avait, contrairement à ce qu'il fait valoir, aucune incidence sur le litige portant sur les revenus distribués à M.A..., les premiers juges n'ont pas commis d'irrégularité en visant cette note en délibéré sans l'analyser.
3. Il fait également valoir que le tribunal n'a pas répondu à son moyen tiré de ce que les sommes portées au crédit de son compte courant d'associé ne pouvaient correspondre en totalité à des rémunérations dès lors qu'elles correspondaient en partie à des dépenses engagées pour les besoins de la société Wingate et à des apports effectués pour les besoins en trésorerie de celle-ci. Cependant, le tribunal, qui a visé ce moyen, y a suffisamment répondu au point 4 de son jugement.
4. M. A...soutenait à l'appui de sa demande que les sommes qui lui avaient été versées par la société Wingate et qui avaient été déduites par celle-ci à raison de la location d'une partie de son domicile ne constituaient pas des revenus distribués. Le tribunal ne s'étant pas prononcé sur ce moyen, qui n'était pas inopérant, le jugement attaqué doit être annulé. Il y a lieu d'évoquer et de statuer en qualité de juge de première instance. Il appartient dès lors à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les parties tant devant le Tribunal administratif de Paris que devant la Cour.
Sur le bien fondé du jugement :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
5. Il ressort des différents actes de la procédure, et notamment des mentions de la proposition de rectification du 17 décembre 2015 adressée à M.A..., que les impositions mises à la charge de ce dernier procèdent d'un contrôle sur pièces de son dossier fiscal, et non d'un examen de sa situation fiscale personnelle. Par suite, le requérant ne saurait utilement se prévaloir de l'absence de débat oral et contradictoire avant l'envoi de la proposition de rectification du 17 décembre 2015.
En ce qui concerne le bien fondé des impositions en litige :
S'agissant des traitements et salaires :
6. Aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ". Aux termes de l'article 156 du code général des impôts : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés et aux capitaux que possèdent les membres du foyer fiscal désignés aux 1 et 3 de l'article 6, aux professions qu'ils exercent, aux traitements, salaires, pensions et rentes viagères dont ils jouissent ainsi qu'aux bénéfices de toutes opérations lucratives auxquelles ils se livrent ".
7. M. A...a déclaré des traitements et salaires pour des sommes de 200 000 euros au titre de chacune des trois années en litige. Il ressort cependant des mentions de la proposition de rectification du 17 décembre 2015 que ce dernier a perçu de la société Wingate des sommes supérieures aux montants déclarés, dès lors que celle-ci avait enregistré en charges des exercices 2012, 2013, et 2014, des sommes versées à titre de rémunérations à son gérant pour des montants respectifs de 460 000 euros, de 360 000 euros et de 460 000 euros. Le service, constatant que ces sommes avaient été mises à disposition de son gérant, soit par chèque, soit au crédit de son compte courant d'associé, a, en conséquence, rehaussé les traitements et salaires déclarés par M. A...au titre de ces trois années des sommes de 260 000 euros, de 160 000 euros et de 260 000 euros.
8. Le requérant soutient qu'une partie des écritures enregistrées au crédit de son compte courant d'associé ne correspond pas à une rémunération, mais à des apports effectués pour les besoins en fonds de roulement de la société, ainsi qu'à divers paiements relatifs à des dépenses engagées pour les besoins de celle-ci dès lors qu'elle ne disposait pas de carte de crédit. Le tableau de reconstitution de sa rémunération imposable produit par le requérant, dénué de valeur probante, est cependant insuffisant à justifier des apports et avances invoqués, alors qu'il ressort de la proposition de rectification adressée au contribuable que pour 2012, les sommes enregistrées pour un total de 460 000 euros en débit du compte de charges de la société sous l'intitulé " rémunération du gérant " ont été réglées par chèque de 30 000 euros et par l'inscription d'un montant de 430 000 euros au crédit du compte courant d'associé de M.A..., et que pour 2013 et 2014 les sommes enregistrées de 360 000 euros et de 460 000 euros sous ce même compte de charges et sous ce même intitulé, ont eu pour contrepartie une inscription pour des montants identiques au crédit du compte courant d'associé du requérant.
9. Par ailleurs M. A...ne conteste pas utilement que l'administration aurait établi les rehaussements en litige en méconnaissance du principe d'annualité de l'impôt, dès lors qu'il ressort des mentions de la proposition de rectification que les sommes en litige ont été mises à sa disposition par année civile et concomitamment à leur inscription en comptabilité. En outre, le service n'avait pas à tenir compte des autres mouvements enregistrés sur le compte courant d'associé, dès lors qu'ils sont étrangers à la rémunération de M.A....
