Par un jugement n° 1812462, 1812475 et 1812479 du 15 septembre 2020, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé les titres exécutoires litigieux et mis à la charge de la commune de Drancy une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 novembre 2020 et 20 août 2021, la commune de Drancy représentée par Me Peynet, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Montreuil du
15 septembre 2020 ;
2°) de rejeter les demandes de M. A... C..., Mme D... C... et
Mme B... F... présentées devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de M. A... C..., Mme D... C... et
Mme B... F... une somme totale de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité en ce que, tel que notifié à la commune, il ne comporte pas la signature du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience, en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- le tribunal administratif a, à tort, retenu que la réalité des opérations d'enlèvement de déchets et de dératisation n'était pas établie, alors qu'elle ressort des pièces du dossier, nonobstant les termes de la facture de la société Intertrans ;
- les titres exécutoires litigieux étaient suffisamment motivés ;
- les consorts C... ne sont pas fondés à soutenir qu'ils étaient dans l'impossibilité matérielle d'exécuter l'arrêté du 18 mai 2017 et par suite que l'initiative de la commune n'était dès lors pas justifiée ;
- ils ne sont pas non plus fondés à soutenir que cet arrêté du 18 mai 2017 ne pouvait servir de base légale aux titres litigieux ;
- ils ne peuvent utilement invoquer une insuffisance de motivation de la facture de la société Intertrans.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2021, M. A... C...,
Mme D... C... et Mme B... F..., représentés par Me Cayla-Destrem, demandent à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Drancy une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- les titres litigieux ne comportent pas les bases de la liquidation ;
- ils sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation et d'erreur de droit en ce qu'ils se fondent sur l'arrêté du 18 mai 2017 qui ne pouvait leur servir de base légale trois mois après son édiction ;
- les titres contestés ne pouvaient davantage se fonder sur la facture de la société Intertrans qui ne comportait aucune précision.
Par une ordonnance du 23 août 2021, la clôture de l'instruction a été reportée au
23 septembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Labetoulle,
- les conclusions de Mme Mach, rapporteure publique,
- et les observations de Me Mascré substituant Me Peynet pour la commune de Drancy et de Me Uhlen substituant Me Cayla-Destrem pour M. A... C..., Mme D... C... et Mme B... F....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., Mme B... E... née C... et Mme D... C... sont propriétaires indivis d'un bien immobilier situé 71-73 rue Louis Aragon dans la commune de Bobigny et 263 avenue Henri Barbusse dans la commune de Drancy, sur lequel s'étaient installés des occupants sans titre, ce qui avait conduit les propriétaires à entreprendre une procédure tendant à leur expulsion, dans le cadre de laquelle un jugement d'expulsion avait été signifié le 11 mai 2017, suivi par un commandement de quitter les lieux le 17 mai 2017 et par une expulsion effective le 8 août 2017. Entretemps, à la suite d'une visite de ce terrain par le service communal d'hygiène et de santé de Drancy le 9 mai 2017, le préfet de la
Seine-Saint-Denis avait pris un arrêté n° 17-0109 HI URG MC en date du 18 mai suivant prescrivant aux propriétaires indivis de débarrasser l'ensemble de la parcelle des déchets, de désinsectiser, dératiser, nettoyer et désinfecter la parcelle, et de supprimer les risques d'incendie, dans un délai de deux jours. La commune de Drancy a ensuite fait effectuer les travaux, d'office, entre le 28 août et le 2 septembre 2017 par la société Intertrans, qui s'est fait assister d'un sous-traitant, la société Delta Planet, et qui a adressé à la commune une facture d'un montant de
25 800 euros TTC incluant les travaux de sa sous-traitante. La commune de Drancy a ensuite adressé le 10 septembre 2018 à chacun des indivisaires un mémoire en recouvrement, leur demandant le remboursement d'un tiers du montant de cette facture, soir 8 600 euros chacun, puis, les intéressés ne s'étant pas acquittés des sommes en cause, elle a émis le 10 octobre 2018 à l'encontre de chacun d'eux un titre exécutoire d'un montant identique. M. C...,
Mme B... E... et Mme C... ont dès lors saisi le tribunal administratif de Montreuil de demandes d'annulation de ces titres. Par jugement du 15 septembre 2020 le tribunal, après avoir prononcé la jonction de ces trois demandes, a annulé les titres litigieux. C'est le jugement dont la commune de Drancy relève appel.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été signé conformément aux prescriptions de cet article. Par ailleurs la circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée à l'appelant ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article L. 1311-4 du code de la santé publique : " En cas d'urgence, notamment de danger ponctuel imminent pour la santé publique, le représentant de l'Etat dans le département peut ordonner l'exécution immédiate, tous droits réservés, des mesures prescrites par les règles d'hygiène prévues au présent chapitre. / Lorsque les mesures ordonnées ont pour objet d'assurer le respect des règles d'hygiène en matière d'habitat et faute d'exécution par la personne qui y est tenue, le maire ou, le cas échéant, le président de l'établissement public de coopération intercommunale ou à défaut le représentant de l'Etat dans le département y procède d'office aux frais de celle-ci. / La créance de la collectivité publique qui a fait l'avance des frais est alors recouvrée comme en matière de contributions directes. (...) ".
