Par un jugement n° 1810030 du 30 juin 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 31 août 2020, la Compagnie nationale Royal Air Maroc, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) de réformer ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 30 juin 2020 en ramenant le montant de l'amende prononcée à la somme de 750 euros ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 750 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration ne pouvait sans méconnaitre divers principes du droit pénal, dont le principe de proportionnalité du montant de l'amende à la gravité des faits, lui infliger une amende du montant maximal alors que le passager en cause était titulaire d'un passeport et d'un récépissé de demande de carte de séjour encore valide.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 décembre 2020, le ministre de l'intérieur demande à la Cour de rejeter la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des transports ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de M. Baffray, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 4 décembre 2017 à 15H20 un ressortissant cap-verdien débarquait à l'aéroport d'Orly d'un vol en provenance de Casablanca de la Compagnie nationale Royal Air Maroc et se voyait refuser l'entrée sur le territoire français du fait de l'absence de visa Schengen sur son passeport cap-verdien. Par procès-verbal du même jour, un agent de la direction de la police aux frontières constatait que ces faits constituaient une infraction aux dispositions de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, à l'issue d'une procédure contradictoire dans le cadre de laquelle la compagnie en cause, informée de la sanction envisagée, a consulté son dossier le 21 février 2018 et a émis des observations le 12 mars 2018, le ministre de l'intérieur lui a infligé une amende d'un montant de 10 000 euros par arrêté du 13 avril 2018. Cette compagnie a alors saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de cette décision, ou du moins à la réduction du montant de l'amende en cause, mais le tribunal a rejeté cette demande par un jugement du 30 juin 2020 dont elle interjette appel.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 6421-2 du code des transports : " Le transporteur ne peut embarquer les passagers pour un transport international qu'après justification qu'ils sont régulièrement autorisés à atterrir au point d'arrivée et aux escales prévues. ". Aux termes de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Est punie d'une amende d'un montant maximum de 10 000 euros l'entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque sur le territoire français, en provenance d'un Etat avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen, un étranger non ressortissant d'un Etat de l'Union européenne et démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable en raison de sa nationalité. (...) ". Aux termes de l'article L. 625-5 du même code : " Les amendes prévues aux articles L. 625-1 et L. 625-4 ne sont pas infligées : (...) 2° Lorsque l'entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l'embarquement et qu'ils ne comportaient pas d'élément d'irrégularité manifeste. ".
3. Aux termes de l'article 2 du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 : " Aux fins du présent règlement, on entend par : / (...) 16) "titre de séjour" : / a) tous les titres de séjour délivrés par les États membres selon le format uniforme prévu par le règlement (CE) no 1030/2002 du Conseil (23), ainsi que les cartes de séjour délivrées conformément à la directive 2004/38/CE ; / b) tous les autres documents délivrés par un État membre aux ressortissants de pays tiers et leur autorisant le séjour sur son territoire qui ont fait l'objet d'une notification puis d'une publication conformément à l'article 39, à l'exception des documents suivants: / i) titres temporaires délivrés dans l'attente de l'examen d'une première demande de titre de séjour tel que visé au point a) (...) ". Aux termes de l'article 6 du même règlement : " 1. Pour un séjour prévu sur le territoire des États membres, d'une durée n'excédant pas 90 jours sur toute période de 180 jours (...), les conditions d'entrée pour les ressortissants de pays tiers sont les suivantes : / (...) b) être en possession d'un visa en cours de validité si celui-ci est requis en vertu du règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil, sauf s'ils sont titulaires d'un titre de séjour ou d'un visa de long séjour en cours de validité (...) ".
4. Ainsi que l'a à juste titre rappelé le tribunal, l'article 2 du règlement n° 562/2006, non modifié sur ce point par le règlement n° 2016/399, exclut expressément de la notion de titre de séjour, les titres temporaires délivrés au cours de l'examen d'une première demande de titre de séjour ou d'une demande d'asile.
5. Par ailleurs les dispositions citées ci-dessus du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile font obligation aux transporteurs aériens de s'assurer, au moment des formalités d'embarquement, que les voyageurs ressortissants d'Etats non membres de l'Union européenne sont en possession de leurs documents de voyage, le cas échéant revêtus des visas exigés par les textes, non falsifiés et valides. Si ces dispositions n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de conférer au transporteur un pouvoir de police aux lieu et place de la puissance publique, elles lui imposent de vérifier que l'étranger est muni des documents de voyage et des visas éventuellement requis et que ceux-ci ne comportent pas d'éléments d'irrégularité manifeste, décelables par un examen normalement attentif des agents de l'entreprise de transport. En l'absence d'une telle vérification, à laquelle le transporteur est d'ailleurs tenu de procéder en vertu de l'article L. 6421-2 du code des transports, le transporteur encourt l'amende administrative prévue par les dispositions citées ci-dessus.
6. Or, il est constant que le passager transporté le 4 décembre 2017 par la compagnie nationale Royal Air Maroc n'était muni, outre son passeport cap-verdien dépourvu de visa permettant l'entrée dans l'espace Schengen, que d'un récépissé de demande d'un premier titre de séjour sur le territoire français qui, en application des dispositions combinées des articles 2 et 6 du règlement (UE) n° 2016/399, ne lui permettait pas de déroger à l'obligation de présentation d'un visa. Par ailleurs, cette absence des documents requis pour entrer sur le territoire français était aisément décelable au terme d'un examen normalement attentif par un agent d'embarquement rompu au contrôle des documents de voyage. Dans ces conditions, nonobstant la présentation par l'intéressé de ce récépissé de demande de titre qui n'aurait pas dû abuser la compagnie requérante, et quels que soient les droits qu'un tel récépissé confère à son titulaire lorsqu'il se trouve déjà sur le territoire national, la Compagnie nationale Royal Air Maroc n'établit l'existence d'aucune circonstance particulière de nature à justifier une réduction du montant de l'amende prononcée à son encontre. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le montant de l'amende n'était pas disproportionné et que la compagnie nationale Royal Air Maroc n'était pas fondée à demander la réduction de l'amende qui lui a été infligée.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la Compagnie nationale Royal Air Maroc n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par suite sa requête, tendant à la réformation de ce jugement et à la minoration du montant de l'amende prononcée, ne peut qu'être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la Compagnie nationale Royal Air Maroc est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Compagnie nationale Royal Air Maroc et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 4 février 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme B... premier conseiller.
Rendu public par mise au disposition au greffe, le 19 février 2021.
Le rapporteur,
M-I. B...Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
T. ROBERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA02503