Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 30 octobre 2018, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement 7 juin 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté mentionné ci-dessus du 20 octobre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour mention "vie privée et familiale" ou à défaut de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation, dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens.
Elle soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 car en l'absence de système de sécurité sociale au Maroc et de membres de sa famille dans sa ville natale, elle ne pourra pas accéder aux plateaux techniques nécessaires à son suivi médical ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation car son père, deux de ses frères et une de ses soeurs, tous français, résident en France, de même que sa mère, titulaire d'une carte de résident et elle n'a pas de liens avec ses quatre soeurs qui résident au Maroc ;
- cette décision méconnaît l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car elle ne pourra pas effectivement accéder au traitement approprié au Maroc ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A...ne sont pas fondés.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 21 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pagès,
- et les observations de MeB..., pour MmeA....
Mme A...a produit des pièces complémentaires le 26 juin 2019.
Considérant ce qui suit :
1. MmeA..., de nationalité marocaine, née le 7 juillet 1980, arrivée en France en octobre 2012 selon ses déclarations, relève appel du jugement du 7 juin 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 octobre 2017 par lequel le préfet de police a refusé de lui accorder un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...)11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre. ".
3. Pour refuser de délivrer à Mme A...un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet de police s'est fondé sur l'avis du collège des médecins de l'OFII qui indique que l'état de santé de Mme A...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et que Mme A...peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Pour contester la pertinence de cet avis, MmeA..., qui souffre d'une pathologie musculo-squelettique, s'est bornée à produire devant le tribunal des certificats médicaux qui attestent de douleurs récurrentes, d'une difficulté à la marche, de la nécessité d'un suivi régulier médical et paramédical et du port de chaussures orthopédiques. Mme A...ne produit aucun nouveau certificat médical en appel. Dans ces conditions, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, ces certificats médicaux sont insuffisants pour infirmer l'avis du collège des médecins de l'OFII. Par ailleurs, la circonstance que les plateaux techniques nécessaires à son suivi, dont il n'est pas contesté qu'ils existent au Maroc, sont éloignés de sa ville natale de plusieurs centaines de kilomètres, n'est pas de nature à empêcher son accès effectif aux soins, alors d'ailleurs que rien n'oblige Mme A...en cas de retour au Maroc de s'installer dans sa ville natale, dont elle a été éloignée pendant des années. Enfin, le Maroc est doté d'une caisse nationale de sécurité sociale ainsi que d'un régime d'assistance médicale auxquels Mme A...ne justifie pas être dans l'impossibilité de bénéficier. Par suite, en refusant de délivrer à Mme A...un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet de police n'a pas méconnu les dispositions citées au point 2 de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Mme A...soutient qu'elle vit avec son père, de nationalité française, et sa mère, titulaire d'une carte de résident et que deux de ses frères et une de ses soeurs, de nationalité française, résident en France. Il ressort toutefois des pièces du dossier, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, qu'à la date de la décision attaquée, MmeA..., célibataire et sans charge de famille, n'était pas dépourvue de toutes attaches familiales dans son pays d'origine où résident quatre de ses soeurs et où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-deux ans. Enfin, elle est sans emploi et ne justifie pas d'une particulière intégration dans la société française. Dans ces conditions, la décision l'obligeant à quitter le territoire français n'a pas porté au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de MmeA....
7. En second lieu aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Eu égard à ce qui vient d'être dit au point 3, le moyen tiré de la violation de ces dispositions doit être écarté.
Sur la décision fixant le pays de destination :
8. Aux termes des stipulations de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " . Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
9. Mme A...n'établit pas être personnellement exposée à des risques graves en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, la décision fixant le pays de destination ne méconnaît ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de son article 2, ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées. Enfin, faute de dépens dans la présente instance, ses conclusions relatives aux dépens sont sans objet.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 25 juin 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 juillet 2019.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 18PA03445 6