4. Il ressort des termes de la facture de la société Intertrans que les travaux auxquelles cette société a procédé sur la parcelle des consorts C..., à la demande de la commune, et avec l'aide de la société Delta, avaient pour objet l' " évacuation et traitement des déchets
263 avenue Henri Barbusse " et il n'est pas contesté que ces travaux entraient bien dans le cadre de ceux prescrits par l'arrêté n° 17-0109 HI URG MC pris le 18 mai 2017 sur le fondement de l'article L. 1311-4 du code de la santé publique, par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis mettait en demeure les propriétaires de la parcelle de débarrasser l'ensemble de celle-ci des déchets notamment putrescibles, électroménagers, des bombonnes de gaz et de l'eau croupie qui s'y trouvaient, de désinsectiser, dératiser, nettoyer et désinfecter cette parcelle et de supprimer les risques d'incendie et d'électrocution notamment en mettant en sécurité l'installation électrique. Par ailleurs il est constant également que la somme de 8 600 euros, mise à la charge de chacun des trois propriétaires indivis par les titres litigieux, représentait bien le tiers du montant de 25 800 euros toutes charges comprises figurant sur cette facture de la société Intertrans. Enfin la seule circonstance que les prestations ainsi facturées ne correspondraient qu'à une partie des prescriptions de l'arrêté du 18 mai 2017 ne s'opposait pas à ce que la commune puisse poursuivre le recouvrement du coût de ceux des travaux ainsi effectués d'office. Dès lors, s'il est vrai que la facture de la société Delta Planet, en principe chargée de la dératisation, ne mentionnait pas directement cette prestation, se bornant à faire état de la " mise à disposition main d'œuvre, un à deux techniciens par jour pour débarras camp de rom " , et alors même que les pièces produites en appel par la commune, et notamment les photographies de pièges à rat, ne permettraient pas d'établir avec certitude que l'opération de dératisation aurait bien été réalisée, la commune pouvait néanmoins, par les titres litigieux, poursuivre le recouvrement du coût de celles des prestations qui avaient été effectuées et dont la réalité et la conformité à l'arrêté du
18 mai 2017 n'étaient pas contestées, dès lors du moins que les conditions d'une exécution d'office desdits travaux étaient satisfaites.
5. Or, les propriétaires indivisaires font valoir qu'ils ne pouvaient procéder à l'exécution de l'arrêté du 18 mai 2017 avant l'expulsion des occupants sans titre, et qu'une fois celle-ci effectuée, le 8 août 2017, ils ont aussitôt informé la commune de leur intention de faire réaliser les travaux. Ainsi, en soutenant que les titres contestés seraient dès lors entachés " d'erreur de droit " et " d'erreur manifeste d'appréciation ", ils doivent être regardés comme ayant entendu soutenir que les conditions d'une exécution d'office desdits travaux n'étaient pas remplies. Or, il ne peut être sérieusement contesté que ceux-ci ne pouvaient être réalisés avant l'expulsion des occupants et il ressort des pièces du dossier que cette expulsion a eu lieu le 8 août 2017 et que, le jour-même, les indivisaires ont par courriel informé les services d'hygiène de la commune de ce qu'ils allaient " procéder au débarras-nettoyage " du terrain, à compter du 25 août suivant, c'est-à-dire procéder à la réalisation de ceux des travaux prévus par l'arrêté du 18 mai 2017 que la commune a fait exécuter d'office à compter du 28 août 2017, soit seulement trois jours plus tard. Dans ces conditions et dans les circonstances de l'espèce, compte tenu des diligences ainsi effectuées par les propriétaires indivis, l'exécution d'office de ces travaux de nettoyage n'était pas justifiée et les titres litigieux ne pouvaient par suite légalement poursuivre le recouvrement de leur coût.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Drancy n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé les titres exécutoires litigieux. Sa requête ne peut dès lors qu'être rejetée.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A... C..., Mme D... C... et Mme B... F..., qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la commune de Drancy au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Drancy une somme globale de 1 500 euros à verser aux consorts C... sur le même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Drancy est rejetée.
Article 2 : la commune de Drancy versera à M. A... C..., Mme D... C... et
Mme B... F..., une somme globale de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Drancy, à M. A... C...,
Mme D... C... et Mme B... F....
Délibéré après l'audience du 5 octobre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Labetoulle, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 octobre 2021.
La rapporteure,
M-I. LABETOULLELe président,
T. CELERIER
La greffière,
K. PETIT
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA03393