Par un jugement n° 1801407 du 26 novembre 2020, le Tribunal administratif de Melun a condamné la commune de Chelles à verser à M. A... la somme de 4 000 euros, a mis à la charge de la commune de Chelles la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2020 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, et transmise à la Cour par une ordonnance du 5 janvier 2021 du président assesseur de la 5ème chambre, M. A..., représenté par Me Azghay, demande à la Cour:
1°) d'annuler ce jugement du 26 novembre 2020 du Tribunal administratif de Melun en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) de porter la condamnation indemnitaire de la commune de Chelles de la somme de 4 000 euros à la somme de 37 000 euros ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Chelles le somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont limité à la somme de 4 000 euros la réparation du préjudice tenant au maintien dans une situation de précarité pendant 11 ans et à la perte de chance d'être titularisé ; il a droit à une indemnité de 30 000 euros à ce titre ;
- il a également droit à une indemnité de 7 000 euros en réparation du préjudice causé par son éviction illégale car, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la décision litigieuse du 29 décembre 2017 n'est pas justifiée par l'intérêt du service.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2021, la commune de Chelles, représentée par Me Lonqueue, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, la requête est irrecevable faute de motivation en appel ;
- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par M. A... sont infondés.
Par une ordonnance du 4 février 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au
18 février 2022 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- le décret n° 92-853 du 28 août 1992 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pagès ;
- et les conclusions de Mme Mach, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a été recruté par la commune de Chelles le 20 juillet 2006 en qualité de psychologue vacataire à la direction " enfance - petite enfance ". Sa relation contractuelle avec la commune s'est poursuivie sans interruption jusqu'au 28 février 2018. Par un courrier du
29 décembre 2017, la commune de Chelles a décidé et informé le requérant que son contrat ne serait pas renouvelé à compter du 1er mars 2018. Le requérant a introduit un recours gracieux contre cette décision le 4 janvier 2018, qui a été implicitement rejeté par la commune. Par ailleurs, le requérant a formulé une réclamation préalable indemnitaire le 11 janvier 2018, réceptionné par la commune le jour même. A défaut de réponse de la commune sur cette demande, une décision implicite de rejet est née le 11 mars 2018. Le requérant a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 29 décembre 2017 précitée, d'enjoindre à la commune de le réintégrer dans ses précédentes fonctions et de procéder à la reconstitution de sa carrière, et en outre, de condamner la commune à lui verser la somme totale de 37 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis, résultant de son éviction illégale, de son maintien dans une situation précaire pendant douze ans et de sa perte de chance d'être titularisé. Par un jugement du 26 novembre 2020, le Tribunal administratif de Melun a condamné la commune de Chelles à verser à M. A... la somme de 4 000 euros, a mis à la charge de la commune de Chelles la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de sa demande. M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Chelles :
En ce qui concerne la responsabilité du fait du maintien dans une situation précaire et du refus du bénéfice d'un contrat à durée indéterminée :
2. En premier lieu, la commune de Chelles ne conteste pas en appel que M. A... doit être regardé comme ayant la qualité d'agent contractuel depuis le 20 juillet 2006, et comme bénéficiant d'un contrat à durée indéterminée depuis le 1er septembre 2012 et qu'elle a donc a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en maintenant le requérant dans une situation irrégulière.
3. En deuxième lieu, d'une part, la commune fait valoir, sans être contredite par le requérant, que la rémunération qu'il a perçue en tant que vacataire était supérieure à celle qu'il aurait perçue en tant qu'agent contractuel. D'autre part, et alors que l'article 1-2 du décret du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale dispose que " Le montant de la rémunération est fixé par l'autorité territoriale en prenant en compte, notamment, les fonctions occupées, la qualification requise pour leur exercice, la qualification détenue par l'agent ainsi que son expérience. ", le requérant n'apporte aucune précision, pas plus en appel qu'en première instance, sur le préjudice financier invoqué du fait de la perte de revenus, qui permettrait à la cour d'en apprécier la portée ou le bien-fondé. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à solliciter une indemnité à ce titre.
4. En troisième lieu, si le requérant se prévaut du préjudice financier qu'il a dû supporter en raison du non-versement des cotisations sociales et de retraite, il n'apporte aucune précision, pas plus en appel qu'en première instance, sur un tel chef de préjudice, qui permettrait à la cour d'en apprécier le bien-fondé et la portée. Au demeurant, les bulletins de salaire versés aux débats font apparaître le montant prélevé des cotisations sociales et de retraite. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à solliciter une indemnité à ce titre.