S'agissant des revenus distribués par la société Wingate :
10. Aux termes de l'article 54 bis du code général des impôts : " Les contribuables visés à l'article 53 A (...) doivent obligatoirement inscrire en comptabilité, sous une forme explicite, la nature et la valeur des avantages en nature accordés à leur personnel ". Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués (...) c. les rémunérations et avantages occultes ".
11. D'une part, l'administration, à qui incombe la charge de la preuve dès lors qu'elle a suivi la procédure de rectification contradictoire et que les rectifications ont été refusées par le requérant, a relevé dans la proposition de rectification du 17 décembre 2015 adressée à M. A... que les loyers perçus par ce dernier de 60 000 euros pour chacune des deux années 2013 et 2014 pour la location d'une partie de son domicile avaient été versés par la société Wingate sans contrepartie pour celle-ci.
12. Si M. A...fait valoir que ces charges locatives ont été engagées dans l'intérêt de cette société dès lors qu'elles étaient justifiées par le secret des affaires exigé par ses clients, il résulte de l'instruction que la société dispose de locaux de 200 mètres carrés permettant de recevoir ses clients dans des conditions lui permettant d'assurer le respect du secret des affaires invoqué, et que M. A... n'a déclaré aucun revenu locatif pour la mise à disposition de locaux dans son domicile pour les deux années en cause.
13. L'administration a, d'autre part, imposé les remboursements des frais kilométriques de 36 000 euros versés à M. A...sur le fondement des dispositions du c) de l'article 111 du code général des impôts, dès lors que pour justifier de la réalité des frais de déplacement qu'il aurait exposés, la société Wingate s'était bornée à produire un état de frais faisant apparaître le nom des clients et les dates de déplacement, et que ces remboursements n'avaient pas été explicitement comptabilisés par cette société comme des avantages en nature.
14. Contrairement à ce que fait valoir M.A..., le tableau et les extraits du grand-livre 2013 et 2014 de la société Wingate ne démontrent pas la réalité du kilométrage que l'intéressé aurait parcouru au titre de ses déplacements. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme démontrant que les sommes d'un montant total de 36 000 euros versées en 2013 et 2014 par la société Wingate à M. A...ne correspondent pas à des remboursements de frais kilométriques mais sont constitutives d'un avantage en nature. Les versements en cause n'ayant pas été explicitement inscrits dans la comptabilité de la société Wingate comme des avantages en nature, c'est à bon droit que l'administration fiscale les a imposés en tant que rémunérations et avantages occultes, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement des dispositions précitées du c) de l'article 111 du code général des impôts.
15. L'administration a enfin regardé comme des revenus distribués au profit de M. A...au titre des années 2012, 2013 et 2014, diverses charges déduites au titre de frais de voyage par la société Wingate. Si le requérant fait valoir que les dépenses à l'origine de ces redressements concernaient des voyages professionnels de Mme A...et de son associé, il ne l'établit pas. De même, s'agissant de l'achat d'une sacoche d'une valeur de 2 700 euros, dont le requérant ne justifie pas le caractère professionnel alors que la facture produite, établie à son nom, ne comporte pas d'élément permettant d'apprécier si cette dépense a été acquittée dans l'intérêt de la société.
En ce qui concerne les pénalités :
16. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...)".
17. En relevant que M. A...ne pouvait ignorer la nature et le caractère imposable des sommes perçues à titre de traitements et salaires, ni le montant des sommes à déclarer, et qu'en sa qualité de gérant de la société Wingate, il ne pouvait ignorer que les dépenses dont il avait personnellement bénéficié n'avaient pas été engagées dans l'intérêt de cette société, l'administration doit être regardée comme établissant l'intention délibérée du contribuable de minorer l'impôt dû et, par suite, le bien-fondé des pénalités en litige.
18. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des cotisations primitives de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012, 2013 et 2014. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°1712322 du 2 mai 2018 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La requête présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur général des finances publiques, direction du contrôle fiscal d'Île-de-France (division juridique Ouest).
Délibéré après l'audience du 9 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Poupineau, président assesseur,
- Mme Lescaut, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 mai 2019.
Le rapporteur,
C. LESCAUTLe président,
S.-L. FORMERY
Le greffier,
C. RENÉ-MINE
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA02240