Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 29 mai 2019, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Paris du 10 avril 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2019 par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités italiennes ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de l'admettre au séjour au titre de l'asile dans un délai de 24 heures suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant la durée de l'examen de sa demande d'asile ;
4°) à défaut, d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, pour la durée de cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier car il ne répond pas au moyen soulevé en première instance et tiré d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mise en oeuvre de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, en ce qu'il serait exposé à des traitements inhumains et dégradants, non en cas d'éloignement vers l'Afghanistan, mais en cas de transfert en Italie ;
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- il n'a pas été procédé à un examen complet de sa situation ;
- il est entaché d'une erreur de droit en ce que l'Italie n'est pas responsable de sa demande d'asile qui relève des autorités belges ;
- il méconnait les articles 3 et 17 du règlement n° 604/2013 ainsi que l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, car il existe en Italie des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- il a, par une décision du 17 juillet 2019, estimé que M. A... avait pris la fuite, et prolongé son délai de transfert vers l'Italie de six à dix-huit mois, jusqu'au 10 octobre 2020 ;
- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en réplique, enregistré le 30 septembre 2019, M. A... demande à la Cour, à titre principal, de constater un non-lieu à statuer sur sa requête, et conclut, à titre subsidiaire, aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens.
Il soutient en outre que :
- le délai de six mois prévu à l'article 29 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 pour exécuter le transfert est expiré ;
- il ne peut être regardé comme ayant pris la fuite ;
- le préfet de police ne justifie pas avoir informé les autorités italiennes de la décision de placement en fuite dans le délai de six mois mentionné ci-dessus.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 29 avril 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003, tel que modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 du 30 janvier 2014 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant afghan né le 1er janvier 1993, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile le 3 décembre 2018. Par un arrêté du 25 janvier 2019, le préfet de police a décidé sa remise aux autorités italiennes. M. A... fait appel du jugement du 10 avril 2019 par lequel le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article 29, paragraphe 1, du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ". Aux termes de l'article 9 du règlement européen (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 : " 1. L'État membre responsable est informé sans délai de tout report du transfert dû, [au] fait que le demandeur s'est soustrait à l'exécution du transfert. (...) 2. Il incombe à l'État membre qui, pour un des motifs visés à l'article 29, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 604/2013, ne peut procéder au transfert dans le délai normal de six mois à compter de la date de l'acceptation de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée, ou de la décision finale sur le recours ou le réexamen en cas d'effet suspensif, d'informer l'État responsable avant l'expiration de ce délai. À défaut, la responsabilité du traitement de la demande de protection internationale et les autres obligations découlant du règlement (UE) n° 604/2013 incombent à cet État membre conformément aux dispositions de l'article 29, paragraphe 2, dudit règlement. "
3. Si le préfet de police a, par une décision du 17 juillet 2019, estimé que M. A... avait pris la fuite, et a prolongé son délai de transfert vers l'Italie de six à dix-huit mois ainsi que le prévoient les dispositions citées ci-dessus du 2 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, il ne justifie pas avoir informé les autorités italiennes de cette décision. M. A... est donc fondé à soutenir que, faute pour les autorités françaises d'avoir informé les autorités italiennes avant l'expiration du délai de six mois à compter de leur accord de prise en charge, qu'il ne pouvait procéder au transfert de M. A..., la responsabilité du traitement de sa demande de protection internationale incombe à la France, et à demander à la Cour de constater un non-lieu à statuer sur sa requête.
D EC I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de M. A....
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur. Copies-en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. C..., président-assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 décembre 2019.
Le rapporteur,
J-C. C...Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA01781