Par un jugement n° 1806622 du 21 novembre 2019, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour:
Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées les 22 janvier et 17 février 2020, Mme F..., représentée par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 novembre 2019 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler la décision mentionnée ci-dessus du 1er février 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui accorder le bénéfice du regroupement familial demandé en faveur de son fils aîné, Kevin Jerome C..., dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision contestée est entachée d'un défaut d'examen complet, et d'erreur d'appréciation car les revenus de son concubin n'ont pas été pris en compte ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention de New-York relative aux droits de l'enfant.
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public sur sa proposition de présenter des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... H... F... ressortissante sri lankaise, née le 13 janvier 1974 à Batticaloa (Sri Lanka), est entrée en France, selon ses déclarations, en 2008 accompagnée de son fils cadet, Santhosh Naveen Jerome C..., afin de solliciter le statut de réfugié politique. Elle a été déboutée de sa demande d'asile mais a obtenu un titre de séjour. Sans nouvelle de son mari, elle a entamé une procédure de divorce et vit désormais en concubinage avec un compatriote, M. G..., titulaire d'une carte de résident en cours de validité. Le 24 mars 2017, elle a déposé une demande de regroupement familial en faveur de son fils aîné, Kevin Jerome Emiliyan, mais par une décision du 1er février 2018, le préfet du Val-de-Marne a refusé d'accéder à sa demande au motif qu'elle ne justifiait pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de son enfant. Devant le silence gardé sur son recours gracieux, elle a saisi le 7 août 2018 sans succès, le Tribunal administratif de Melun, d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 1er février 2018 et de la décision implicite de rejet prise sur son recours gracieux. Elle relève appel du jugement du 21 novembre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans ". Aux termes de l'article L. 411-2 de ce code : " Le regroupement familial peut également être sollicité pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint dont, au jour de la demande, la filiation n'est établie qu'à l'égard du demandeur ou de son conjoint ou dont l'autre parent est décédé ou déchu de ses droits parentaux ". Aux termes de l'article R. 411-3 du même code : " L'âge du conjoint et des enfants pouvant bénéficier du regroupement familial est apprécié à la date du dépôt de la demande ". Aux termes de l'article L. 411-5 de ce code : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 5423-1 et L. 5423-2 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième (...) ". L'article R. 411-4 du même code dispose : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : / cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes ; / cette moyenne majorée d'un dixième pour une famille de quatre ou cinq personnes ; / cette moyenne majorée d'un cinquième pour une famille de six personnes ou plus ". Enfin, aux termes de l'article 515-8 du code civil : " Le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple ".
3. Il résulte de ces dispositions que le caractère suffisant du niveau des ressources d'un ressortissant étranger, demandeur d'une autorisation de regroupement familial, et de son conjoint s'apprécie sur la période de douze mois précédant le dépôt de la demande de regroupement familial, par référence à la moyenne mensuelle du seul salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette même période, même si, lorsque ce seuil n'est pas atteint au cours de la période considérée, il est toujours possible, pour le préfet, de prendre une décision favorable en tenant compte de l'évolution des ressources du demandeur, y compris après le dépôt de la demande. Dans ce dernier cas, la période de référence de douze mois est celle précédant la date de la décision par laquelle le préfet statue sur la demande de regroupement familial. Par ailleurs, eu égard à l'objectif poursuivi par les dispositions citées ci-dessus du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les ressources du conjoint à prendre en compte pour apprécier le caractère suffisant et la stabilité des ressources dont justifie le demandeur doivent s'entendre non seulement de celles de l'époux mais également de celles du concubin vivant en couple avec le demandeur dans le cadre d'une relation stable et continue conformément aux dispositions citées ci-dessus du code civil.
4. A l'appui de sa demande, Mme F..., employée polyvalente en contrat à durée indéterminée au sein de la société DSN depuis le 23 mars 2015, a produit ses deux derniers avis d'imposition, ses douze derniers bulletins de paye (de mars 2016 à février 2017) ainsi que ceux de son concubin, qui occupe un emploi de cuisinier en contrat à durée indéterminée depuis le 18 décembre 2013. Si Mme F... soutient que le préfet du Val-de-Marne n'a pas pris en compte les ressources de son concubin pour apprécier le caractère suffisant du niveau des ressources de son foyer, la seule production d'une déclaration de vie commune auprès de la mairie en date du 18 novembre 2016, n'est pas corroborée par des pièces attestant suffisamment de la stabilité du concubinage alors d'ailleurs que cette déclaration mentionne un début de vie commune en juillet 2016, soit moins de douze mois avant sa demande de mars 2017. Dès lors, compte tenu du montant du salaire moyen perçu par Mme F... sur la période considérée, de 1 381,80 euros bruts, alors que le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) mensuel brut était en 2016 de 1 466 euros, et alors qu'elle ne produit aucun bulletin de salaire postérieur au dépôt de sa demande qui établirait une augmentation de ses revenus, le préfet du Val-de-Marne qui a bien procéder à l'examen de sa demande, a pu, sans entacher sa décision d'erreur de droit ou d' erreur d'appréciation se fonder sur l'insuffisance de ses ressources pour refuser d'accéder à sa demande de regroupement familial.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Lorsqu'il se prononce sur une demande de regroupement familial, le préfet dispose d'un pouvoir d'appréciation et n'est pas tenu de rejeter la demande même dans le cas où l'étranger demandeur du regroupement ne justifierait pas remplir l'une ou l'autre des conditions requises tenant aux ressources ou au logement, notamment dans le cas où il est porté une atteinte excessive au droit de mener une vie familiale normale.
6. Mme F... vit séparée de son fils aîné, resté au Sri Lanka et âgé de plus de
17 ans à la date du dépôt de sa demande, depuis son arrivée en France en 2008. Par ailleurs, rien ne s'oppose à ce que ce dernier, désormais majeur, se rende en France et introduise des démarches pour venir s'y installer. Dans ces conditions, eu égard aux effets de la décision contestée, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en refusant d'accéder à sa demande, le préfet de Val-de-Marne aurait porté une atteinte excessive au droit de Mme F... au respect de sa vie privée et familiale.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
8 Ainsi qu'il vient d'être dit le fils aîné de Mme F... qui vit chez ses
grands-parents, au Sri Lanka depuis l'âge de 15 ans, était âgé de plus de 17 ans à la date à la demande de regroupement familial présentée par Mme F... et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en refusant d'accéder à sa demande le préfet du Val-de-Marne n'aurait pas pris en compte l'intérêt supérieur de Kevin et de son frère cadet.
9. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés aux points 5 à 8, le préfet du Val-de-Marne n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant d'accorder à Mme F... le bénéfice du regroupement familial pour son fils aîné Kevin.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative .
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme F... épouse B... C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... épouse B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 21 mai 2021 à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 juin 2021.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
K. PETIT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA00232 2