Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 2 janvier 2019, M.B..., représenté par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Paris du 20 août 2018 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 28 juin 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier car il est insuffisamment motivé ;
- le magistrat désigné a omis de statuer au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure dès lors que les brochures " A " et " B ", prévues à l'article 4 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, qui lui ont été remises, étaient rédigées en langue française, langue qu'il ne comprend pas, et qu'il ne sait ni lire, ni écrire ; il n'a donc pas bénéficié d'une information complète ;
- cet arrêté est entaché d'une insuffisance de motivation en droit car il ne mentionne pas l'article 18 du règlement n° 604/2013 ;
- il a, pour la même raison, été pris sur le fondement d'une base légale erronée ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Les parties ont été informées en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision de la Cour était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des moyens tirés d'un vice de procédure et d'une insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué, qui n'ayant pas été soulevés devant le premier juge, constituent des demandes nouvelles fondées sur une cause juridique distincte des moyens de première instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 janvier 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de légalité externe de la requête sont irrecevables et que les moyens de légalité interne ne sont pas fondés.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 14 novembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Niollet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant mauritanien né le 19 août 1995, entré en France le 24 février 2018, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile le 25 avril 2018. Toutefois, par un arrêté du 28 juin 2018, le préfet de police a décidé sa remise aux autorités espagnoles. M. B... fait appel du jugement du 20 août 2018 par lequel le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des pièces du dossier que les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué et du défaut d'examen de la situation personnelle de M. B...n'ont pas été soulevés devant le juge de première instance. Par conséquent, M. B...n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une insuffisance de motivation en ce qu'il ne précise pas les motifs de fait ayant justifié que ces moyens soient écartés. De même, si le requérant a évoqué au cours de l'audience de première instance : " la famille qui peut l'accueillir en France ", cette circonstance ne suffit pas à le faire regarder comme ayant invoqué l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relatif au droit au respect de la vie privée et familiale. M. B...n'est donc pas davantage fondé à soutenir que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris aurait omis de statuer au regard de cet article. Enfin, contrairement à ce que soutient M. B..., le premier juge a, suffisamment répondu au moyen tiré d'une méconnaissance des dispositions du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Ainsi, les moyens relatifs à la régularité du jugement attaqué doivent être écartés.
Sur la décision de remise aux autorités espagnoles :
3. En premier lieu, M. B...n'a soulevé devant le tribunal administratif, à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté attaqué, que des moyens relatifs à la légalité interne de cet acte. S'il soutient en appel que cet arrêté serait entaché d'un vice de procédure, en ce que le préfet ne lui a pas remis les brochures " A " et " B " dans une langue qu'il comprend, et d'un vice de forme, en ce que l'arrêté serait insuffisamment motivé, ces moyens fondés sur une cause juridique distincte des moyens de première instance constituent des demandes nouvelles qui ne sont pas recevables en appel.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 13 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un État membre dans lequel il est entré en venant d'un État tiers, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas contesté que M. B...a irrégulièrement franchi les frontières espagnoles le 22 janvier 2018 en venant d'un Etat tiers. Le préfet de police pouvait donc légalement se fonder sur les dispositions citées ci-dessus de l'article 13 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 pour prendre l'arrêté attaqué.
6. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Si M. B...entend se prévaloir des stipulations citées ci-dessus de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il ne fait état d'aucun élément permettant d'établir une quelconque vie privée et familiale en France. Le moyen tiré d'une violation de ces stipulations ne peut donc qu'être écarté.
8. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'annulation, ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 5 février 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Labetoulle, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 février 2019.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLETLe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA00007