5. En quatrième lieu, le requérant n'apporte aucune précision sur le chef de préjudice financier allégué tiré de l'absence d'indemnisation des congés annuels non pris, qui permettrait à la cour d'en apprécier le bien-fondé et la portée, alors même que cela lui avait été déjà été opposé par le tribunal. Ce moyen ne peut donc qu'être écarté.
6. En dernier lieu, il ne peut être sérieusement contesté que le statut de vacataire dans lequel la commune reconnaît elle-même avoir placé le requérant entre 2006 et 2015, et le refus de lui proposer un contrat à durée indéterminée, alors qu'il pouvait légalement y prétendre à compter de septembre 2012 et qu'il en avait en vain présenté la demande dès 2014, ont été source de précarité et d'anxiété pour le requérant. Dans les circonstances de l'espèce, les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice tiré des troubles dans les conditions d'existence découlant de cette situation en l'évaluant à la somme globale de 4 000 euros, contrairement à ce que soutient M. A....
En ce qui concerne la responsabilité du fait de la perte de chance d'être titularisé :
7. Aux termes de l' article 13 de la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, dans sa version en vigueur à la date de la décision en litige : " Par dérogation à l'article 36 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, l'accès aux cadres d'emplois de fonctionnaires territoriaux peut être ouvert par la voie de modes de recrutement réservés valorisant les acquis professionnels, dans les conditions définies par le présent chapitre et précisées par des décrets en Conseil d'Etat, pendant une durée de six ans à compter de la date de publication de la présente loi. Les dispositions du présent chapitre applicables aux cadres d'emplois de fonctionnaires territoriaux le sont également aux corps de fonctionnaires des administrations parisiennes. ".
8. Les termes même des dispositions citées ci-dessus ne permettent pas au requérant de tenir pour acquis un droit à l'accès aux cadres d'emplois des fonctionnaires territoriaux. En outre, il résulte de l'instruction, en particulier de la délibération du conseil municipal du 4 novembre 2014, que la commune de Chelles a fait le choix de ne pas ouvrir le dispositif précité aux emplois de catégories A et B ainsi qu'aux emplois de catégorie C, menacés à court terme par un projet d'externalisation. Dès lors, la responsabilité de la commune de Chelles ne saurait être engagée sur le fondement d'une perte de chance du requérant d'être titularisé.
En ce qui concerne la responsabilité du fait de l'illégalité de la décision du 29 décembre 2017 :
9. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 que la décision du 29 décembre 2017 par laquelle la commune de Chelles a mis fin à la relation contractuelle qu'elle entretenait avec
M. A... depuis le 20 juillet 2006 doit être regardée, non pas comme une décision de non-renouvellement de son contrat, mais comme une rupture du contrat à durée indéterminée qui liait le requérant à la commune et donc une mesure de licenciement. M. A... soutient que cette décision n'est pas justifiée par l'intérêt du service.
10. Le législateur a entendu que les emplois civils permanents des collectivités territoriales soient en principe occupés par des fonctionnaires et qu'il n'a permis le recrutement d'agents contractuels qu'à titre dérogatoire et subsidiaire, dans les cas particuliers énumérés par la loi, que ce recrutement prenne la forme de contrats à durée déterminée ou de contrats à durée indéterminée. Par suite, un agent contractuel ne peut tenir de son contrat le droit de conserver l'emploi pour lequel il a été recruté. Lorsque l'autorité administrative entend affecter un fonctionnaire sur cet emploi ou supprimer cet emploi dans le cadre d'une modification de l'organisation du service elle peut, pour ce motif, légalement écarter l'agent contractuel de cet emploi.
11. Il ressort des pièces du dossier, et n'est pas utilement contesté, que la commune de Chelles a décidé de mettre un terme à sa collaboration avec le requérant au regard de la réorganisation des services rattachés à la direction de la petite enfance, en faisant notamment appel à des opérateurs privés présents sur la commune dans ce secteur. La commune fait par ailleurs valoir, sans être utilement contestée, que le médecin qui travaille au profit des crèches intervient, depuis 2015, en tant que " partenaire extérieur ", dans le cadre d'un marché public passé en procédure adaptée, avant que cette externalisation ne soit étendue au poste de psychologue. Dès lors, une telle réorganisation du service entraînant la suppression du poste occupé par M. A... est de nature à justifier la mesure de licenciement. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que cette mesure de licenciement ne reposait sur aucun motif tiré de l'intérêt du service. M. A... n'établissant pas l'illégalité de cette décision, ses conclusions indemnitaires doivent donc également être rejetées sur ce point.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
13. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au titre du même article par la commune de Chelles.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Chelles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Chelles.
Délibéré après l'audience du 8 mars 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 mars 2022.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
T. CELERIER
La greffière,
K. PETIT
La République mande et ordonne au préfet de Seine et Marne de en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21PA00082